Résumé de l’ouvrage MANUEL D’ECONOMIE POLITIQUE
Auteur : Académie des sciences de l’U.R.S.S. (Union des Républiques Socialistes et Soviétiques), Institut d’économie
Edition : Editions Sociales
Année d’édition : Edition de 1956 (2ème édition)
Par :
La Ligue Associative Africaine
Sous la coordination de : Yemele Fometio
Août 2018
Cet ouvrage est résumé par le Département Panafricain de l’Education et de la Culture de la Ligue Associative Africaine. Le projet du résumé des grands ouvrages contribue à la Renaissance Africaine. Nous sommes convaincus que cette renaissance ne peut être assise que sur des savoirs solides et inattaquables. Nous avons décidé de résumer des ouvrages capitaux sur l’Afrique pour permettre aux africains d’avoir des connaissances nécessaires à l’émergence du continent, et à la proclamation de la République de Fusion Africaine.
Une renaissance africaine n’est pas possible sans un Etat unificateur solide et puissant, capable de fédérer toutes les aspirations du peuple africain à travers la planète. C’est pour cette raison que la Ligue Associative Africaine fédère les partis politiques, les syndicats et organisations des pays d’Afrique pour mener la Grande Révolution Panafricaine et proclamer la République de Fusion Africaine. Le résumé de cet ouvrage entre dans le cadre de notre programme éducatif « Les études panafricaines » qui vise à former les cadres de la Grande Révolution Panafricaine dans les partis politiques et organisations membres de la Ligue Associative Africaine. Au-delà, ce résumé s’adresse à tout africain et toute personne désireuse d’avoir des connaissances solides et vraies sur l’Afrique.
Cependant seule une lecture de l’ouvrage en entier peut vous permettre de cerner toute sa quintessence. Bonne lecture de ce résumé.
L’économie politique fait partie des sciences sociales. Elle étudie les lois de la production sociale et de la répartition des biens matériels aux différents stades de développement de la société humaine. La production matérielle constitue la base de la société. Pour vivre, les hommes doivent avoir de la nourriture, des vêtements et d’autres biens matériels. Pour se procurer ces biens, ils sont dans l’obligation de les produire, dans l’obligation de travailler. Ils ne le font pas isolement mais en commun, en groupes, en sociétés. C’est pourquoi la production est toujours une production sociale et le travail une forme d’activité de l’homme social.
Au cours du travail, l’homme modifie et utilise pour la satisfaction de ses besoins les objets fournis par la nature. Le travail est une nécessité naturelle, une condition absolue de l’existence des hommes. Sans lui, la vie humaine serait impossible. L’objet du travail c’est ce à quoi l’homme applique tout son travail : ça peut être un arbre, le sol, le minerai. Les moyens de travail désignent toutes les choses à l’aide desquelles l’homme agit sur l’objet de son travail et le modifie. Ce sont avant tout les instruments de production, ainsi que la terre, les bâtiments d’exploitation, les routes, les canaux… Le niveau de développement des instruments de production détermine les niveaux de développement entre les sociétés et distingue les différentes époques économiques.
Les objets du travail et les moyens de travail constituent les moyens de productions. Pour que le processus de création des biens matériels commence, à eux doit s’ajouter la force de travail qui est la faculté que l’homme a de travailler. Avec le progrès des instruments de production se développent chez l’homme l’aptitude au travail, le savoir-faire, l’habileté, l’expérience de la production. Les instruments de production, les hommes qui mettent en œuvre ces instruments et produisent les biens matériels constituent les forces productives de la société. Les masses laborieuses sont la principale force productive de la société humaine à toutes les étapes de son développement. Les rapports de production comprennent : Les formes de propriété des moyens de production, la position des divers groupes sociaux.
Les forces productives et les rapports de production forment un ensemble qui est le mode de production. A un certain degré de développement, les forces productives dépassent le cadre des rapports de production existants et entrent en conflit avec eux. Les rapports de production qui étaient la forme de développement des forces productives deviennent leurs chaines. C’est pourquoi les anciens rapports de production sont tôt ou tard remplacés par des nouveaux rapports qui correspondent au niveau de développement et au caractère des forces productives de la société. Un changement de la base économique de la société entraine un changement de sa superstructure. Les nouveaux rapports de production donnent libre cours au développement des forces productives. Dans une société qui repose sur la propriété privée et l’exploitation de l’homme par l’homme, les conflits entre les forces productives et les rapports de production se manifestent par la lutte des classes. Le passage de l’ancien au nouveau mode de production s’accomplit alors par une révolution sociale.
Les lois du développement économique sont indépendantes de la volonté des hommes. Les hommes peuvent les connaitre et les utiliser dans l’intérêt de la société, mais ils ne peuvent pas abolir ou créer des lois économiques. Chaque mode de production a sa loi économique fondamentale qui en exprime l’essence et en définit les principaux aspects et les principales lignes de développement. Il y a aussi des lois économiques valables pour toutes les formations. L’économie politique étudie les types fondamentaux de rapports de production que connait l’histoire : la communauté primitive, l’esclavage, la féodalité, le capitalisme, le socialisme. Elle montre comment toute la marche de l’histoire prépare la victoire du mode de production socialiste. Elle étudie ensuite les lois économiques du socialisme et de son développement vers la phase supérieure du communisme. La méthode de l’économie politique marxiste est celle du matérialisme dialectique. L’économie politique s’occupe de problèmes réels et brûlants qui affectent les intérêts vitaux des hommes, de la société, des classes. Il existe l’économie politique prolétarienne et celle des classes intermédiaires (économie politique petite bourgeoise). L’économie politique objective ne peut être que celle de la classe qui n’a pas intérêt à dissimuler les contradictions et les plaies du capitalisme. Cette classe c’est la classe ouvrière. C’est l’économie politique du marxisme-léninisme. Elle s’appuie sur les ouvrages fondamentaux de Marx, Engels, Lénine, Staline et Trotski qui ont créé une économie politique réellement scientifique et sur ceux de leurs disciples qui ont à leur tour développé des thèses nouvelles pour la lutte révolutionnaire et l’édification du socialisme et du communisme.
L’économie politique marxiste-léniniste est une arme idéologique puissante entre les mains de la classe ouvrière et de toute l’humanité laborieuse qui lutte pour s’affranchir de l’oppression capitaliste. Elle arme les masses laborieuses de la connaissance des lois du développement économique de la société, elle leur donne de claires perspectives et la certitude de la victoire définitive du communisme.
PREMIERE PARTIE : LES MODES DE PRODUCTION PRECAPITALISTES
CHAPITRE 1 : LE MODE DE PRODUCTION DE LA COMMUNAUTE PRIMITIVE
L’apparition de la société humaine
L’homme est apparu au début de la période actuelle de l’histoire de la terre, il y a moins d’un million d’années. Cette apparition a marqué un tournant décisif dans le développement de la nature. L’homme commence à se distinguer foncièrement de l’animal au moment où il se met à fabriquer des instruments, aussi simples soient-ils. Aucun animal n’a confectionné même l’outil le plus primitif. Les conditions d’existence incitaient les ancêtres de l’homme à fabriquer des instruments. L’expérience leur a suggéré qu’ils pouvaient utiliser des pierres aiguisées pour se défendre en cas d’attaque ou pour chasser. Ils se mirent à confectionner des outils de pierre en frappant une pierre contre l’autre. Ceci marque le début de la fabrication des outils. Et c’est par la fabrication des outils que le travail a commencé.
Grâce au travail, les extrémités des membres antérieurs du singe anthropomorphe sont devenues les mains de l’homme. La main est donc l’organe, mais aussi le produit du travail. A mesure que la main se déchargeait de tout emploi autre que le travail, les ancêtres de l’homme s’habituaient de plus en plus à la station verticale. Quand les mains furent prises par le travail, s’accomplit le passage définitif à la station verticale, ce qui joua un rôle très important dans la formation de l’homme.
Les ancêtres de l’homme vivaient en hordes, en troupeaux, les premiers hommes aussi. Mais entre les hommes, un lien était apparu qui ne pouvait pas exister dans le règne animal, ce lien était le travail. C’est en commun que les hommes fabriquaient les outils, en commun qu’ils les mettaient en œuvre. Par conséquent, l’apparition de l’homme a aussi marqué le début de la société humaine, le passage de l’état zoologique à l’état social. Le travail commun a entrainé l’apparition et le développement du langage articulé. Sans ce langage, les hommes ne pouvaient pas se concerter pour lutter ensemble contre les forces de la nature, la production sociale elle-même ne pouvait exister.
Le travail et le langage ont exercé une influence déterminante sur le perfectionnement de l’organisme de l’homme, sur le développement de son cerveau. Les progrès du langage sont étroitement solidaires des progrès de la pensée. A la différence des actes instinctifs des animaux, les actes de l’homme au travail prirent peu à peu un caractère conscient. C’est grâce au travail que la société humaine est née et qu’elle a commencé à se développer.
Les conditions de la vie matérielle dans la société primitive. Le perfectionnement des instruments de travail
L’homme primitif était complètement écrasé par les difficultés de l’existence, de la lutte contre la nature. Une pierre grossièrement taillée et un bâton ont été ses premiers objets. La pierre était en quelque sorte le prolongement de son poing et le bâton le prolongement de son bras tendu.
Les hommes vivaient en groupes comptant au plus quelques dizaines de membres : un nombre plus élevé d’individu n’aurait pu se nourrir ensemble. Beaucoup de ces groupes mourraient de faim ou devenaient la proie des bêtes féroces. Le travail en commun était pour les hommes la seule possibilité et une nécessité absolue. Longtemps l’homme primitif a surtout vécu de la cueillette et de la chasse, effectuées collectivement à l’aide des instruments les plus simples. Les fruits du travail en commun étaient de même consommés en commun.
La découverte du feu a été une grande conquête de l’homme primitif. Il voyait d’abord le feu allumé fortuitement par la foudre, les incendies de forêt et les volcans. Le feu allumé était longuement et soigneusement entretenu. Ce n’est qu’après des millénaires que l’homme perça le secret de la production du feu. Il nota que le feu s’obtenait par le frottement et appris à le produire en frottant deux pierres. La découverte du feu modifia profondément les conditions de la vie matérielle de l’homme et le détacha définitivement du règne animal. Le feu lui permis de préparer les aliments et de diversifier sa nourriture (poisson, racines, tubercules, féculents…) Il le protégeait du froid, ce qui permit aux hommes de se répandre sur une partie plus étendue du globe. Le feu permettait aussi de mieux se défendre contre les bêtes féroces.
A mesure qu’il se développait physiquement et intellectuellement, l’homme devenait capable de produire des instruments de plus en plus perfectionnés. Il se servait pour chasser d’un bâton à bout aiguisé. Puis il fixa à ce bâton une pointe de pierre. Il eut ensuite des lances à pointes de pierre, de haches, des racloires, des couteaux, des harpons et des crochets de pierre, instruments qui lui permirent de chasser les gros gibiers et de développer la pêche. A cette époque, comme la pierre était restée la principale matière dont on faisait les outils, on a donné le nom d’âge de la pierre. Plus tard, l’homme apprit à fabriquer des outils en métal (cuivre, bronze, fer). L’invention de l’arc et des flèches en métal marque une étape importante dans le perfectionnement des instruments de travail. Désormais la chasse fournit en quantités accrues les moyens d’existence indispensables. L’élevage primitif apparait (domestication du chien, de la chèvre, des bovidés, du porc et du cheval).
L’agriculture constitua aussi une étape décisive dans le développement des forces productives de la société. D’un bâton à bout recourbé (la houe), la découverte de la fonte des métaux rendit le travail agricole plus productif. Les tribus primitives devinrent progressivement sédentaires.
Les rapports de production dans la société primitive, la division naturelle du travail
Les rapports de production sont déterminés par le caractère, l’état des forces productives. Dans la communauté primitive, la propriété commune des moyens de production constitue la base des rapports de production. Cette propriété commune correspond alors au caractère des forces productives, les instruments de travail étant trop primitifs pour permettre aux hommes de lutter isolement contre les forces de la nature et les bêtes féroces. Les hommes primitifs n’avaient pas la notion de la propriété privée des moyens de production. Le travail de l’homme primitif ne créait aucun excédent par rapport au strict nécessaire. Il ne pouvait donc exister ni classes ni exploitation de l’homme par l’homme. La propriété sociale ne s’étendait qu’à de petites communautés plus ou moins isolées les unes des autres. Le niveau extrêmement bas des forces productives imposait la division d’une maigre nourriture en parts égales. Si un membre prenait une part supérieure, un autre devait être condamné à mourir de faim.
Le développement des instruments de production entraine la division du travail dont la forme la plus simple est la division naturelle du travail d’après le sexe et l’âge (hommes-femmes, jeunes-adultes-vieillards). La chasse est devenue la spécialité des hommes, la récolte des aliments végétaux et le ménage celle des femmes, d’où un certain accroissement de la productivité du travail.
Le régime de la « gens ».
Quand une économie primitive se fût constituée et que la population eût augmentée peu à peu, la société s’organisa en « gentes ». Seuls les hommes unis par les liens de sang pouvaient à cette époque se grouper pour travailler ensemble. L’homme primitif considérait comme un ennemi quiconque n’était pas lié à lui par la parenté consanguine. La gens pouvait regrouper plusieurs centaines d’individus regroupés en plusieurs familles.
Les débuts de la division sociale du travail et de l’échange
La formation de tribus de pasteurs a marqué la première grande division sociale du travail. En se livrant à l’élevage, ces tribus réalisèrent d’importants progrès. Elles apprirent à soigner le bétail de manière à obtenir plus de viande, de laine, de lait. Cette grande division entraina une élévation sensible de la productivité du travail. Les tribus de pasteurs disposaient de certains excédents de bétail, de produits laitiers, de viande, de peaux, de laine. Mais elles avaient aussi besoin des produits agricoles. Entre temps, les tribus des agriculteurs avaient aussi fait des progrès et disposaient des excédents, mais avaient aussi besoin des produits que disposaient les tribus des pasteurs, d’où le développement des échanges.
A côté de l’agriculture et de l’élevage, d’autres activités productrices prenaient leur essor : fabrication des récipients en argile, tissage à la main, fabrication des instruments de travail issus de la fonte du métal (araire à sac de fer, hache de fer, épée de fer). On les a globalisés sous le nom d’artisans : forgerons, armuriers, potiers… Avec la multiplication des objets d’échanges, les échanges prirent de l’extension.
L’apparition de la propriété privée et des classes. La désagrégation de la communauté primitive
Avec l’apparition des outils plus perfectionnés, la répartition égalitaire des produits du travail commença à freiner le développement des nouvelles forces productives. Une famille était désormais capable de s’assurer les moyens d’existence dont elle a besoin. Ce qui développa l’exploitation individuelle, plus productive. Si le travail en commun entrainait nécessairement la propriété commune des moyens de production, le travail individuel requérait la propriété privée.
Les échanges se faisaient par l’entremise des chefs des gentes au nom de leurs communautés. Ceux-ci en vinrent peu à peu à considérer le bien de la communauté comme leur propriété. Le bétail, tous les instruments de travail devinrent peu à peu propriété privée. Seule la propriété commune du sol se maintint plus longtemps. Le développement des forces productives et la naissance de la propriété privée entrainent la désagrégation de la gens qui se décompose en un nombre de grande familles patriarcales. (Rappelons ici que les sociétés méridionales nègres ne connaitront pas le développement qui va suivre. Ils évolueront vers la construction de grandes civilisations et garderont une communauté de production et de distribution des biens. Ils garderont également un caractère matriarcal. Ils subiront le capitalisme avec leur contact avec les civilisations européennes à partir du XVe siècle). Au sein des familles patriarcales qui ressortent de la désagrégation de la gens, certaines cellules firent des instruments de production, des ustensiles de ménage et du bétail leur propriété privée.
