Leçon: La réorientation du débat philosophique en Afrique

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Justification : Le but de cette leçon d’amener l’apprenant à mieux orienter son raisonnement

Introduction

Face au débat contradictoire entre les tenants de l’ethnophilosophie affirmant l’existence d’une philosophie africaine et les tenants de la tendance critique refusant cette philosophie, quelques penseurs africains ont préféré une réorientation du débat philosophique en Afrique. Il s’agit de savoir comment doit être la philosophie africaine.

I-                   La tendance idéologique

L’idéologie est un ensemble d’idées à partir desquelles la réalité est analysée.  L’idéologie modifie le comportement de ceux qui la pratiquent. Pour Kwame Nkrumah, il y a trois grands éléments culturels en Afrique : La culture arobo-musulmane, la culture euro-chrétienne et la culture traditionnelle africaine. Ces trois éléments parfois s’affrontent. Pour lui, la philosophie africaine doit unir ces trois éléments pour façonner une idéologie qui s’insère dans la personnalité africaine. Cette idéologie, il l’appelle le consciencisme. Il écrit : « Le consciencisme est l’ensemble, en termes intellectuels, de l’organisation des forces qui permettront à la société africaine d’assimiler les éléments de la culture arabo-musulmane, euro-chrétienne et traditionnelle africaine présentes en Afrique, et de les organiser de façon qu’ils s’insèrent dans la personnalité africaine. » Il ajoute : « la philosophie appelée consciencisme est celle qui, partant de l’état actuel de la conscience africaine indique par quelle voie le progrès sera tiré du conflit qui agite actuellement cette conscience ».

II-                L’orientation révolutionnaire

Pour Marcien Towa, la situation difficile de l’Afrique vient du fait que lors sa confrontation avec l’occident, il lui a manqué quelque chose. La philosophie africaine doit donc consister à voler le secret de la puissance de l’Europe et l’intégrer dans notre propre philosophie. Et ce secret de l’Europe est la technologie et la science. Notre philosophie doit chercher à inclure ces deux éléments qui ont fait notre faiblesse, afin que nous devenions incolonisables par l’Europe. Il écrit : « S’emparer du secret de l’occident revient à connaitre à fond sa civilisation, identifier la raison de sa seule puissance et l’introduire dans notre propre culture. » Pour Towa, nous devons révolutionner notre culture et notre philosophie de fond en comble pour y inclure ces deux éléments qui ont fait notre faiblesse. Il affirme : « Reconstituer le passé c’est courir le risque de maintenir cette faille et nous conduire à la perte. » Il recommande aussi aux Africains de faire la révolution, de renverser l’ordre politique actuel et d’installer un ordre plus juste. C’est ce qu’il appelle la praxis radical. Il écrit : « La révolution fait mieux que nous restituer notre passé, elle nous restitue notre humanité, fondement de notre passé. » Il recommande aussi à la philosophie africaine d’intégrer les éléments de la philosophie européenne, et plus précisément son rapport avec la religion et son alliance avec la science, et aussi le fait qu’elle vise à développer l’emprise de l’homme sur la nature. Il affirme : « La philosophie européenne prend place dans un projet qui est le nôtre, et elle devient aussi nôtre, parce qu’elle est à notre disposition. Nous la soumettons à la dialectique de nos besoins. »

Cheik Hamidou Kane épouse cette manière de penser dans son œuvre l’aventure ambigüe. Il écrit : « Pour rester soi-même, il faut se compromettre, c'est-à-dire aller vers l’autre. Il faut donc pratiquer ce qu’on appelle l’assimilation culturelle ».

III-             L’orientation anthropologique

Pour Njoh Mouelle, la philosophie africaine doit être centrée sur l’homme africain lui-même. Elle doit chercher à façonner un type d’homme nouveau capable de porter le développement. Elle doit viser à la transformation qualitative de l’homme africain, pour le rendre apte à porter le changement et affronter les défis qui se posent à l’Afrique. C’est pourquoi il écrit : « De la bataille du développement devra sortir un type d’homme que nous caractérisons sous les traits du créatif pour souligner la nécessité qu'il y a à faire en sorte qu’il soit un homme sinon libre, du moins toujours apte à le devenir ».

Conclusion

Les penseurs africains face au débat sur l’existence ou la non existence d’une philosophie africaine ont proposé comment devait être cette philosophie. Marcien Towa propose qu’elle intègre les éléments de la philosophie européenne pour faire que l’Afrique devienne incolonisable par l’Europe, puisqu’ils auront désormais les mêmes éléments de puissance. Kwame Nkrumah pour sa part propose que la philosophie africaine repose sur une idéologie fédératrice des éléments culturels en Afrique, qu’il a appelé le consciencisme. Njoh Mouelle propose que cette philosophie s’attèle à façonner un type d’homme nouveau. Paulin Hountondji propose que la philosophie africaine repose sur le débat contradictoire entre les philosophes et sur la liberté. Le débat n’est pas encore tranché et des éléments nouveaux viennent chaque jour l’enrichir d’avantage.