Avec le développement de la propriété privée, la communauté rurale ou la communauté territoriale se substitua à la gens. A la différence de celle-ci, elle se composait d’individus qui n’étaient pas forcements liés par la consanguinité. L’habitation, l’exploitation domestique, le bétail était la propriété privée de chaque famille. Les forêts, les prairies, les eaux et d’autres biens restèrent propriété commune. Les progrès de la propriété privée et de l’inégalité des biens déterminèrent chez les divers groupes de la communauté des intérêts différents. Les individus qui exerçaient les fonctions d’anciens, de chefs militaires, les prêtres mirent à profit leur situation pour s’enrichir. Ils s’approprièrent une partie considérable de la propriété commune. Ils se détachaient de plus en plus de la grande masse des membres et formaient une aristocratie dont le pouvoir se transmettait de plus en plus par hérédité. La grande masse tombait peu à peu dans leur dépendance économique.
Grâce à l’essor des forces productives, le travail de l’homme lui procura plus de moyens qu’il n’en fallait pour son entretien. Il devint possible de s’approprier le surtravail et le surproduit. Les prisonniers de guerre n’étaient plus mis à mort. Mais ils devaient travailler comme esclaves pour les familles les plus riches. Peu à peu, les riches vont réduire en esclavage les propres membres de leurs communautés appauvris et endettés. Ainsi naquit la première division de la société en classes. La classe des maitres et la classe des esclaves. Ce fut le début de l’exploitation de l’homme par l’homme, c’est-à-dire de l’appropriation sans contrepartie par certains individus des produits du travail d’autres individus.
Peu à peu les rapports de production propres au régime de la communauté primitive se désagrégeaient et étaient remplacés par des rapports nouveaux, qui correspondaient au caractère des nouvelles forces productives. Le travail en commun fit place au travail individuel, la propriété sociale à la propriété privée, la société gentilice à la société de classe. Désormais l’histoire sera jusqu’à l’édification de la société socialiste, l’histoire de la lutte des classes.
Les représentations sociales à l’époque primitive
A l’origine, l’homme primitif accablé par le besoin et les difficultés de la lutte pour son existence, ne s’était pas entièrement détaché de la nature environnante. C’est seulement par la suite, incapable de comprendre et d’expliquer les phénomènes de la nature et de la vie sociale qu’il se mit à peupler le monde d’êtres surnaturels, d’esprits, de forces magiques. Il animait les forces de la nature, d’où l’animisme. Il les divisait en esprits familiers et étrangers, favorables et hostiles.
CHAPITRE 2 : LE MODE DE PRODUCTION FONDE SUR L’ESCLAVAGE
La naissance de l’esclavage
Ce système connut son plus haut degré de développement à Rome au IIe siècle avant notre ère. Le passage de la société primitive au régime de l’esclavage s’explique par le progrès des forces productives, le développement de la division sociale du travail et des échanges. Le passage des outils de pierre aux outils de métal ouvrit au travail humain des domaines nouveaux. L’invention du soufflet de forge permit de fabriquer des instruments de fer d’une solidité encore inconnue. La hache de fer rendit possible le défrichement des terrains couverts de forêts et de buisson et leur mise en culture. L’araire à sac de fer permit de cultiver des superficies relativement étendues. Les métiers firent leur apparition.
Dans l’agriculture qui restait la principale branche de la production, les procédés de culture et d’élevage s’améliorèrent. De nouvelles plantes furent cultivées (vigne, lin, plantes oléagineuses), les troupeaux s’accrurent rapidement dans les familles riches. L’entretien du bétail réclamait toujours plus de bras. Le métier, qui était auparavant une occupation annexe pour le cultivateur et l’éleveur, devint pour beaucoup une activité autonome. Le métier se détacha de l’agriculture. Ce fut la deuxième grande division du travail (agriculture et le métier). L’élévation de la productivité du travail augmente la masse du surprofit, ce qui, en raison de la propriété privée des moyens de production, permit à une minorité de la population d’accumuler des richesses et, grâce à elle, d’assujettir la majorité laborieuse, de réduire les travailleurs en esclavage.
Les artisans produisaient d’abord sur commande, puis pour le marché. Les paysans qui vivaient pour l’essentiel en économie naturelle se voyaient obligés de vendre une partie de leurs produits sur le marché pour acheter des articles aux artisans et payer les impôts. Ainsi, une partie des produits du travail des artisans et des paysans se transforma peu à peu en marchandises (produit fabriqué non pour être directement consommé, mais pour être échangé, vendu sur le marché).
La production pour l’échange caractérise l’économie marchande. Quand les échanges prirent de l’extension et devinrent réguliers, une marchandise se dégagea peu à peu, contre laquelle on échangeait volontiers toute autre marchandise. C’est ainsi qu’apparut la monnaie (marchandise universelle qui sert à évaluer toutes les autres marchandises et joue le rôle d’intermédiaire dans les échanges.
Le développement du métier et de l’échange eût pour conséquence la formation des villes. Le métier et le commerce s’y concentrèrent. Par le genre d’occupation de leurs habitants, par leur mode de vie, les villes se différencièrent de plus en plus de la campagne. Des marchands apparurent. Pour réaliser un gain, ils achetaient les marchandises aux producteurs, les amenaient sur des marchés parfois très éloignés du lieu de production et les revendaient aux consommateurs. L’extension de la production et des échanges accrut l’inégalité des fortunes qui s’accumulaient entre les mains des riches. De plus en plus, les pauvres étaient obligés de recourir à ces derniers pour obtenir un prêt, la plupart du temps en nature, mais parfois aussi en argent. Les riches prêtaient instruments de production, semences, argent, assujettissant leurs débiteurs qu’ils réduisaient en esclavage et dépouillaient de leurs terres en cas de non-remboursement de la dette. Ainsi naquit l’usure. Elle apporta aux uns un surcroit de richesses, aux autres la sujétion au débiteur.
La terre, à son tour, devint propriété privée. On se mit à la vendre et à l’hypothéquer. Si le débiteur ne pouvait rembourser l’usurier, il devait abandonner sa terre, vendre ses enfants et se vendre lui-même comme esclave. Parfois, sous un prétexte quelconque, les gros propriétaires fonciers s’emparaient de prairies et de pâturages appartenant aux communautés rurales. C’est ainsi que la propriété foncière, l’argent et la masse des esclaves se concentraient entre les mains des riches propriétaires. La petite exploitation paysanne se ruinait de plus en plus tandis que l’économie fondée sur l’esclavage se renforçait. La société reposait désormais sur le travail servile. Elle était divisée en deux grandes classes antagonistes : celles des esclaves et celles des propriétaires d’esclaves. Ainsi se constitua le mode de production fondé sur l’esclavage.
Sous le règne de l’esclavage, la population se divisait en hommes libres et en esclaves. Les hommes libres jouissaient de tous les droits civiques, politiques et de propriété (sauf les femmes réduites en fait à la condition d’esclaves dans les sociétés nordiques. Dans les sociétés nègres n’ayant pas connu la société esclavagiste, elles étaient le pivot de la société). Les hommes libres à leur tour se divisaient en grands propriétaires fonciers et d’esclaves et en petits producteurs (paysans, artisans). Les prêtres, par leur situation se rattachaient à la classe des grands propriétaires fonciers et d’esclaves. En plus de la contradiction maitres-esclaves qui était la fondamentale de la société, il y avait aussi la contradiction entre les grands propriétaires fonciers et les paysans.
La division de la société en classes rendit nécessaire la formation de l’Etat. Les gentes et les tribus se rapprochèrent, s’unirent en confédération. Le caractère des institutions gentilices se modifia et se transforma en organes de domination sur le peuple, en organes ayant pour objet de spolier et d’opprimer leurs propres tribus et celles voisines. Les anciens et les chefs militaires devinrent des rois. Ils usèrent dorénavant de leur pouvoir pour défendre les intérêts des couches possédantes et pour réprimer les esclaves grâce aux armées, aux tribunaux et organismes punitifs...). Cet Etat grandit, se ramifia et devint un vaste appareil de domination et de violence dirigé contre les masses populaires dans les sociétés nordiques. Les démocraties de la Grèce et de la Rome antique n’étaient au fond que des démocraties de propriétaires d’esclaves.
Les rapports de production de la société esclavagiste. La situation des esclaves
La propriété du maitre non seulement sur les moyens de production, mais aussi sur les producteurs, les esclaves, formait la base des rapports de production de la société esclavagiste. L’esclave était considéré comme une chose. Son maitre avait sur lui un pouvoir absolu. Il pouvait être acheté ou vendu, ou même tué impunément. On obligeait les esclaves à travailler par les moyens les plus brutaux, on les poussait à coup de fouet, on les punissait férocement à la moindre peccadille. On les marquait pour les retrouver plus facilement s’ils s’enfuyaient. Beaucoup portaient jour et nuit un collier de fer sur lequel était inscrit le nom de leur maître. Ils n’avaient qu’un minimum de fruits de leur travail, ce qui devait leur empêcher de mourir de faim et de continuer à travailler. Le développement du mode de production fondé sur l’esclavage s’accompagne d’une demande d’esclaves toujours accrue. Les guerres étaient la grande pourvoyeuse d’esclaves. Ce qui justifie les guerres de la Grèce et de la Rome antique. Les soldats et une grande partie de la population des vaincus étaient faits esclaves. Le commerce des esclaves était très florissant. Il existait des centres spéciaux, des marchés où vendeurs et acheteurs venus de lointains pays se rencontraient.
Le système esclavagiste permettait à l’Etat esclavagiste et aux propriétaires d’esclaves d’appliquer la coopération sur une large mesure : systèmes d’irrigation, routes, ponts, fortifications, monuments. Le travail servile des esclaves était aussi utilisé dans les grands ateliers, la construction, l’extraction du minerai de fer, d’argent et de l’or, l’agriculture. Le travail servile permettait aux latifundia (vastes domaines où peinaient des centaines et des milliers d’esclaves) de produire les autres denrées agricoles à meilleur compte que les petites exploitations des paysans libres. La petite paysannerie était évincée, réduite en esclavage, ou allait à la ville grossir les rangs des couches misérables de la population. Grâce au travail servile, le monde antique atteignit un degré de développement économique et culturel remarquable. Mais la production restait à un niveau technique très bas. Les inventions techniques étaient plutôt utilisées pour la guerre et la construction. La principale force motrice agricole restait la force physique de l’homme et des animaux domestiques. Une partie considérable de la population libre méprisaient le travail physique abandonné aux esclaves et se consacrait aux affaires publiques, aux sciences et à l’art. Ces domaines atteignirent un important développement. Mais cette attitude creusait un fossé entre le travail manuel et le travail intellectuel.
Dans chaque pays, le mode de production esclavagiste présente des particularités. Il a été moins rude en orient où les esclaves requéraient facilement leur liberté après un certain temps de travail. Dans cette partie, avec le développement de l’esclavage, les terres des communautés se concentrèrent de plus en plus entre les mains de l’Etat. Le roi, qui exerçait un pouvoir absolu, devint le propriétaire suprême du sol. Il accablait les paysans d’impôts, faisait peser sur eux toute sorte de charges, les réduisant ainsi à la condition d’esclave. La majeure partie du travail servile et de son produit étaient utilisés par les propriétaires d’esclaves de façon improductive pour satisfaire les caprices individuels (amasser des trésors, construire des ouvrages militaires et mettre sur pieds des armées, bâtir ou entretenir des palais et des temples somptueux.)
Le développement de l’échange. Le capital commercial et le capital usuraire.
Avec les progrès des échanges, le rôle de la monnaie s’accrut. L’argent n’était pas seulement un moyen d’acheter et de vendre des marchandises, il servait aussi à s’approprier le travail d’autrui par le commerce et l’usure. L’argent dépensé pour s’approprier le surtravail et son produit devient le capital, c'est-à-dire moyen d’exploitation. Le capital commercial (celui engagé dans la sphère de l’échange des marchandises) et le capital usuraire (celui utilisé sous forme de prêts d’argents, de moyens de production ou d’objet de consommation) ont été, historiquement, les premières formes de capital. En achetant et en revendant, les marchands s’approprièrent une importante partie du surprofit crée par les esclaves, les petits paysans et les artisans. Les usuriers prêtaient également de l’argent à l’aristocratie et avaient ainsi part au surprofit que fournissait à celle-ci le travail des esclaves.
L’aggravation des contradictions du mode de production esclavagiste
C’est sur les ossements de générations d’esclaves que s’est épanouie la civilisation qui a été à la base des progrès ultérieurs de l’humanité. De nombreuses branches du savoir (mathématiques, astronomie, mécanique, architecture) ont atteint un développement remarquable. Mais le régime esclavagiste était déchiré par des contradictions insolubles qui le conduisirent finalement à sa perte. Les révoltes des esclaves, férocement exploités se multipliaient. Les paysans et les artisans étaient ruinés par la concurrence des grands propriétaires d’esclaves et des taxes qui croissaient du fait des guerres. Ce sont eux qui constituaient l’armée. La disparition de la paysannerie libre sapait la puissance économique, militaire et économique des Etats esclavagistes et notamment de Rome. Aux victoires succédèrent les défaites, aux guerres de conquête des guerres défensives. La source des esclaves (guerres) avait tari. La production déclina, le commerce fut désorganisé, les métiers dépérirent, les villes se vidèrent.
Il était devenu historiquement nécessaire de remplacer les rapports de production fondés sur l’esclavage par d’autres rapports qui permettraient de modifier la situation sociale des masses laborieuses, principale force productive. Comme la grande production fondée sur l’esclavage avait cessé d’être rémunératrice, les maitres affranchissaient en masse les esclaves. Les grands domaines furent morcelés en petites parcelles et remises à certaines conditions soit à d’anciens esclaves, soit à des citoyens autrefois libres. Ces nouveaux cultivateurs étaient attachés à leurs parcelles. Mais ils n’étaient plus esclaves. C’était une nouvelle catégorie de petits producteurs dont la situation était intermédiaire entre celles des hommes libres et des esclaves et qui avaient quelque intérêt au travail. Ces colons comme on les appelait furent les prédécesseurs des serfs au moyen âge. Ainsi apparaissaient au sein même de la société esclavagiste, les éléments d’un mode de production nouveau, le mode féodal.
La lutte de classe des exploités contre les exploiteurs. Les révoltes d’esclaves. La fin du régime de l’esclavage
Les révoltes des esclaves se combinaient avec la lutte de petits paysans exploités contre la couche privilégiée des grands propriétaires d’esclaves et de terres. Au début du développement de la société esclavagiste, la contradiction entre les petits producteurs et les grands propriétaires fonciers conduit à un mouvement démocratique propulsé par les premiers. Ce mouvement se proposait d’annuler les dettes, de procéder au partage des terres, de retirer les privilèges de l’aristocratie foncière, de donner le pouvoir au peuple (demos).
Les soulèvements des masses exploités et surtout des esclaves minèrent la puissance de Rome. La plus importante d’entre elles est celle que dirigea Spartacus (74 - 71) avant le début de l’ère chrétienne. Tandis que ces soulèvements s’opéraient à l’intérieur, les tribus voisines attaquaient et forçaient les frontières à l’extérieur. Toutes ces circonstances hâtèrent la fin du régime esclavagiste à Rome où le mode de production esclavagiste avait atteint son apogée. La chute de l’empire romain marqua aussi la fin du régime de l’esclavage dans son ensemble. A ce régime succéda la féodalité.
CHAPITRE III : LE MODE DE PRODUCTION FEODAL
L’avènement de la féodalité
L'Empire romain fut détruit par les tribus germaniques, gauloises, slaves et autres, qui habitaient différentes parties de l'Europe. Le pouvoir des propriétaires d'esclaves fut renversé, l'esclavage disparut. Les latifundia et les grands ateliers artisanaux reposant sur le travail servile se disloquèrent. La population se composait désormais de grands propriétaires fonciers (anciens propriétaires d'esclaves qui avaient donné leurs terres aux colons contre des redevances diverses), d'esclaves affranchis, de colons, de petits paysans et d'artisans. A l'époque où elles soumirent Rome, les tribus conquérantes se trouvaient au stade de la communauté primitive en voie de désagrégation. La terre, à l'exception des grands domaines de l'aristocratie de la gens, était un bien communal. Les forêts, les friches, les pacages, les étangs restaient les biens collectifs. On procédait à un nouveau partage des champs et des prairies entre les membres de la communauté. La répartition des terres, l'examen des affaires concernant la communauté, le règlement des litiges étaient du ressort de l'assemblée de la communauté, des anciens et des juges qu'elle élisait. A la tête des tribus conquérantes se trouvaient des chefs militaires qui, ainsi que leurs suites, possédaient de vastes étendues de terre. Les tribus qui soumirent l'Empire romain s'emparèrent de la plus grande partie des terres publiques et d'une partie des terres appartenant aux gros propriétaires fonciers.
Les terres partagées devinrent la propriété privée des paysans. Ainsi se constitua une couche nombreuse de petits paysans indépendants. Mais les paysans ne pouvaient garder longtemps leur indépendance. L'inégalité des fortunes entre les membres de la communauté rurale devait nécessairement s'accentuer du fait de l'existence de la propriété privée de la terre et des autres moyens de production. Les paysans perdaient petit à petit leur liberté personnelle au profit des grands propriétaires fonciers. Pour maintenir et consolider leur pouvoir sur les paysans dépendants, les grands propriétaires fonciers devaient renforcer le pouvoir d'Etat. Les chefs militaires, s'appuyant sur l'aristocratie de la «gens » et les guerriers de leurs suites, concentrèrent le pouvoir en leurs mains et se transformèrent en rois, en monarques. Sur les ruines de l'Empire romain se constituèrent un certain nombre d'Etats nouveaux ayant des rois à leur tête. Ces rois distribuaient généreusement à leurs proches, à titre momentanée, puis héréditaire, les terres qu'ils avaient conquises ; ceux-ci leur devaient en échange le service militaire. L'Eglise, appui important du pouvoir royal, reçut-elle aussi de nombreuses terres. Le sol était cultivé par les paysans désormais tenus de s'acquitter de certaines obligations au bénéfice de leurs nouveaux maîtres. Les terres ainsi concédées étaient désignées sous le nom de fiefs. D'où le nom de féodalité donné au nouveau régime social. Le service militaire ininterrompu, les pillages et les impôts ruinaient la paysannerie libre. Réduit à demander assistance au grand propriétaire foncier, le paysan devenait dépendant de ce dernier. Il était souvent contraint de se placer sous la protection du seigneur féodal. Un homme isolé, sans défense, ne pouvait survivre en raison des guerres continuelles, des incursions de brigandage. Parfois aussi, les représentants et les fonctionnaires du roi accaparaient, par la fraude et la violence, les terres des paysans libres, les obligeant à reconnaître leur pouvoir. La féodalisation s'accomplit différemment dans les divers pays, mais elle aboutit partout aux mêmes résultats : les paysans autrefois libres devenaient personnellement dépendants des féodaux qui s'étaient emparés de leur terre. Avec le temps, les différences qui avaient d'abord existé entre anciens esclaves, colons et paysans libres, finirent par s'effacer, et tous se fondirent dans la masse de la paysannerie serve. Peu à peu se constitua un état de choses caractérisé par l'adage du Moyen âge : « Pas de terre sans seigneur ». Les rois étaient les propriétaires suprêmes de la terre. Il faut préciser que tous les peuples n’ont pas connu les mêmes étapes d’évolution. Certains peuples ont sauté d’autres étapes. Les tribus qui ont fait tomber l’empire romain n’ont pas connu la société esclavagiste. Elles sont quittées de la communauté primitive à la société féodale. L’Afrique noire n’a pas connu la société esclavagiste et féodale. Elle a bâti de grands empires sur le modèle de la communauté primitive. Elle a connu la société capitaliste par le truchement de la colonisation étrangère.
Les rapports de production de la société féodale. L'exploitation du paysan par le seigneur.
La base des rapports de production de la société féodale était la propriété du seigneur sur la terre et sa propriété limitée sur le serf. Ce dernier n'était pas un esclave. Le seigneur ne pouvait plus le tuer, mais il pouvait le vendre. La propriété féodale coexistait avec la propriété individuelle du paysan et de l'artisan sur les instruments de production et sur leur exploitation privée. Le domaine proprement dit du seigneur s'étendait sur une partie de sa terre. L'autre partie, il la donnait aux paysans à des conditions qui les asservissaient. En échange du caractère héréditaire de son lot, le paysan devait travailler pour le propriétaire, utiliser ses propres objets pour cultiver la terre du seigneur et élever son bétail ou bien lui remettre son surproduit en nature ou en argent.
Le temps de travail du serf se divisait en deux parties : Le temps nécessaire et le temps supplémentaire. Pendant le temps nécessaire, le paysan créait le produit nécessaire à sa subsistance et à celle de sa famille. Pendant le temps supplémentaire, il créait le produit supplémentaire, le surproduit, que le seigneur s'appropriait. Le fruit du surtravail du paysan travaillant dans le domaine seigneurial, ou le surproduit créé par le paysan dans sa propre exploitation et que s'appropriait le seigneur constituaient la rente foncière féodale. Parfois, cette rente foncière absorbait non seulement le surproduit du paysan, mais encore une partie de son produit nécessaire. Il a existé sous la féodalité trois formes de rente foncière : La rente-travail, la rente en nature et la rente en argent. Toutes ces trois formes sont l’expression de la domination du seigneur sur ses serfs.
Au début de la féodalité, le paysan travaillait trois jours ou plus dans le domaine du seigneur et le reste de jours dans sa propre exploitation. Il avait intérêt à travailler plus dans son fief, ce qui fait que le maitre le surveillait. Par la suite, la rente-travail fut remplacé par la rente en nature. Le paysan était tenu de livrer régulièrement au seigneur une certaine quantité de blé, de bétail, de volailles et d'autres produits agricoles ; le plus souvent, en plus de cette rente en nature, il devait continuer à faire des corvées dans le domaine du seigneur. La rente en nature permettait au paysan de disposer à son gré de son travail nécessaire comme de son surtravail. Le paysan acquérait une indépendance relative, ce qui l'encourageait jusqu'à un certain point à accroître la productivité de son travail. Au dernier stade de la féodalité, quand l'échange eut pris une assez large extension, apparut la rente en argent. Les différentes formes de la rente féodale ont souvent coexisté. Pour accroître leurs revenus, les seigneurs levaient une foule de taxes sur les paysans. Souvent, ils monopolisaient les moulins, les forges et autres entreprises auxquelles le paysan était obligé de recourir moyennant un paiement exorbitant en nature ou en argent. Outre la redevance en nature ou en argent qu'il versait au seigneur, le paysan devait acquitter une série d'impôts d'Etat, de taxes locales et, dans certains pays, payer la dîme, c'est-à-dire remettre à l'Eglise le dixième de sa récolte. Les paysans non seulement produisaient les denrées agricoles, mais encore travaillaient dans les domaines seigneuriaux en qualité d'artisans, construisaient châteaux et monastères, faisaient les routes ; ce sont eux qui ont bâti les villes. Certains domaines disposaient d'un nombre suffisant d'artisans qui confectionnaient des vêtements et des chaussures, fabriquaient et réparaient les armes, les engins de chasse et le matériel agricole, construisaient les bâtiments. Notons que dans certains pays, surtout ceux d’Orient, le régime féodal a présenté des particularités.
La ville médiévale. Les corporations. Les guildes des marchands.
Les villes sont apparues dès l'époque de l'esclavage : Ainsi Rome, Florence, Venise, Gênes, Constantinople, Alexandrie, Paris, Lyon, Marseille, Londres, Samarcande et bien d'autres encore sont un héritage qu'a reçu le Moyen âge de l'époque de l'esclavage. Le régime fondé sur l'esclavage s'écroula, mais les villes restèrent. Dans le haut Moyen âge, les villes et les métiers ne connurent qu'un faible développement. Puis des artisans, desservant leur village, commencèrent à se détacher de la masse paysanne. La productivité de leur travail s'accrut. On put fabriquer plus d'articles qu'il n'était nécessaire au seigneur ou aux paysans d'un seul village. Les artisans commencèrent à se grouper autour des châteaux forts et des monastères, dans les gros bourgs et autres centres commerciaux. C'est ainsi que petit à petit on vit apparaître de nouvelles cités, la plupart du temps sur des cours d'eau (Kiev, Pskov, Novgorod, Vladimir). Avec le temps, les métiers devinrent de plus en plus lucratifs. Les villes qui se trouvaient sur les terres des féodaux laïques et ecclésiastiques, relevaient de leur juridiction. Les citadins étaient tenus à certaines obligations envers le seigneur. Ils lui versaient des redevances en nature ou en argent, ils étaient jugés par son administration et ses tribunaux. La population des villes engagea la lutte pour s'affranchir de cette dépendance féodale. De force ou en se rachetant, les villes obtinrent le droit de s'administrer, d'avoir leurs tribunaux, de battre monnaie et de lever des impôts. La population urbaine se composait surtout d'artisans et de marchands. Beaucoup de villes donnaient asile aux serfs fugitifs. La lutte contre l'exploitation et les exactions des seigneurs obligèrent les artisans à se grouper en corporations. Seuls les maîtres de métier en étaient membres de plein droit. Le maître de métier avait sous ses ordres un petit nombre de compagnons et d'apprentis. La corporation fixait la durée de la journée de travail, le nombre des compagnons et des apprentis que chaque maître pouvait avoir, la qualité des matières premières et des articles finis, ainsi que les prix. Elle organisait souvent l'achat en commun des matières premières. Une réglementation sévère visait à empêcher qu'un maître de métier s'élève au-dessus des autres. Les corporations étaient en outre des organisations de secours mutuel. Mais avec la croissance de la production marchande et l'extension du marché, les corporations devinrent de plus en plus un frein au progrès des forces productives. La réglementation stricte du travail paralysait l'initiative des artisans et entravait le développement de la technique. Les apprentis et les compagnons, dont le nombre avait fortement augmenté, étaient pratiquement dans l'impossibilité d'accéder à la maîtrise. Ils étaient condamnés à rester toute leur vie des salariés. Aussi les rapports entre le maître et ses subordonnés perdirent-ils leur caractère plus ou moins patriarcal. Les maîtres intensifiaient l'exploitation de leurs subordonnés, les faisant travailler quatorze ou seize heures par jour pour un salaire misérable. Les compagnons commencèrent à se grouper pour défendre leurs intérêts, en associations secrètes, ou compagnonnages, que les corporations et les autorités de la ville persécutaient violemment. Tout comme les corporations dans l’artisanat, on avait les guildes, dans le commerce. Ces guildes des marchands se proposaient surtout de lutter contre la concurrence des autres marchands, de protéger les droits des marchands contre les entreprises des seigneurs.
Avec le développement des villes, l'économie seigneuriale était peu à peu entraînée dans la circulation marchande. Les seigneurs avaient besoin d'argent pour se procurer les objets de luxe et les articles de la ville. Ils remplacèrent la corvée et la redevance en nature par une redevance en argent. L'exploitation féodale se fit dès lors plus lourde.
Les classes et les castes de la société féodale. La hiérarchie féodale.
La société féodale nordique (en opposition aux Etats méridionales d’Afrique noire qui n’ont pas connu la féodalité ) se composait de deux classes principales : les féodaux et les paysans. La classe féodale n'était pas homogène. Les petits féodaux payaient tribut aux grands, les aidaient dans la guerre, mais bénéficiaient en revanche de leur protection. Le protecteur s'appelait suzerain, le protégé vassal. Les suzerains étaient à leur tour les vassaux de seigneurs plus puissants. Cette classe dominante des féodaux était à la tête de l'Etat. Ils formaient la noblesse. Au sommet de l'échelle sociale, les nobles jouissaient de privilèges politiques et économiques étendus. Le clergé possédait de vastes territoires sur lesquels vivait une nombreuse population dépendante et serve, et formait, comme la noblesse, une couche sociale dominante. La paysannerie était une couche sociale dépourvue de tout droit politique. Les seigneurs pouvaient vendre leurs serfs, et ils usaient largement de ce droit. Ils infligeaient aux paysans des châtiments corporels. La lutte de la paysannerie exploitée contre les seigneurs s'est poursuivie durant toute la féodalité. Elle devint particulièrement aiguë à la fin de cette époque, quand l'exploitation des serfs se fut aggravée à l'extrême. Dans les villes qui s'étaient affranchies de la dépendance féodale, le pouvoir appartenait aux riches citadins : marchands, usuriers, propriétaires de terrains et d'immeubles. Les artisans des corporations, qui formaient la grande masse de la population des villes, étaient souvent en lutte contre l'aristocratie urbaine pour obtenir le droit de participer conjointement avec elle à l'administration de la cité. Les petits artisans et les compagnons luttaient contre l'exploitation que leur faisaient subir les maîtres de métier et les marchands. Il y avait d'un côté les riches marchands et les maîtres de métier, de l'autre la masse des compagnons et des apprentis, des pauvres gens. La lutte de ces derniers rejoignait celle des paysans serfs contre l'exploitation féodale.
Le développement des forces productives de la société féodale
Les forces productives atteignirent à l'époque féodale un niveau plus élevé qu'à l'époque de l'esclavage. La technique agricole se perfectionna. L'emploi de la charrue en fer et d'autres instruments en fer se généralisa. De nouvelles cultures furent introduites, la viticulture, l'industrie vinicole, les cultures maraîchères connurent un essor remarquable. L'élevage progressa, surtout celui du cheval, en raison des besoins militaires des féodaux ; la fabrication du beurre se développa. Les outils des artisans et le traitement des matières premières se perfectionnèrent. Les anciens métiers commencèrent à se spécialiser. C'est ainsi que du métier du forgeron, qui produisait d'abord tous les articles de métal, se détachèrent l’armurerie, la clouterie, la coutellerie, la serrurerie. L'amélioration des procédés de la fonte et du traitement du fer joua un rôle décisif dans le perfectionnement des instruments de travail. Au début, on produisait le fer par des méthodes tout à fait primitives. Au XIVe siècle, on commença à utiliser la roue hydraulique pour actionner les soufflets de forge et les gros marteaux destinés à concasser le minerai. La confection des outils agricoles et d'autres instruments demandait aussi toujours plus de métal. Les premiers hauts fourneaux firent leur apparition dans la première moitié du XVe siècle. L'invention de la boussole contribua aux progrès de la navigation. L'invention et la diffusion de l'imprimerie eurent une importance considérable.
Le développement des forces productives de la société se heurtait de plus en plus au cadre trop étroit des rapports de production féodaux. La paysannerie, courbée sous le joug de l'exploitation féodale, était incapable de produire davantage de denrées agricoles. Le rendement du travail du paysan asservi était extrêmement bas. Dans les villes, l'augmentation de la productivité du travail artisanal se heurtait aux statuts et aux règlements corporatifs. Les forces productives qui s'étaient développées dans la société féodale réclamaient de nouveaux rapports de production.
La naissance de la production capitaliste au sein du régime féodal. Le rôle du capital marchand.
La production des petits artisans et des paysans, fondée sur la propriété privée et le travail personnel, et créant des produits pour l'échange, est ce qu'on appelle la production marchande simple. Ceux qui disposent d'instruments plus perfectionnés dépensent moins de travail que les autres pour produire une même marchandise. Mais peu importe au marché dans quelles conditions et à l'aide de quels instruments a été produite telle ou telle marchandise. On paye sur le marché la même somme d'argent pour des marchandises identiques, quelles que soient les conditions individuelles de travail dans lesquelles elles ont été fabriquées. Une différenciation s'opère parmi les petits producteurs de marchandises : la majorité s'appauvrit de plus en plus, alors qu'une infime minorité s'enrichit. Le morcellement politique fut, sous le régime féodal, un gros obstacle au développement de la production marchande. Les féodaux établissaient à leur guise des droits sur les marchandises amenées du dehors, percevaient des péages et créaient ainsi de graves obstacles au commerce. Les besoins de celui-ci, et plus généralement du développement économique de la société, exigeaient la suppression du morcellement féodal. La bourgeoisie naissante des villes avait intérêt à la destruction des barrières féodales. Il lui fallait la constitution d'un Etat centralisé pour mieux assurer ses intérêts. S'appuyant sur la couche plus large de la petite noblesse, sur les « vassaux de leurs vassaux », ainsi que sur les villes dont l'ascension se poursuit, les rois portent à l'aristocratie féodale des coups décisifs et affermissent leur domination. Ils deviennent les maîtres de l'Etat non plus seulement de nom, mais aussi en fait. De grands Etats nationaux se constituent sous forme de monarchies absolues. La fin du morcellement féodal et l'établissement d'un pouvoir politique centralisé contribuent à l'apparition et au développement de rapports capitalistes.
La formation d'un marché mondial joua également un rôle considérable dans l'avènement du régime capitaliste. Dans la seconde moitié du XVe siècle, les Turcs s'emparèrent de Constantinople et de toute la partie orientale de la Méditerranée. La grande route commerciale était coupée, qui mettait l'Europe occidentale en communication avec l'Orient. Christophe Colomb découvrit en1492 1'Amérique, alors qu'il cherchait la voie maritime des Indes, que Vasco de Gama trouva en 1498, après avoir fait le tour de l'Afrique. A la suite de ces découvertes, la Méditerranée perdit sa primauté commerciale au profit de l'Atlantique. Avec la naissance du commerce mondial et d'un marché mondial, l'artisanal n'était plus en mesure de satisfaire la demande accrue de marchandises. Cette circonstance hâta le passage de la petite production artisanale à la grande production capitaliste fondée sur l'exploitation d'ouvriers salariés. Le passage du mode de production féodal au mode de production capitaliste s'accomplit de deux façons : d'une part, la différenciation des petits producteurs de marchandises fit apparaître des entrepreneurs capitalistes ; d'autre part, le capital commercial, en la personne des marchands, plaça directement la production sous sa dépendance. Les maîtres de métier travaillant pour un marché plus étendu cherchaient à obtenir l'abolition des restrictions des corporations. Ils allongeaient la journée de travail des compagnons et des apprentis, en augmentaient le nombre. Les plus riches d'entre eux devenaient peu à peu des capitalistes ; les plus pauvres, les compagnons et les apprentis, devenaient des ouvriers salariés. Puis le marchand se mit à acheter régulièrement aux petits producteurs les marchandises qu'ils fabriquaient, pour les revendre sur un marché plus large. Il devenait de la sorte un accapareur. Avec les progrès de la concurrence et l'apparition de l'accapareur, la situation de la masse des artisans se modifia sensiblement. Les maîtres de métier appauvris imploraient l'aide du marchand accapareur qui leur avançait de l'argent, des matières premières et des matériaux, à la condition qu'ils lui vendent le produit fini à un prix très bas, convenu d'avance. Les petits producteurs tombaient de la sorte sous la dépendance économique du capital commercial. Peu à peu un grand nombre de maîtres de métier appauvris se trouvèrent dépendre d'un riche accapareur. Celui-ci leur distribuait des matières premières, par exemple des filés dont ils faisaient des tissus, contre le payement d'une certaine somme, et devenait ainsi un distributeur. La ruine de l'artisan fit que l'accapareur dut lui fournir non seulement la matière première, mais encore les instruments de travail. De la sorte, l'artisan perdit son dernier semblant d'autonomie et devint définitivement un ouvrier salarié, tandis que l'accapareur se transformait en capitaliste industriel. Groupés dans l'atelier du capitaliste, les artisans d'autrefois exécutaient un même travail. Mais il apparut bientôt que certaines opérations réussissaient mieux aux uns, et d'autres opérations aux autres. Il était donc plus avantageux de confier à chacun la partie du travail où il était le plus habile. C'est ainsi que la division du travail s'introduisit peu à peu dans les ateliers employant une main-d'œuvre plus ou moins nombreuse. Les entreprises capitalistes où des ouvriers salariés accomplissent un travail manuel sur la base de la division du travail, sont appelées manufactures. La désagrégation des rapports féodaux se poursuivait également à la campagne. A mesure que se développait la production marchande, le pouvoir de l'argent augmentait. Les seigneurs remplaçaient les obligations en nature des paysans par des obligations en argent. Les paysans durent vendre les produits de leur travail et remettre aux féodaux l'argent qu'ils en avaient retiré. D'où, chez les paysans, un perpétuel besoin d'argent. Les accapareurs et les usuriers mettaient à profit cette situation pour les asservir.
L'accumulation primitive du capital. L'expropriation violente des paysans. L'accumulation des richesses.
Deux conditions principales sont nécessaires au capitalisme : 1° l'existence d'une masse de non-possédants personnellement libres mais dépourvus de moyens de production et d'existence, obligés par suite de se louer aux capitalistes et de travailler pour eux ; 2° l'accumulation des richesses monétaires indispensables pour créer de grandes entreprises capitalistes. L'avènement du mode de production capitaliste fut accéléré par l'emploi des méthodes de contrainte les plus brutales de la part des grands propriétaires fonciers, de la bourgeoisie et du pouvoir d'Etat qui se trouvait aux mains des classes exploiteuses. Les savants bourgeois dépeignent sous des couleurs idylliques la naissance de la classe capitaliste et de la classe ouvrière. Dans des temps immémoriaux, assurent-ils, une poignée d'hommes laborieux et économes accumulèrent des richesses par leur travail, alors qu'une foule de paresseux et d'oisifs gaspillaient tout leur avoir et devenaient des prolétaires. Ces fables imaginées par les défenseurs du capitalisme n'ont rien de commun avec la réalité. En fait, la formation d'une masse de non-possédants - les prolétaires - et l'accumulation de richesses aux mains de quelques-uns résultèrent du fait que les petits producteurs furent privés par la violence de leurs moyens de production. Le processus de séparation des producteurs de leurs moyens de production (terre, instruments de production, etc.) s'accompagna de spoliations et de cruautés sans nombre. Il a reçu le nom d'accumulation primitive du capital, car il a précédé l'apparition de la grande production capitaliste.
A la fin du XVe siècle en Angleterre, un douloureux processus d'expropriation violente de la paysannerie s'amorça dans ce pays. L'impulsion directe fut donnée par la demande accrue de laine de la part des grandes manufactures de drap apparues d'abord en Flandre, puis en Angleterre même. Les seigneurs se mirent à élever de grands troupeaux de moutons. Ils avaient besoin pour cela de pâturages. Ils chassaient en masse les paysans de leurs demeures, s'emparaient de la terre dont ceux-ci avaient toujours eu la jouissance, et transformaient les champs cultivés en pâturages. Ils démolissaient les maisons des paysans, expulsaient ces derniers. Si ceux-ci tentaient de recouvrer la terre dont ils avaient été illégalement dépossédés, la force armée de l'Etat volait au secours du seigneur. La foule des paysans ruinés et dépouillés encombrait les villes, les bourgs et les routes d'Angleterre. Privés de moyens d'existence, ils étaient réduits à la mendicité. Les autorités édictèrent contre les expropriés des lois sanguinaires, d'une cruauté exceptionnelle. Sous le règne d'Henri VIII (XVIe siècle), 72 000 personnes furent exécutées pour « vagabondage». Au XVIIIe siècle, la peine de mort fut remplacée pour les « vagabonds » et les sans-logis par l'incarcération dans des « maisons de travail », qui méritèrent le nom de « maisons d'horreur ». La bourgeoisie entendait ainsi plier la population rurale, chassée de ses terres et réduite au vagabondage, à la discipline du travail salarié. (L’Afrique noire n’a certes pas connu cette société, mais elle nous permet de mieux savoir où nous nous trouvons présentement, puisque nous luttons sans relâche pour sortir du capitalisme dégradant qui nous a été imposé de l’extérieur. Or la société capitaliste puise ses racines dans la société féodale européenne.)
L'expropriation des paysans eut un double résultat. D'une part, la terre devint la propriété privée d'un nombre relativement restreint de grands propriétaires fonciers. D'autre part, l'industrie bénéficia d'un afflux considérable d'ouvriers libres, prêts à se louer aux capitalistes. Pour que la production capitaliste pût apparaître, il fallait non seulement une main-d'œuvre à bon marché, mais encore une accumulation de richesses considérables entre les mains de quelques-uns sous forme de sommes d'argent pouvant être transformées en moyens de production et servir à embaucher des ouvriers. Au Moyen âge, marchands et usuriers avaient édifié de grandes fortunes qui permirent par la suite de créer de nombreuses entreprises capitalistes. La conquête de l'Amérique, qui s'accompagna du pillage massif et de l'extermination de la population indigène, procura aux conquérants des richesses incalculables. Pour faire valoir ces richesses, il fallait de la main-d'œuvre. Les Indiens périssaient en masse par suite des conditions inhumaines dans lesquelles ils travaillaient. Les marchands européens organisèrent en Afrique la chasse aux nègres comme s'il s'agissait de bêtes sauvages. Avec le commerce des noirs d’Afrique réduits en esclavage, les négriers réalisaient des profits fabuleux. Le commerce colonial fut, lui aussi, à l'origine de grosses fortunes. Les marchands de Hollande, d'Angleterre et de France fondèrent les compagnies des Indes orientales pour faire le commerce avec l'Inde. Ces compagnies bénéficiaient de l'appui de leurs gouvernements. Elles monopolisaient le commerce des produits coloniaux et avaient reçu le droit d'exploiter sans aucune restriction les colonies en usant des pires méthodes de violence. Leurs bénéfices annuels dépassaient de plusieurs fois le capital engagé. C'est ainsi que par le pillage et la ruine de la masse des petits producteurs s'accumulèrent les ressources monétaires indispensables à la création de grandes entreprises capitalistes.
Les révoltes des serfs. Les révolutions bourgeoises. La chute du régime féodal.
Au XIVe siècle, la France fut le théâtre d'une guerre des paysans connue dans l'histoire sous le nom de Jacquerie. La bourgeoisie naissante des villes, qui avait d'abord appuyé le mouvement, s'en détourna au moment décisif. A la fin du XIVe siècle, une autre révolte paysanne éclata dans une grande partie de l'Angleterre. Les paysans armés, ayant à leur tête Wat Tyler, se répandirent à travers le pays, détruisant les demeures seigneuriales et les monastères, et s'emparèrent de Londres. Les seigneurs étouffèrent le soulèvement par la violence et la ruse. Confiants dans les promesses du roi et des seigneurs, les révoltés rentrèrent chez eux, mais au lieu de tenir leurs promesses, les seigneurs engagèrent une répression féroce et Tyler fut tué. Au début du XVIe siècle, une autre guerre des paysans conduite par Thomas Münzer se déroula en Allemagne. De telles guerres paysannes se déroulèrent en Russie et dans plusieurs pays à travers le monde. En Chine l'insurrection des Taïpings mit en mouvement des millions de paysans. Les révoltés occupèrent Nankin, ancienne capitale de la Chine. Ils revendiquaient l'égalité dans le droit, la jouissance de la terre et des autres biens. Toutes ces révoltes successives et incessantes ont ébranlé les bases de la féodalité et conduit finalement à l'abolition du servage.
La bourgeoisie montante profita de la lutte des paysans contre les seigneurs pour hâter la chute du régime féodal, remplacer l'exploitation féodale par l'exploitation capitaliste, et s'emparer du pouvoir. Lors des révolutions bourgeoises, les paysans fournirent le gros des forces qui renversèrent le régime féodal. Il en fut ainsi au cours de la première révolution bourgeoise dans les Pays-Bas au XVIe siècle, pendant la révolution anglaise du XVIIe siècle, pendant la révolution bourgeoise en France à la fin du XVIIIe siècle. La force des paysans résidait dans leur haine des oppresseurs. Mais leurs révoltes étaient spontanées. En tant que classe de petits propriétaires privés, la paysannerie était morcelée. Elle ne pouvait formuler un programme clair ni mettre sur pied une organisation solide et cohérente pour mener la lutte. Pour triompher, les révoltes paysannes doivent se combiner avec le mouvement ouvrier et être dirigées par les ouvriers.
Les conceptions économiques de l'époque féodale.
Toute la vie intellectuelle se trouve sous le contrôle du clergé et revêt une forme religieuse et scolastique. En Chine, les conceptions économiques furent pendant des siècles influencées par la doctrine de Confucius. Idéologie religieuse, le confucianisme naquit au Ve siècle avant notre ère. Il exige le maintien strict de la hiérarchie féodale des castes dans l'ordre politique aussi bien que dans la famille. « Les ignorants, dit Confucius, doivent obéir aux nobles et aux sages. L'insubordination des petites gens à l'autorité supérieure est principe de désordre. » Cependant Confucius demandait aux hommes « bien nés » de faire preuve d' « humanité » et de ne pas être trop durs envers les pauvres. Confucius et ses disciples idéalisent les formes d'économie arriérées. Ils exaltent « l'âge d'or » que représente pour eux le passé patriarcal. La paysannerie, écrasée par l'aristocratie féodale et les marchands, mettait dans le confucianisme les espérances d'une amélioration de sa situation, bien que cette doctrine n’exprime pas les intérêts de classe de la paysannerie. Au cours de son évolution, le confucianisme devint l'idéologie officielle de l'aristocratie féodale. Le confucianisme fut exploité par les classes dirigeantes pour élever le peuple dans l'esprit d'une soumission servile aux seigneurs féodaux, pour perpétuer le régime féodal.
Saint Thomas d'Aquin (XIIIe siècle), un des idéologues du féodalisme de l'Europe médiévale, a tenté de justifier par la théologie la nécessité de la société féodale. Tout en proclamant que la propriété féodale est nécessaire et raisonnable, et en déclarant que les serfs sont des esclaves, il affirme, contrairement aux esclavagistes de l'antiquité, que « l'esclave est libre en esprit » et que par conséquent son maître n'a pas le droit de le tuer. Il ne considère plus le travail comme indigne d'un homme libre. Le travail manuel est à ses yeux une activité d'ordre inférieur, et le travail intellectuel une occupation noble ; il voit dans cette distinction la base de la division de la société en différents ordres. Pour lui, l'homme doit disposer de la richesse à laquelle lui donne droit la situation qu'il occupe dans la hiérarchie féodale.
La lutte de classe des masses opprimées contre les classes dominantes de la société féodale prit pendant des siècles une forme religieuse. Mais, avec le développement de la lutte de classe, le mouvement des masses opprimées se dégagea de plus en plus de son enveloppe religieuse, et son caractère révolutionnaire s'affirma avec une netteté croissante. Plus elle sortait de l’enveloppe religieuse, plus la lutte des paysans se radicalisait. C'est au déclin de l'époque féodale qu'apparurent les deux premiers grands socialistes utopistes : l'Anglais Thomas More, auteur de l'Utopie (XVIe siècle), et l'Italien Tommaso Campanella qui écrivit La Cité du soleil (XVIIe siècle). Constatant dans la société de leur temps une inégalité et des contradictions croissantes, ces penseurs ont exposé sous une forme originale leurs idées sur la cause des maux dont elle souffre. Ils ont donné la description d'un régime qu'ils considèrent comme idéal et où ces maux auront été supprimés. Le régime social qu'ils préconisent ignore la propriété privée et les vices qu'elle entraîne. Chacun est à la fois artisan et agriculteur. La journée de travail est de six, voire de quatre heures par jour, ce qui suffit parfaitement à couvrir tous les besoins. Les produits sont répartis selon les besoins. L'éducation des enfants est confiée à la société. Les ouvrages de More et de Campanella jouèrent un rôle progressiste dans l'histoire de la pensée sociale. Ils renfermaient des idées très en avance sur leur temps. Mais faute de tenir compte des lois du développement social, ces idées étaient irréalisables, utopiques.
C'est aussi à cette époque que furent faites les premières tentatives pour interpréter et pour expliquer certains phénomènes propres au capitalisme. Pour les mercantilistes, la seule richesse véritable est constituée non par la production sociale, mais par la monnaie : l'or et l'argent. Ils estimèrent qu'il était nécessaire de développer le commerce extérieur. Ainsi, l'Anglais Thomas Mun (1571-1641), gros marchand et directeur de la Compagnie des Indes orientales, écrivait : « Le moyen ordinaire d'augmenter notre richesse et nos trésors est le commerce avec l'étranger où nous devons toujours avoir pour règle de vendre chaque année aux étrangers nos marchandises pour une somme supérieure à celle que nous dépensons pour nous procurer les leurs ». Les mercantilistes exprimaient les intérêts de la bourgeoisie qui naissait au sein du régime féodal, et qui était impatiente d'accumuler des richesses sous forme d'or et d'argent en développant le commerce extérieur, en pillant les colonies et en engageant des guerres commerciales, en asservissant les peuples moins évolués. Avec le progrès du capitalisme, ils exigèrent que l'Etat protégeât le développement des entreprises industrielles, des manufactures. Les droits d'entrée acquirent bientôt une importance plus grande encore. A mesure que se développaient les manufactures, puis les fabriques, l'imposition de droits de douane sur les produits importés devint la mesure la plus fréquemment appliquée pour protéger l'industrie nationale contre la concurrence étrangère. C'est ce qu'on appelle le protectionnisme, politique qui a subsisté dans de nombreux pays bien après l'abandon des théories mercantilistes.
DEUXIÈME PARTIE : LE MODE DE PRODUCTION CAPITALISTE
A- Le capitalisme pré monopoliste
CHAPITRE IV- LA PRODUCTION MARCHANDE. LA MARCHANDISE ET LA MONNAIE
La production marchande est le point de départ et le trait général du capitalisme. Le mode de production capitaliste est fondé sur l'exploitation de la classe des ouvriers salariés par la classe des capitalistes. Tout y prend la forme de marchandise, partout prévaut le principe de l'achat et de la vente. Dans la période de décomposition de la féodalité, la production marchande simple a servi de base à la naissance de la production capitaliste. La production marchande simple implique premièrement la division sociale du travail dans laquelle des producteurs isolés se spécialisent dans la fabrication de produits déterminés, et, en second lieu, l'existence de la propriété privée des moyens de production et des produits du travail. La propriété privée engendre nécessairement, entre les producteurs de marchandises, la concurrence qui aboutit à l'enrichissement d'une minorité et à la ruine de la majorité
La marchandise et ses propriétés. Le double caractère du travail incorporé dans la marchandise.
La marchandise est une chose qui, premièrement, satisfait un besoin quelconque de l'homme et qui, deuxièmement, est produite non pas pour la consommation propre, mais pour l'échange. L'utilité d'un objet, ses propriétés qui lui permettent de satisfaire tel ou tel besoin de l'homme, en font une valeur d'usage. Mais toute chose ayant une valeur d'usage ne constitue pas une marchandise. Pour qu'un objet puisse devenir marchandise, il doit être un produit du travail destiné à la vente.
Dans l'économie marchande, la valeur d'usage porte en soi la valeur d'échange de la marchandise. Par exemple, une hache est échangée contre 20 kilogrammes de grain. La diversité des valeurs d'usage des marchandises est une condition nécessaire de l'échange. Personne n'échangera des marchandises identiques en qualité, par exemple, du froment pour du froment ou du sucre pour du sucre. Les différentes marchandises n'ont qu'une seule propriété commune qui les rend comparables entre elles lors de l’échange : elles sont des produits du travail. A la base de l'égalité de deux marchandises échangées se trouve le travail social dépensé pour les produire. Quand le producteur porte au marché une hache pour l'échanger, il constate que l'on donne pour sa hache 20 kilogrammes de grain. Cela veut dire que la hache vaut autant de travail social que 20 kilogrammes de grain. Les biens matériels qui, utiles par eux-mêmes, n'exigent pas de dépenses de travail, n'ont pas de valeur, comme par exemple l'air.
Les biens matériels nécessitant une grande quantité de travail possèdent une grande valeur, comme par exemple l'or, les diamants. Beaucoup de marchandises qui coûtaient d'abord cher, ont considérablement diminué de prix depuis que le progrès technique a réduit la quantité de travail nécessaire à leur production. La marchandise revêt un double caractère : 1° elle est une valeur d'usage et 2° elle est une valeur d'échange. Le double caractère de la marchandise est déterminé par le double caractère du travail incorporé à la marchandise. Le travail du menuisier diffère qualitativement de celui du tailleur, du cordonnier, etc. Les différentes espèces de travail se distinguent les unes des autres par leur but, les procédés de fabrication, les outils et, enfin, par les résultats. Le menuisier travaille à l'aide d'une hache, d'une scie, d'un rabot, et produit des articles en bois : tables, chaises, armoires ; le tailleur produit des vêtements à l'aide d'une machine à coudre, de ciseaux, d'aiguilles.
Le travail dépensé sous une forme déterminée constitue le travail concret qui crée la valeur d'usage de la marchandise. Lors de l'échange, les marchandises les plus variées provenant des formes diverses du travail concret, sont comparées et assimilées les unes aux autres. Par conséquent, les différentes espèces concrètes de travail cachent derrière elles une dépense productive du cerveau humain, des nerfs, des muscles, etc., et c'est dans ce sens qu'il apparaît comme un travail humain identique uniforme, du travail en général.
Le travail des producteurs de marchandises en tant que dépense de la force de travail de l'homme en général, indépendamment de sa forme concrète, est du travail abstrait. Le travail abstrait forme la valeur de la marchandise. Travail abstrait et travail concret sont les deux aspects du travail incorporé dans la marchandise. La propriété privée des moyens de production sépare les hommes, fait du travail de chaque producteur son affaire privée. Chaque producteur de marchandises travaille isolément. Le travail des différents ouvriers n'est ni concerté ni coordonné à l'échelle de toute la société. Mais d'autre part, la division sociale du travail traduit l'existence d'une multitude de liens entre les producteurs qui travaillent les uns pour les autres. Plus la division du travail dans la société est poussée et plus il y a de diversité dans les produits des différents producteurs, plus leur interdépendance est grande. Par conséquent, le travail du producteur isolé est au fond un travail social ; il constitue une parcelle du travail de la société dans son ensemble. Les marchandises, qui sont les produits de diverses formes de travail privé concret, sont également en même temps les produits de travail humain en général, de travail abstrait. Par suite de l'isolement des producteurs de marchandises, le caractère social de leur travail dans le processus de production reste caché. Il ne se manifeste que dans le processus de l'échange, au moment où la marchandise apparaît sur le marché pour être échangée contre une autre marchandise. C'est seulement dans le processus d'échange qu'il est possible d'établir si le travail de tel ou tel producteur est nécessaire à la société et s'il obtiendra l'agrément de la société.
Le temps de travail socialement nécessaire. Le travail simple et le travail complexe.
La grandeur de la valeur d'une marchandise est déterminée par le temps de travail. Plus la production d'une marchandise nécessite de temps, et plus grande est sa valeur. On sait que les producteurs travaillent dans des conditions différentes et dépensent pour la production de marchandises identiques une quantité différente de temps. Est-ce à dire que plus le travailleur est paresseux, plus les conditions dans lesquelles il travaille sont défavorables, et plus la valeur de la marchandise produite par lui sera élevée ? Non, évidemment. La grandeur de la valeur de la marchandise n'est point déterminée par le temps de travail individuel dépensé pour la production de la marchandise par tel ou tel producteur, mais par le temps de travail socialement nécessaire. Le temps de travail socialement nécessaire est celui qu'exige la fabrication de telle ou telle marchandise, dans des conditions sociales de production moyennes, c'est-à-dire avec un niveau technique moyen, une habileté moyenne et une intensité de travail moyenne. Le temps de travail socialement nécessaire varie selon le degré de la productivité du travail.
La productivité du travail s'exprime dans la quantité de produits créés en une unité de temps de travail. Elle augmente grâce au perfectionnement ou à l'utilisation plus complète des instruments de production, aux progrès de la science, à l'habileté accrue du travailleur, à la rationalisation du travail et à d'autres améliorations dans le processus de production. Plus la productivité du travail est élevée, et moins de temps est nécessaire à la production d'une unité d'une marchandise donnée, et plus la valeur de cette marchandise est basse. De la productivité du travail, il faut distinguer l'intensité du travail.
L'intensité du travail est déterminée par les dépenses de travail en une unité de temps. Un travail plus intensif s'incarne dans une plus grande quantité de produits et crée plus de valeur en une unité de temps qu'un travail moins intensif. A la production des marchandises prennent part des travailleurs de toute qualification. Le travail demandant une formation spéciale est un travail complexe, ou un travail qualifié. Le travail complexe crée dans une même unité de temps, une valeur plus grande que le travail simple. La valeur de la marchandise créée par le travail complexe contient aussi la part du travail consacrée à l'apprentissage du travailleur et à l'augmentation de sa qualification.
L'évolution des formes de la valeur. Le caractère de la monnaie.
La forme la plus simple de la valeur est l'expression de la valeur d'une marchandise en une autre marchandise : par exemple, une hache = 20 kilogrammes de grain. A l'origine, l’échange présentait un caractère fortuit et s'effectuait sous forme directe d'un produit contre un autre. Avec l'apparition de la première grande division sociale du travail, la séparation des tribus de pasteurs de l'ensemble des tribus, l'échange devient plus régulier. Certaines tribus, celles des éleveurs par exemple, commencent à produire un excédent de produits d'élevage, qu'elles échangent contre les produits agricoles ou artisanaux qui leur manquent. Avec le développement de la division sociale du travail et de la production marchande, la forme d'échange directe d'une marchandise contre une autre devient insuffisante. De plus en plus souvent apparaît une situation dans laquelle, par exemple, le possesseur d'une paire de bottes a besoin d'une hache, mais le possesseur de la hache a besoin non de bottes, mais de grain : la transaction ne peut avoir lieu entre ces deux possesseurs de marchandises. Alors le possesseur de bottes échange sa marchandise contre la marchandise qui est plus souvent demandée en échange, et que tout le monde accepte volontiers, par exemple un mouton, et il échange contre ce mouton la hache qui lui est nécessaire. Quand au possesseur de la hache, une fois qu'il a reçu en échange de sa hache un mouton, il échange celui-ci contre du grain. C'est ainsi que sont résolues les contradictions de l'échange direct.
De la masse des marchandises, il s'en dégage une, par exemple le bétail, contre laquelle on commence à échanger toutes les marchandises. Selon les lieux, ce rôle est rempli par des marchandises différentes. Là, c'est le bétail ; ici, ce sont les fourrures ; ailleurs encore, c’est le sel, etc. L'abondance de marchandises d'espèces différentes, jouant le rôle d'équivalent général entre en contradiction avec les besoins croissants du marché qui exige l'adoption d'un équivalent unique. Lorsque le rôle d'équivalent général se fut attaché à une seule marchandise, on a vu surgir la forme monnaie de la valeur. Divers métaux ont joué le rôle de monnaie, mais en fin de compte, il a été réservé aux métaux précieux, l'or et l'argent. L'argent et l'or présentent au plus haut degré toutes les qualités qui les rendent propres à jouer le rôle de monnaie : ils sont homogènes, divisibles, inaltérables et ont une grande valeur sous un poids et un volume faibles. La monnaie est une marchandise qui sert d'équivalent général pour toutes les marchandises ; elle incarne le travail social et exprime les rapports de production entre les producteurs de marchandises.
Les fonctions de la monnaie.
Dans une production marchande évoluée la monnaie sert : 1° de mesure de la valeur ; 2° de moyen de circulation ; 3°de moyen d'accumulation ; 4°de moyen de paiement et 5°de monnaie universelle.
Pour remplir la fonction de mesure de la valeur, la monnaie doit être elle-même une marchandise, posséder une valeur. En fixant un prix déterminé pour une marchandise, le possesseur exprime la valeur de la marchandise en or. La valeur d'une marchandise, exprimée en monnaie, s'appelle son prix. Les marchandises expriment leur valeur en des quantités déterminées d'argent ou d'or. Ces quantités de marchandise-monnaie doivent être mesurées à leur tour. D'où la nécessité d'une unité de mesure de la monnaie. Cette unité est constituée par un certain poids du métal devenu monnaie. En Angleterre par exemple, l'unité monétaire s'appelle livre sterling.
Pour faciliter la mesure, les unités monétaires se divisent en parties plus petites : le rouble en 100 kopeks ; le dollar en 100 cents etc. L'unité monétaire avec ses subdivisions sert d'étalon des prix. A ce titre, elle mesure la quantité du métal monétaire. Quelles que soient les variations de la valeur de l'or, le dollar reste toujours cent fois supérieur au cent. L'Etat peut modifier la teneur en or de l'unité monétaire, mais il ne peut changer le rapport de valeur entre l'or et les autres marchandises. Si l'Etat diminue la quantité d'or contenue dans une unité monétaire, c'est-à-dire s'il en diminue la teneur en or, le marché réagira par une hausse des prix, et la valeur de la marchandise s'exprimera comme par le passé en une quantité d'or qui correspond au travail dépensé pour la fabrication de cette marchandise. Seulement, pour exprimer maintenant la même quantité d'or, il faut un plus grand nombre d'unités monétaires qu'auparavant. Les prix des marchandises peuvent monter ou s'abaisser sous l'influence des variations que subissent la valeur des marchandises, ainsi que la valeur de l'or. La valeur de l'or, comme celle de toutes les autres marchandises, dépend de la productivité du travail. Ainsi, la découverte de l'Amérique avec ses riches mines d'or a entrainé une « révolution » dans les prix. L'or en Amérique était extrait avec moins de travail qu'en Europe. L'afflux en Europe de l'or américain à meilleur marché a provoqué une hausse générale des prix.
La monnaie fait fonction de moyen de circulation. L'échange des marchandises effectué avec de la monnaie s'appelle circulation des marchandises. La circulation des marchandises est étroitement liée à la circulation de la monnaie : lorsque la marchandise passe des mains du vendeur dans celles de l'acheteur, la monnaie passe des mains de l'acheteur dans celles du vendeur. A l'origine, dans l'échange des marchandises, la monnaie se présentait directement sous forme de lingots d'argent ou d'or. Cela créait certaines difficultés : nécessité de peser le métal-monnaie, de le fragmenter en petites parcelles, d'en établir le titre. Peu à peu les lingots de métal-monnaie furent remplacés par des pièces de monnaie. La pièce de monnaie est un lingot de métal de forme, de poids et de valeur déterminés, qui sert de moyen de circulation. La frappe des monnaies fut centralisée entre les mains de l'Etat. Dans le processus de circulation, les monnaies s'usent et perdent une partie de leur valeur. La pratique de la circulation monétaire montre que les pièces usées peuvent faire office de moyen de circulation aussi bien que les pièces de monnaie demeurées intactes. Cela s'explique par le fait que la monnaie dans sa fonction de moyen de circulation joue un rôle passager. En règle générale, le vendeur d'une marchandise l'échange contre de la monnaie pour acheter avec cette monnaie une autre marchandise. Par conséquent, la monnaie comme moyen de circulation ne doit pas avoir obligatoirement une valeur propre. Constatant la circulation des pièces de monnaie usées, les gouvernements se sont mis sciemment à déprécier les pièces de monnaie, à en diminuer le poids, à abaisser le titre du métal-monnaie, sans changer la valeur nominale de la pièce de monnaie, c'est-à-dire la quantité d'unités monétaires marquées sur les pièces. Les pièces de monnaie devenaient de plus en plus des symboles de valeur, des signes monétaires. Leur valeur réelle est de beaucoup inférieure à leur valeur nominale. Le producteur peut vendre sa marchandise et garder pour un temps la monnaie qu'il a retirée de cette vente. Lorsque beaucoup de producteurs vendent sans acheter, il peut se produire un arrêt dans l'écoulement des marchandises. Ainsi, déjà dans la circulation simple des marchandises se trouve impliquée la possibilité des crises.
La monnaie fait fonction de moyen d'accumulation ou de moyen de thésaurisation. La monnaie devient trésor dans les cas où elle est retirée de la circulation. Comme on peut toujours convertir la monnaie en n'importe quelle marchandise, elle est le représentant universel de la richesse. On peut la garder en n'importe quelle quantité.
En tant que moyen de paiement, la monnaie elle intervient dans les cas où l'achat et la vente de la marchandise se font à crédit, c'est-à-dire quand le paiement est différé. A l'échéance du paiement de la marchandise, l'acheteur verse la monnaie au vendeur pour la marchandise dont la livraison a déjà été effectuée auparavant. La monnaie sert aussi de moyen de paiement quand elle sert à acquitter les impôts, la rente foncière, etc.
Enfin la monnaie joue le rôle de monnaie universelle dans le trafic entre les pays. Le rôle de monnaie universelle ne peut être joué par des pièces de monnaie dévalorisées ou par du papier-monnaie. Sur le marché mondial, la monnaie perd la forme de pièces de monnaie et se présente sous son aspect primitif de lingots de métal précieux. L'or est le moyen d'achat universel, dans le règlement des marchandises importées d'un pays dans un autre; il est le moyen de paiement universel dans l'amortissement des dettes internationales, dans le paiement des intérêts des emprunts extérieurs et des autres obligations; il est l'incarnation de la richesse sociale dans les transferts de richesse sous forme monétaire d'un pays dans un autre, par exemple dans les cas d'exportation de capitaux en monnaie, destinés à des placements dans des banques étrangères ou à des octrois de prêts ainsi que dans les impositions de contributions par un pays vainqueur à un pays vaincu, etc.
L'or et le papier-monnaie.
L'émission du papier-monnaie a été engendrée par la pratique de la circulation des pièces usées et dépréciées, qui devenaient des symboles d'or, des signes monétaires. Le papier-monnaie consiste en signes monétaires émis par l'Etat et ayant cours forcé, qui remplacent l'or dans sa fonction de moyen de circulation. Il n'a pas de valeur propre. Il ne peut pas remplir la fonction de mesure de la valeur des marchandises. Quelle que soit la quantité de papier-monnaie émis, elle ne représente que la valeur de la quantité d'or, nécessaire pour assurer les échanges. Le papier-monnaie n'est pas échangeable avec l'or.
L'Etat émet généralement le papier-monnaie pour couvrir ses dépenses, notamment pendant les guerres, les crises et autres bouleversements, sans tenir compte des besoins de la circulation des marchandises. Lorsqu'on émet une quantité excessive de papier-monnaie, celle-ci excède la quantité d'or nécessaire aux échanges. Admettons que l'on ait émis deux fois plus de monnaie qu'il n'est nécessaire. En ce cas, chaque unité de papier-monnaie (naira, dinar, rand etc.) représentera une quantité d'or deux fois moindre, c'est-à-dire que le papier-monnaie sera déprécié de moitié. L'émission excessive de papier-monnaie, qui entraîne sa dépréciation et qui est utilisée par les classes régnantes pour faire retomber les dépenses de l'Etat sur le dos des masses laborieuses et en renforcer l'exploitation, porte le nom d'inflation. Celle-ci, en provoquant la hausse des prix des produits, affecte surtout les travailleurs, car le salaire des ouvriers et des employés reste en retard sur la montée des prix. L'inflation favorise les capitalistes et les propriétaires terriens qui exportent leurs marchandises à l'étranger. Par suite de la chute du salaire réel et de la diminution des dépenses de production qui en résulte, il devient possible de concurrencer avec succès les capitalistes et les propriétaires terriens étrangers et d'accroître 1'écoulement de ses propres marchandises.
La loi de la valeur est la loi économique de la production marchande.
Dans l'économie marchande fondée sur la propriété privée, les marchandises sont fabriquées par des producteurs privés, isolés. Entre les producteurs de marchandises règnent la concurrence et la lutte. Chacun s'efforce d'évincer l'autre, de maintenir et d'élargir ses positions sur le marché. La production se fait sans aucun plan d'ensemble. Chacun produit pour son compte, indépendamment des autres, nul ne connaît quel besoin les marchandises qu'il produit doivent satisfaire ni le nombre des autres producteurs qui travaillent à la fabrication de la même marchandise, ni s'il pourra vendre sa marchandise au marché et si sa dépense de travail sera dédommagée. Avec le développement de la production marchande, le pouvoir du marché sur le producteur se renforce de plus en plus. Seules les fluctuations spontanées des prix sur le marché font connaître aux producteurs quels sont les produits qui sont en excédent ou qui manquent par rapport à la demande solvable de la population. Seules les fluctuations spontanées des prix autour de la valeur obligent les producteurs à élargir ou à réduire la production de telle ou telle marchandise. Sous l'influence de la variation des prix, les producteurs se tournent vers les branches plus avantageuses, où les prix des marchandises sont supérieurs à leur valeur, et ils se retirent de celles où les prix des marchandises sont inférieurs à leur valeur. L'action de la loi de la valeur conditionne le développement des forces productives de l'économie marchande.
CHAPITRE V- LA COOPÉRATION CAPITALISTE SIMPLE ET LA MANUFACTURE
La coopération capitaliste simple.
La production capitaliste commence là où les moyens de production sont détenus par des particuliers, et où les ouvriers privés des moyens de production sont obligés de vendre leur force de travail comme une marchandise. Dans la production artisanale et dans les petites industries des paysans se forment des ateliers relativement importants, qui appartiennent aux capitalistes. Ces derniers étendent la production, sans modifier au début ni les instruments, ni les méthodes de travail des petits producteurs. Cette phase initiale du développement de la production capitaliste s'appelle la coopération capitaliste simple. Elle est une forme de socialisation du travail dans laquelle le capitaliste exploite un nombre plus ou moins important d'ouvriers salariés occupés simultanément à un travail de même espèce. Les premières entreprises capitalistes furent fondées par des marchands accapareurs, des usuriers, des maîtres-ouvriers et des artisans enrichis. Dans ces entreprises travaillaient des artisans ruinés, des apprentis qui n'avaient plus la possibilité de devenir maîtres ouvriers, des paysans pauvres. La coopération capitaliste simple présente des avantages sur la petite production marchande. La réunion de nombreux travailleurs dans une seule entreprise permet d'économiser les moyens de production. Construire, chauffer et éclairer un atelier pour vingt personnes coûte moins cher que construire et entretenir dix ateliers occupants chacun deux ouvriers. Les dépenses nécessitées par les outils, les entrepôts, le transport des matières premières et des produits finis, sont également réduites. Les producteurs qui pour la fabrication d'une marchandise d'une seule et même espèce dépensent plus de travail qu'il n'en faut dans les conditions moyennes de la production, finissent inévitablement par se ruiner. Les ouvriers étant nombreux dans un atelier, les différences individuelles entre eux s'effacent. La production et la vente des marchandises d'un atelier capitaliste deviennent plus régulières et plus stables.
La coopération simple permet une économie de travail, un accroissement de la productivité du travail. Prenons un exemple : la transmission de briques de la main à la main par des ouvriers faisant la chaîne. Chaque travailleur accomplit ici les mêmes mouvements, mais ses actes font partie d'une seule opération commune. Résultat : le travail va beaucoup plus vite que si le transport des briques était effectué par chacun pris à part. Dix personnes travaillant ensemble produisent, pendant une journée de travail, plus que ces mêmes dix personnes travaillant isolément ou qu'une seule personne travaillant pendant dix journées de même durée. La coopération permet de conduire des travaux simultanément sur une grande superficie, par exemple : l'assèchement de marais, la construction de barrages, de canaux, de voies ferrées, d'édifices ou pour les cultures agricoles qui réclament beaucoup de travail. La coopération a engendré une nouvelle force productive sociale du travail.
La phase manufacturière du capitalisme.
La manufacture est la coopération capitaliste fondée sur la division du travail et la technique artisanale. Le passage à la manufacture s'est effectué selon deux voies différentes. La première, c'est la réunion par le capitaliste, dans un seul atelier, d'artisans de différentes spécialités. C'est ainsi qu'est née, par exemple, la manufacture de la carrosserie, qui groupait dans un même local des artisans autrefois indépendants : charrons, selliers, tapissiers, serruriers, chaudronniers, tourneurs, passementiers, vitriers, peintres, vernisseurs, etc. La fabrication des carrosses comporte un grand nombre d'opérations qui se complètent les unes les autres, et dont chacune est exécutée par un ouvrier. L'ouvrier serrurier ne s'occupe alors, pendant un temps assez long, que d'une opération déterminée dans la fabrication des carrosses et cesse peu à peu d'être le serrurier qui, autrefois, fabriquait lui-même une marchandise finie. La seconde voie, c'est la réunion par le capitaliste, dans un seul atelier, d'artisans d'une seule spécialité. Auparavant, chacun des artisans accomplissait lui-même toutes les opérations nécessitées par la fabrication d'une marchandise donnée. Le capitaliste décompose le processus de production dans l'atelier en une suite d'opérations dont chacune est confiée à un ouvrier spécialiste. C'est ainsi qu'est apparue, par exemple, la manufacture d'aiguilles. Le fil de fer y passait par les mains de 72 ouvriers et même plus : l'un étirait le fil, l'autre le redressait, un troisième le sectionnait, un quatrième taillait la pointe, etc. La division du travail à l'intérieur de la manufacture suppose la concentration des moyens de production entre les mains du capitaliste qui est en même temps le propriétaire des marchandises fabriquées. L'ouvrier qui accomplit dans la manufacture une opération particulière de la fabrication d'une marchandise, devient un ouvrier parcellaire. Répétant sans cesse une opération simple, toujours la même, il dépense moins de temps et de force que l'artisan qui exécute tour à tour une série d'opérations diverses. Auparavant, l'ouvrier dépensait une certaine quantité de temps pour passer d'une opération à une autre, pour changer d'outil. Dans la manufacture, ces pertes de temps étaient moindres.
La spécialisation du travail dans la manufacture, comportant la répétition constante des mêmes mouvements peu compliqués, mutilait l'ouvrier physiquement et moralement. Il y eut des ouvriers à la colonne vertébrale déviée, à la cage thoracique comprimée, Les ouvriers des manufactures étaient l'objet d'une exploitation féroce. La journée de travail atteignait jusqu'à 18 heures et plus ; le salaire était extrêmement bas ; l'immense majorité des ouvriers des manufactures était sous-alimentée ; la nouvelle discipline capitaliste du travail était inculquée par des mesures implacables de coercition et de violence. Dans la phase manufacturière du capitalisme, la distribution de travail à domicile prit une large extension. Le travail à domicile pour le capitaliste consiste à transformer, pour un salaire aux pièces, les matériaux reçus de l'entrepreneur. Cette forme d'exploitation se rencontrait parfois déjà au temps de la coopération simple. Elle a lieu aussi dans la phase de la grande industrie mécanisée, mais elle caractérise précisément la manufacture. La division manufacturière du travail décomposait la production de chaque marchandise en un certain nombre d'opérations séparées. Souvent l'accapareur manufacturier trouvait avantageux de fonder un petit atelier où ne s'opérait que l'assemblage ou la finition de la marchandise. Toutes les opérations préparatoires étaient exécutées par des artisans à domicile, mais ceux-ci n'en étaient pas moins sous la dépendance absolue des capitalistes. Souvent les artisans, disséminés dans les villages, ne traitaient pas avec le propriétaire de l'atelier, mais avec des maîtres-ouvriers intermédiaires qui les exploitaient à leur tour. Les artisans travaillant à domicile recevaient du capitaliste un salaire de beaucoup inférieur à celui de l'ouvrier occupé dans l'atelier du capitaliste.
Le rôle historique de la manufacture.
La manufacture a été la transition entre la petite production artisanale et la grande industrie mécanisée. La manufacture se rapprochait de l'artisanat parce qu'elle avait à sa base la technique manuelle, et de la fabrique capitaliste, parce qu'elle était une forme de grande production fondée sur l'exploitation des ouvriers salariés. Les manufactures fabriquaient une partie des marchandises, mais l'immense majorité de celles-ci était fournie, comme auparavant, par les artisans qui se trouvaient, à divers degrés, sous la dépendance des accapareurs capitalistes, des distributeurs et des manufacturiers. La manufacture ne pouvait donc embrasser la production sociale dans toute son étendue. Elle était une sorte de superstructure ; la base demeurait comme avant la petite production avec sa technique rudimentaire. Le rôle historique de la manufacture a été de préparer les conditions du passage à la production mécanique. A cet égard, trois circonstances apparaissent particulièrement importantes. Premièrement, la manufacture, en portant à un haut degré la division du travail, a simplifié beaucoup d'opérations. Elles se ramenaient à des mouvements si simples qu'il devint possible de substituer la machine à l'ouvrier. En second lieu, le développement de la manufacture a abouti à la spécialisation des instruments de travail, à leur perfectionnement considérable, ce qui a permis de passer des outils manuels aux machines. Troisièmement, la manufacture a formé des cadres d'ouvriers habiles pour la grande industrie mécanique, grâce à leur spécialisation prolongée dans l'exécution de différentes opérations.
La différenciation de la paysannerie.
Dans la phase manufacturière du développement du capitalisme, l'industrie s'est de plus en plus séparée de l'agriculture. Il s'effectuait dans l'agriculture une spécialisation des régions suivant les cultures et les branches agricoles. Plus la production marchande pénétrait dans l'agriculture, et plus la concurrence se renforçait entre les agriculteurs. Le paysan tombait de plus en plus dans la dépendance du marché. Les variations spontanées des prix du marché renforçaient et aggravaient l'inégalité matérielle entre les paysans. Des disponibilités de monnaie s'accumulaient entre les mains des couches aisées de la campagne. Cette monnaie servait à asservir, à exploiter les paysans non possédants ; elle se transformait en capital. Un des moyens de cet asservissement était l'achat à vil prix des produits du travail paysan. La ruine des paysans atteignait peu à peu un tel degré que beaucoup d'entre eux étaient obligés d'abandonner totalement leur exploitation et de vendre leur force de travail.
La bourgeoisie rurale (les koulaks) pratique une économie marchande en employant le travail salarié, en exploitant les ouvriers agricoles permanents, et encore davantage les journaliers et les autres ouvriers temporaires engagés pour les travaux agricoles saisonniers. Ils détiennent une part considérable de la terre, des bêtes de trait, des produits agricoles. Ils possèdent également des entreprises pour la transformation des matières premières, des moulins, des batteuses, des reproducteurs de race, etc. Au village, ils jouent généralement le rôle d'usuriers et de boutiquiers. Tout cela sert à exploiter les paysans pauvres et une partie considérable des paysans moyens.
Le prolétariat agricole est constitué par la masse des ouvriers salariés qui ne possèdent pas de moyens de production et sont exploités par les propriétaires fonciers et la bourgeoisie rurale. C'est de la vente de sa propre force de travail que le prolétaire agricole tire surtout sa subsistance. Le paysan pauvre s'apparente au prolétariat agricole. Il possède peu de terre et peu de bétail. Le blé qu'il produit ne suffit pas à le nourrir. L'argent nécessaire pour manger, se vêtir, pour tenir le ménage et payer les impôts, il est obligé de le gagner surtout en se louant. La paysannerie moyenne occupe une position intermédiaire entre la bourgeoisie rurale et les paysans pauvres. Le paysan moyen exploite son terrain sur la base de ses propres moyens de production et de son travail personnel. Le travail qu'il fournit ne pourvoit à l'entretien de sa famille que si les conditions sont favorables. Delà sa situation précaire.
La formation du marché intérieur pour l'industrie capitaliste.
Avec le développement du capitalisme dans l'industrie et dans l'agriculture, se formait un marché intérieur. Parallèlement au progrès de l'industrie augmentait la demande des produits agricoles. L'agriculture augmentait sa demande d'articles industriels variés. La création du marché intérieur revêtait un double caractère. D'une part, la bourgeoisie des villes et des campagnes présentait une demande de moyens de production : instruments perfectionnés de travail, machines, matières premières, etc. nécessaires pour agrandir les entreprises capitalistes existantes et en construire de nouvelles. Elle accroissait également sa demande d'objets de consommation. D'autre part, l'augmentation des effectifs du prolétariat industriel et agricole, étroitement liée à la différenciation de la paysannerie, s'accompagnait d'une demande accrue de marchandises constituant les moyens de subsistance de l'ouvrier.
CHAPITRE VI - LA PHASE DU MACHINISME SOUS LE CAPITALISME
Le passage de la manufacture à l'industrie mécanique.
Tant que la production avait pour base le travail manuel, comme ce fut le cas dans la phase manufacturière, le capitalisme ne pouvait réaliser une révolution radicale de toute la vie économique de la société. Cette révolution se fit lors du passage de la manufacture à l'industrie mécanique, qui naquit dans le dernier tiers du XVIIIe siècle. La base technique et matérielle de cette révolution fut la machine. Dans sa course au profit, le capital a acquis, avec la machine, un puissant moyen pour augmenter la productivité du travail. Premièrement, l'emploi des machines qui actionnent simultanément une multitude d'outils, a libéré le processus de la production de son cadre étroit déterminé par le caractère limité des organes humains. En second lieu, l'emploi des machines a permis pour la première fois d'utiliser dans le processus de la production d'immenses sources nouvelles d'énergie : la force motrice de la vapeur, du gaz et de l'électricité. Troisièmement l'emploi des machines a permis au capital de mettre au service de la production la science qui ouvre des possibilités toujours nouvelles d'augmenter la productivité du travail. C'est sur la base de la grande industrie mécanique que s'est affirmée la domination du mode de production capitaliste. Avec la grande industrie mécanique le capitalisme acquiert la base matérielle et technique qui lui correspond.
La révolution industrielle.
C'est en Angleterre que la grande industrie mécanique a son origine. Au milieu du XVIIIe siècle, l'Angleterre possédait un grand nombre de manufactures. La branche la plus importante de l'industrie était la production textile. C'est à partir de cette branche qu'a commencé la révolution industrielle en Angleterre, au cours du dernier tiers du XVIIIe et du premier quart du XIXe siècle. L'agrandissement du marché et la course aux profits engagée par les capitalistes ont déterminé la nécessité de perfectionner la technique de la production. Dans l'industrie cotonnière, qui s'est développée plus vite que les autres branches de production, la demande accrue des étoffes de coton s'est fait sentir tout d'abord sur la technique du tissage : en 1733 a été inventée la navette volante, qui a doublé la productivité du travail du tisseur. Cela a déterminé un retard du filage sur le tissage. L'amélioration de la technique du filage devint un besoin urgent. Le problème fut résolu grâce à l'invention des machines à filer, dont chacune possédait une quinzaine ou une vingtaine de broches. La force motrice des premières machines était l'homme lui-même ou les bêtes de trait ; ensuite, il y eut des machines actionnées par la force hydraulique. Les perfectionnements techniques ultérieurs permirent non seulement d'augmenter la production des filés, mais encore d'en améliorer la qualité. Ces inventions ont permis d'augmenter sensiblement la productivité du travail dans le filage. Une nouvelle disproportion s'est manifestée alors dans l'industrie cotonnière : le filage avait gagné de vitesse le tissage. Disproportion qui fut éliminée grâce à l'invention en 1735 du métier à tisser mécanique. Après une série de perfectionnements, ce métier a pris de l'extension en Angleterre et, vers 1840, il a supplanté entièrement le tissage à la main. Le mode de traitement des tissus - blanchiment, teinture, impression - a lui aussi foncièrement changé. L'application de la chimie a eu pour effet de diminuer la durée de ces opérations et d'améliorer la qualité du produit. Les premières fabriques textiles ont été implantées le long des cours d'eau, et les machines étaient mises en action au moyen de roues hydrauliques. Ceci limitait notablement les possibilités d'application du machinisme. Il fallait un nouveau moteur, qui ne dépendît ni de la localité ni de la saison. Ce fut la machine à vapeur. L'emploi de cette machine eut une importance énorme. Elle produit une force motrice entièrement soumise au contrôle de l'homme. Elle favorise la création de fabriques importantes dotées d'une multitude de machines et comptant un grand nombre d'ouvriers.
La révolution industrielle marque le début de l'industrialisation capitaliste. L'industrie lourde, la production des moyens de production forme la base de l'industrialisation. Le développement de la grande industrie capitaliste commence généralement par le développement de l'industrie légère, c'est-à-dire des branches produisant les objets de consommation individuelle. Ces branches demandent moins d'investissements, la rotation du capital y est plus rapide que dans l'industrie lourde, c'est-à-dire dans les branches d'industrie produisant les moyens de production : machines, métaux, combustibles. Le développement de l'industrie lourde ne commence qu'après une période pendant laquelle l'industrie légère accumule des profits. Ceux-ci sont progressivement attirés par l'industrie lourde. Ainsi donc, l'industrialisation capitaliste constitue un processus qui dure des dizaines et des dizaines d'années.
L'industrialisation capitaliste se réalise au prix de l'exploitation des ouvriers salariés et de la ruine de la paysannerie de chaque pays, de même que par la spoliation des travailleurs des autres pays, notamment des colonies. Elle conduit inéluctablement à l'aggravation des contradictions du capitalisme, à l'appauvrissement de millions d'ouvriers, de paysans et d'artisans. L'histoire fait apparaître différents moyens d'industrialisation capitaliste. Le premier est la mainmise sur les colonies et leur pillage. C'est ainsi que s'est développée l'industrie anglaise. Après s'être emparée de colonies dans toutes les parties du monde, l'Angleterre en a tiré, durant deux siècles, d'énormes profits qu'elle investissait dans son industrie. Le deuxième moyen est la guerre et les contributions prélevées par les pays vainqueurs sur les pays vaincus. Ainsi l'Allemagne, après avoir écrasé la France dans la guerre de 1870, la contraignit à payer cinq milliards de francs de contributions, qu'elle investit dans son industrie. Le troisième moyen, ce sont les concessions et les emprunts de servitude, qui mettent les pays arriérés sous la dépendance économique et politique des pays capitalistes développés.
Le développement des villes et des centres industriels. La formation de la classe des prolétaires.
L'industrialisation capitaliste a déterminé la croissance rapide des villes et des centres industriels La part de la population urbaine s'est constamment accrue aux dépens de la population rurale. Dans la phase manufacturière du capitalisme, les masses d'ouvriers salariés ne formaient pas encore une classe de prolétaires bien constituée. Les ouvriers des manufactures étaient relativement peu nombreux, liés pour une bonne part à l'agriculture, disséminés dans une multitude de petits ateliers et divisés par toutes sortes d'intérêts corporatifs étroits. La révolution industrielle et le développement de l'industrie mécanique donnèrent naissance dans les pays capitalistes au prolétariat industriel. La classe ouvrière, dont les rangs grossissaient sans cesse par l'afflux de paysans et artisans en train de se ruiner, vit ses effectifs se multiplier rapidement. L'essor de la grande industrie mécanique fit disparaître peu à peu les intérêts et les préjugés locaux, corporatifs et de caste, des premières générations d'ouvriers, leurs espoirs utopiques de reconquérir la condition de petit artisan du Moyen âge. Les masses ouvrières se fondaient en une seule classe, le prolétariat.
La fabrique capitaliste. La machine comme moyen d'exploitation du travail salarié par le capital.
La fabrique capitaliste est une grande entreprise industrielle, fondée sur l'exploitation des ouvriers salariés et faisant usage d'un système de machines pour la production de marchandises. L'emploi des machines assure un accroissement considérable de la productivité du travail et un abaissement de la valeur de la marchandise. La machine permet de produire la même quantité de marchandises avec une dépense de travail beaucoup moindre, ou de produire avec la même dépense de travail une quantité sensiblement plus grande de marchandises. Avec le mode de production capitaliste, tous les avantages que procure l'emploi des machines deviennent la propriété des possesseurs de ces machines, les capitalistes, dont les profits augmentent. La fabrique est la forme supérieure de la coopération capitaliste.
La coopération capitaliste étant un travail accompli en commun à une échelle relativement importante, rend nécessaire les fonctions particulières d'administration, de surveillance, de coordination des différents travaux. Avec le passage à la fabrique s'achève la création par le capital d'une discipline particulière, la discipline capitaliste du travail. C'est la discipline de la faim. Avec elle l'ouvrier, constamment menacé de renvoi, vit dans la crainte de se retrouver dans les rangs des chômeurs. Une discipline de caserne est le propre de la fabrique capitaliste. Les ouvriers sont frappés d'amendes et de retenues sur le salaire.
La machine est par elle-même un puissant moyen pour alléger le travail et en augmenter le rendement. Mais en régime capitaliste, la machine sert à renforcer l'exploitation du travail salarié. Dès son introduction, la machine devient le concurrent de l'ouvrier. L'emploi capitaliste des machines prive tout d'abord de moyens de subsistance, des dizaines et des centaines de milliers d'ouvriers manuels, devenus inutiles. L'emploi accru des machines et leur perfectionnement évincent une quantité toujours plus grande d'ouvriers salariés, les mettent à la porte de la fabrique capitaliste et ils viennent grossir l'armée toujours plus nombreuse des chômeurs. La machine simplifie le processus de production, rend inutile l'emploi d'une grande force musculaire.
Le machinisme ouvre un large champ à l'utilisation de la science, dans le cours de la production ; il permet d'utiliser davantage dans le travail les facultés intellectuelles et créatrices. Mais l'emploi capitaliste des machines fait de l'ouvrier un appendice de la machine. Il ne lui reste qu'un travail physique uniforme et exténuant. Le travail intellectuel devient le privilège de travailleurs spécialisés : ingénieurs, techniciens, savants. La science passe au service du capital. En augmentant la productivité du travail, la machine augmente la richesse de la société. Mais cette richesse va aux capitalistes, tandis que la condition de la classe ouvrière - principale force productive de la société - s'aggrave sans cesse.
Dès l'apparition des rapports capitalistes, commence la lutte de classes entre ouvriers salariés et capitalistes. Elle se poursuit durant toute la période manufacturière, et lorsqu’apparaît la production mécanique elle prend une grande ampleur et une acuité sans précédent. La première expression de la protestation du mouvement ouvrier à ses débuts contre les conséquences néfastes de l'emploi capitaliste de la technique mécanique, a été la tentative de détruire les machines. Inventée en 1758, la première tondeuse a été brûlée par les ouvriers qui, avec l'introduction de cette machine, étaient restés sans travail. Au début du XIXe siècle, dans les comtés industriels d'Angleterre, s'est développé un vaste mouvement de « briseurs de machines ». Il fallut à la classe ouvrière un certain temps et une certaine expérience pour se rendre compte que l'oppression et la misère ne provenaient pas des machines, mais de leur usage capitaliste.
La grande industrie et l’Agriculture.
Les machines élèvent énormément la productivité du travail dans l'agriculture. Mais elles ne sont pas à la portée de la petite exploitation paysanne, car pour en faire l'achat, il faut disposer de sommes considérables. Dans les grandes exploitations fondées sur l'utilisation des machines, les dépenses de travail par unité de production sont inférieures à celles des petites exploitations paysannes, fondées sur une technique arriérée et le travail manuel. Il s'ensuit que la petite exploitation paysanne ne peut soutenir la concurrence de la grande exploitation capitaliste. L'emploi des machines agricoles accélère la différenciation de la paysannerie. De plus, la main-d'œuvre salariée dans l'agriculture est tellement bon marché que beaucoup de grandes exploitations n'emploient pas de machines ; elles préfèrent se servir de la main-d'œuvre manuelle. Cela retarde le développement du machinisme dans la production agricole. Si le moteur à vapeur a permis des transformations techniques fondamentales dans l'industrie, il n'a pu être utilisé dans l'agriculture que sous forme de batteuse à vapeur. Plus tard la batteuse mécanique complexe mènera de front les opérations de battage, de nettoyage et de triage du grain. Ce n'est que dans le dernier quart du XIXe siècle qu'apparaissent les machines à récolter le blé à traction hippomobile : les moissonneuses-lieuses. Le tracteur à chenilles a été inventé après 1880, et le tracteur à roues, au début du XXe siècle, mais les grandes exploitations capitalistes n'ont commencé à faire un usage plus ou moins étendu du tracteur qu'à partir de1920, principalement aux Etats-Unis. Cependant, dans l'agriculture de la plupart des pays du monde capitaliste, la force motrice fondamentale est jusqu'à nos jours la bête de trait, et pour le travail du sol on emploie la charrue, la herse, le cultivateur à cheval.
La socialisation capitaliste du travail et de la production. Les limites de l'usage des machines en régime capitaliste.
La machine en régime capitaliste a été la force révolutionnaire qui a transformé la société. Cette révolution technique est nécessairement suivie d'une transformation complète des rapports sociaux dans la production, d'une scission définitive entre les différents groupes participant à la production, de la rupture complète avec la tradition, de l'aggravation et de l'extension de tous les aspects négatifs du capitalisme, en même temps que de la socialisation massive du travail par le capitalisme.
Premièrement, grâce à l'emploi des machines, la production industrielle se concentre de plus en plus dans les grandes entreprises. La machine exige par elle-même le travail collectif de nombreux ouvriers. En second lieu, avec le capitalisme se développe de façon continue la division sociale du travail. Le nombre des branches industrielles et agricoles augmente. En même temps, l'interdépendance des branches et des entreprises devient de plus en plus étroite. Avec la haute spécialisation des branches d'industrie, le fabricant qui produit, par exemple, des tissus, dépend directement du fabricant qui produit les filés; ce dernier, du capitaliste produisant le coton, du propriétaire de l'usine de constructions mécaniques, des houillères, etc. Troisièmement, le morcellement des petites unités économiques propre à l'économie naturelle disparaît, et les petits marchés locaux se fondent en un immense marché national et mondial. Quatrièmement, le capitalisme avec son industrie mécanique refoule les diverses formes de dépendance personnelle du travailleur. Le travail salarié devient la base de la production. Il se crée une grande mobilité de la population, ce qui assure un afflux constant de main-d'œuvre dans les branches ascendantes de l'industrie. Cinquièmement, avec l'expansion de la production mécanique, on voit apparaître une multitude de centres industriels et de grandes villes. La société se scinde de plus en plus en deux classes antagonistes fondamentales : la classe des capitalistes et la classe des ouvriers salariés.
CHAPITRE VII - LE CAPITAL ET LA PLUS-VALUE. LA LOI ÉCONOMIQUE FONDAMENTALE DU CAPITALISME
La base des rapports de production en régime capitaliste.
La production capitaliste est fondée sur le travail salarié. Les ouvriers sont privés des moyens de production et, sous peine de mourir de faim, ils sont obligés de vendre leur force de travail aux capitalistes. L'exploitation du prolétariat par la bourgeoisie constitue le principal trait caractéristique du capitalisme, et le rapport entre bourgeoisie et prolétariat est le rapport de classe fondamental du régime capitaliste.
La transformation de l'argent en capital.
Tout capital commence sa carrière sous la forme d'une somme déterminée d'argent. L'argent par lui-même n'est pas un capital. Lorsque, par exemple, de petits producteurs indépendants échangent des marchandises, l’argent intervient comme moyen de circulation, mais non comme capital. L'argent devient capital quand il est employé aux fins d'exploitation du travail d'autrui.
Le but de la circulation du capital est l'augmentation de sa valeur. Le capital avancé, c'est-à-dire le capital mis en circulation, retourne à son possesseur avec un certain excédent. D'où vient l'excédent du capital ? En effet, si l'on fait l'échange de marchandises et d'argent d'égale valeur, aucun des possesseurs de marchandises ne peut tirer de la circulation une valeur plus grande que celle qui est incorporée dans sa marchandise. Et si les vendeurs réussissent à vendre leurs marchandises à un prix plus élevé que leur valeur, par exemple de10 %, ils doivent, en devenant acheteurs, payer aux vendeurs en plus de la valeur les mêmes 10 %. Ainsi, ce que les possesseurs de marchandises gagnent comme vendeurs, ils le perdent comme acheteurs. Or, en réalité, toute la classe des capitalistes bénéficie d'un accroissement de capital.
Il est évident que le possesseur d'argent, devenu capitaliste, doit trouver sur le marché une marchandise dont la consommation crée une valeur supérieure à celle qu'elle possède elle-même. Cette marchandise est la force de travail. La force de travail, l'ensemble des facultés physiques et morales dont l'homme dispose et qu'il met en action lorsqu’ il produit des biens matériels, quelle que soit la forme de la société, est un élément indispensable de la production. Mais c'est seulement en régime capitaliste que la force de travail devient marchandise. La production capitaliste est fondée sur le travail salarié, et l'embauchage de l'ouvrier par le capitaliste n'est autre chose qu'une opération de vente-achat de la marchandise force de travail : l'ouvrier vend sa force de travail, le capitaliste l'achète. Il l'utilise dans le processus de production capitaliste, dans lequel s'opère l'accroissement du capital. Pour que l'ouvrier conserve sa capacité de travail, il doit satisfaire ses besoins en nourriture, vêtements, chaussures, logement… Satisfaire les besoins vitaux, c'est reconstituer l'énergie vitale dépensée par l'ouvrier : l'énergie des muscles, des nerfs, du cerveau ; c'est reconstituer sa capacité de travail. L'ouvrier doit donc avoir la possibilité non seulement de s'entretenir lui-même, mais d'entretenir aussi sa famille. Par-là se trouve assurée la reproduction, c'est-à-dire le renouvellement constant de la force de travail dont ont besoin les capitalistes. Enfin, le capital a besoin non seulement d'ouvriers non spécialisés, mais aussi d'ouvriers qualifiés sachant manier les machines complexes ; or, acquérir une qualification comporte certaines dépenses de travail pour l'apprentissage. Aussi les frais de production et de reproduction de la force de travail comprennent un minimum de dépenses pour la formation des générations montantes de la classe ouvrière. Il ressort de tout cela que la valeur de la marchandise force de travail est égale à la valeur des moyens de subsistance nécessaires à l'entretien de l'ouvrier et de sa famille. Dans les différents pays capitalistes, le niveau des besoins usuels de l'ouvrier n'est pas le même. La valeur de la force de travail renferme non seulement la valeur des objets de consommation nécessaires à la restauration des forces physiques de l'homme, mais aussi les frais que comporte la satisfaction des besoins culturels de l'ouvrier et de sa famille, tels qu'ils résultent des conditions sociales dans lesquelles vivent et sont élevés les ouvriers (éducation des enfants, achat de journaux, de livres, cinéma, théâtre, etc.) Les capitalistes cherchent toujours et partout à ramener les conditions matérielles et culturelles de vie de la classe ouvrière au niveau le plus bas.
Pour engager une affaire, le capitaliste commence par acheter tout ce qui est nécessaire à la production: bâtiments, machines, équipement, matières premières, combustible. Ensuite, il embauche la main-d'œuvre et le processus de production commence à l'entreprise. Dès que la marchandise est prête, le capitaliste la vend. La valeur de la marchandise produite renferme, premièrement, la valeur des moyens de production dépensés : matières premières traitées, combustible, une partie déterminée de la valeur des bâtiments, des machines et des outils ; en second lieu, la valeur nouvelle créée par le travail des ouvriers de l'entreprise. Admettons qu'une heure de travail moyen simple crée une valeur égale à un dollar, et que la valeur journalière de la force de travail soit égale à six dollars. Alors, pour compenser la valeur journalière de sa force de travail, l'ouvrier doit travailler pendant 6 heures. Mais le capitaliste ayant acheté la force de travail pour toute la journée fait travailler le prolétaire non pas 6 heures, mais pendant une journée de travail entière qui comporte, par exemple, 12 heures. Pendant ces 12 heures, l'ouvrier crée une valeur égale à 12 dollars, cependant que sa force de travail ne vaut que 6 dollars. Le capitaliste, en dépensant 6 dollars pour embaucher un ouvrier, reçoit une valeur créée par le travail de l'ouvrier, égale à 12 dollars. Le capitaliste récupère le capital qu'il a d'abord avancé avec une augmentation ou un excédent de 6 dollars. Cet excédent constitue la plus-value. La plus-value est la valeur créée par le travail de l'ouvrier salarié en plus de la valeur de sa force de travail, et que le capitaliste s'approprie gratuitement. Ainsi, la plus-value est le fruit du travail non payé de l'ouvrier.
La journée de travail dans l'entreprise capitaliste comporte deux parties : le temps de travail nécessaire et le temps de travail supplémentaire ; le travail de l'ouvrier salarié se décompose en travail nécessaire et surtravail. Pendant le temps de travail nécessaire, l'ouvrier reproduit la valeur de sa force de travail, et pendant le temps de sur travail, il crée la plus-value. Le processus de travail en régime capitaliste est caractérisé par deux particularités fondamentales. Premièrement, l'ouvrier travaille sous le contrôle du capitaliste à qui appartient le travail de l'ouvrier. En second lieu, au capitaliste appartient non seulement le travail de l'ouvrier, mais aussi le produit de ce travail. Ces particularités du processus de travail font du travail de l'ouvrier salarié un dur et odieux fardeau. Le but immédiat de la production capitaliste est la production de la plus-value. En conséquence, seul un travail créateur de plus-value est considéré comme travail productif en régime capitaliste. Lorsqu'il quitte une entreprise capitaliste, l'ouvrier, dans le meilleur des cas, entre dans une autre entreprise capitaliste où il subit la même exploitation. En dénonçant le travail salarié comme un système d'esclavage salarié, Marx disait que si l'esclave romain était chargé de fers, l'ouvrier salarié est attaché à son maître par des fils invisibles. Le capital n'a pas inventé le surtravail. Partout où la société est composée d'exploiteurs et d'exploités, la classe dominante soutire du surtravail aux classes exploitées.
Les économistes bourgeois appellent capital tout instrument de travail, tout moyen de production, à commencer par la pierre et le bâton de l'homme primitif. Cette définition du capital a pour but d'estomper l'essence de l'exploitation de l'ouvrier par le capitaliste, de présenter le capital comme une condition éternelle et immuable de l'existence de toute société humaine. En réalité, la pierre et le bâton servaient d'outil de travail à l'homme primitif, mais n'étaient point du capital. Ne sont pas non plus du capital les instruments et les matières premières de l'artisan, le matériel, les semences et les bêtes de trait du paysan qui exploite son terrain sur la base de son travail personnel. Les moyens de production ne deviennent du capital qu'à une phase déterminée du développement historique, lorsqu'ils sont propriété privée du capitaliste et servent de moyen d'exploitation du travail salarié.
L'entrepreneur dépense une certaine partie du capital pour construire les bâtiments d'une fabrique, acquérir de l'équipement et des machines, acheter les matières premières, le combustible, les matériaux accessoires. L’entrepreneur doit récupérer ce capital au cours d’une certaine période de temps. Il intègre un montant constant à la marchandise servant à récupérer ce capital. Cette partie du capital ne change pas de grandeur en cours de production et porte le nom de capital constant. L'entrepreneur consacre l'autre partie du capital à l'achat de la force de travail, à l'embauchage des ouvriers. La partie du capital qui est consacrée à l'achat de la force de travail et qui augmente en cours de production, s'appelle capital variable.
Deux moyens d'augmentation du degré d'exploitation du travail par le capital. La plus-value absolue et la plus-value relative.
Le premier moyen d'augmenter le degré d'exploitation de l'ouvrier consiste pour le capitaliste à augmenter la plus-value qu'il reçoit, en allongeant la journée de travail, par exemple, de 2 heures. Alors la journée de travail se présentera comme suit : Journée de travail =14 heures. Temps de travail nécessaire = 6 heures. Temps de surtravail = 8 heures. La plus-value produite par la prolongation de la journée de travail s'appelle plus-value absolue.
Le second moyen d'augmenter le degré d'exploitation de l'ouvrier consiste, sans modifier la durée générale de la journée de travail, à augmenter la plus-value en réduisant le temps de travail nécessaire. Si auparavant on dépensait 6 heures pour la production des moyens de subsistance de l'ouvrier, maintenant on ne dépense, par exemple, que 4 heures. La journée de travail se présente alors comme suit : Journée de travail = 12 heures. Temps de travail nécessaire = 4 heures. Temps de surtravail = 8 heures. La longueur de la journée de travail reste invariable, mais la durée de surtravail augmente du fait que le rapport s'est modifié entre le temps de travail nécessaire et le temps de surtravail. La plus-value résultant de l'augmentation de la productivité du travail, de la diminution du temps du travail nécessaire et de l'augmentation correspondante du temps de surtravail s'appelle plus-value relative.
La plus-value extra.
Elle s'obtient dans les cas où certains capitalistes introduisent chez eux des machines et des méthodes de production plus perfectionnées que celles qui sont employées dans la plupart des entreprises de la même branche d'industrie. C'est ainsi que tel capitaliste obtient dans son entreprise une plus haute productivité du travail par rapport au niveau moyen existant dans une branche d'industrie donnée. Mais comme le prix de la marchandise est déterminé par sa valeur sociale, ce capitaliste reçoit un taux de plus-value supérieur au taux ordinaire. L'obtention de la plus-value extra ne constitue, dans chaque entreprise, qu'un phénomène passager. Tôt ou tard, la plupart des entrepreneurs de la même branche d'industrie introduisent chez eux des machines nouvelles ; quiconque ne possède pas un capital suffisant pour cela finit par se ruiner dans cette concurrence. La course à la plus-value extra incite chaque capitaliste à protéger ses réalisations techniques contre ses concurrents, elle engendre le secret sur le plan commercial et technique. Il apparaît ainsi que le capitalisme pose des limites au développement des forces productives.
La journée de travail et ses limites. La lutte pour sa réduction.
Dans leur course au relèvement du taux de la plus-value, les capitalistes s'efforcent d'allonger la journée de travail au maximum. Si la chose était possible, l'entrepreneur contraindrait ses ouvriers à travailler 24 heures par jour. Mais, pendant une certaine partie de la journée, l'homme doit rétablir ses forces, se reposer, dormir, manger. Par-là, des limites purement physiques sont assignées à la journée de travail. Celle-ci a de plus des limites morales, puisqu'il faut à l'ouvrier du temps pour satisfaire ses besoins culturels et sociaux. Le capital, dans sa soif ardente de surtravail, refuse de tenir compte non seulement des limites morales, mais encore des limites purement physiques de la journée de travail. Dès l’introduction du machinisme qui a provoqué une grande élévation de la durée de la journée de travail, la classe ouvrière engagea une lutte opiniâtre pour la réduction de la journée de travail. Cette lutte s'est déroulée tout d'abord en Angleterre. A la suite d'une lutte prolongée, les ouvriers anglais obtinrent la promulgation en 1833 d'une loi sur les fabriques qui limitait le travail des enfants au-dessous de 13 ans à 8 heures et celui des adolescents de 13 à 18 ans, à 12 heures. En 1844 fut promulguée la première loi limitant le travail des femmes à 12 heures et celui des enfants à 6 heures et demie. La loi de 1847 limitait le travail des adolescents et des femmes à 10 heures. La loi de 1901 limitait la journée de travail des ouvriers adultes à 12 heures pendant les cinq premiers jours de la semaine et à 5 heures et demie le samedi. Au fur et à mesure que la résistance des ouvriers augmentait, les lois limitant la journée de travail apparurent aussi dans les autres pays capitalistes. Après la promulgation de chacune de ces lois, les ouvriers durent lutter inlassablement pour en assurer l'application. La lutte des ouvriers devenait plus intense, revendiquant la journée de huit heures. Cette revendication fut proclamée en 1866 par le Congrès ouvrier en Amérique et le Congrès de la Première Internationale Socialiste sur la proposition de Karl Marx. A la veille de la première guerre mondiale, dans la plupart des pays développés au point de vue capitaliste, prédominait la journée de travail de 10 heures. En 1919, sous l'influence de la peur devant le mouvement révolutionnaire ascendant, les représentants d'une série de pays capitalistes passèrent à Washington un accord sur l'introduction de la journée de 8 heures à l'échelle internationale, mais ensuite tous les grands Etats capitalistes se refusèrent à ratifier cet accord. Sous la pression de la classe ouvrière, dans de nombreux pays capitalistes fut introduite la journée de travail de 8 heures. Mais les entrepreneurs compensaient la diminution de la journée de travail par un accroissement brutal de l'intensité du travail.
La structure de classe de la société capitaliste. L'Etat bourgeois
Avec le mode de production capitaliste, la société se scinde de plus en plus en deux grands camps ennemis, en deux classes opposées : la bourgeoisie et le prolétariat.
La bourgeoisie est la classe qui possède les moyens de production et les utilise pour exploiter le travail salarié. Elle est la classe dominante de la société capitaliste. Le prolétariat est la classe des ouvriers salariés, dépourvus de moyens de production et obligés de vendre leur force de travail aux capitalistes. La situation économique du prolétariat en fait la classe la plus révolutionnaire. La bourgeoisie et le prolétariat sont des classes antagonistes, dont les intérêts s'opposent et sont irréductiblement hostiles.
A côté de la bourgeoisie et du prolétariat en régime capitaliste existent la classe des propriétaires fonciers et celle des paysans. Les propriétaires fonciers sont de grands propriétaires terriens, qui, d'ordinaire, afferment leurs terres à des fermiers capitalistes ou à de petits paysans producteurs, ou bien qui pratiquent sur la propriété qui leur appartient la grande production capitaliste à l'aide de travail salarié. La paysannerie est la classe des petits producteurs possédant leur propre exploitation, fondée sur la propriété privée des moyens de production, sur une technique arriérée et le travail manuel. La masse essentielle de la paysannerie, exploitée sans merci par les propriétaires fonciers, les paysans riches, les marchands et les usuriers, court à sa ruine. Il se dégage constamment de son sein, d'une part, des masses de prolétaires, et de l'autre, des paysans enrichis, des capitalistes.
L'Etat bourgeois protège la propriété privée capitaliste des moyens de production, garantit l'exploitation des travailleurs et réprime leur lutte contre le régime capitaliste. Comme les intérêts de la classe capitaliste s'opposent à ceux de l'immense majorité de la population, la bourgeoisie est obligée de cacher le caractère de classe de son Etat. Elle s'efforce de le présenter comme un Etat de « démocratie pure », soi-disant au-dessus des classes et appartenant au peuple tout entier. Mais en fait la « liberté » bourgeoise est la liberté pour le capital d'exploiter le travail d'autrui, l’« égalité » bourgeoise est une apparence qui masque l'inégalité de fait entre l'exploiteur et l'exploité, entre l'homme rassasié et l'affamé, entre les propriétaires de moyens de production et la masse des prolétaires qui ne possèdent que leur force de travail. L'Etat bourgeois réprime les masses populaires à l'aide de son appareil administratif, de sa police, de son armée, de ses tribunaux, de ses prisons, de ses camps de concentration, et d'autres moyens de coercition. L'action idéologique à l'aide de laquelle la bourgeoisie maintient sa domination est le complément indispensable de ces moyens de coercition. Cela comprend la presse bourgeoise, la radio, le cinéma, la science et l'art bourgeois, les Eglises. L'Etat bourgeois est le comité exécutif de la classe des capitalistes. Les constitutions bourgeoises ont pour but de renforcer le régime social, agréable et avantageux pour les classes possédantes. L'Etat bourgeois déclare sacré et inviolable le fondement du régime capitaliste, la propriété privée des moyens de production. Les formes de l'Etat bourgeois sont très variées, mais leur essence est la même : dans tous ces Etats, la dictature est exercée par la bourgeoisie qui essaie par tous les moyens de conserver et de fortifier le régime d'exploitation du travail salarié par le capital.
Le prolétariat industriel qui est la classe la plus révolutionnaire, la plus avancée de la société capitaliste, est appelé à réunir autour de lui les masses travailleuses de la paysannerie, toutes les couches exploitées de la population et de les mener à l'assaut du capitalisme.
CHAPITREVIII-LE SALAIRE
Le prix de la force de travail. La nature du salaire.
La valeur de la force de travail, exprimée en argent, est le prix de la force de travail. Quand le prolétaire vend au capitaliste sa force de travail et en reçoit une somme d'argent déterminée sous forme de salaire, cette somme d'argent n'apparaît pas comme le prix de la marchandise force de travail, mais comme le prix du travail. Cela tient à plusieurs causes. Premièrement, le capitaliste paye son salaire à l'ouvrier après que celui-ci a accompli son travail. En second lieu, le salaire est établi soit au prorata du temps de travail fourni (heures, jours, semaines), soit au prorata de la quantité du produit fabriqué. Si l'on admet que le travail est une marchandise ayant une valeur, la grandeur de cette valeur doit pouvoir se mesurer. Il est évident que la grandeur de la « valeur du travail », comme celle de toute autre marchandise, doit se mesurer par la quantité de travail qui y est incorporée. Une telle hypothèse conduit à un cercle vicieux : le travail est mesuré par le travail. De plus, si le capitaliste payait à l'ouvrier la « valeur du travail », c'est-à-dire tout son travail, il n'y aurait pas de source d'enrichissement pour le capitaliste, pas de plus-value, autrement dit il ne pourrait y avoir de mode de production capitaliste. La consommation de force de travail, c'est-à-dire la dépense d'énergie musculaire, nerveuse, cérébrale de l'ouvrier, est le processus du travail. Le salaire n'est le paiement que d'une partie de la journée de travail, du temps de travail nécessaire.
Les formes principales du salaire.
Les formes principales du salaire sont le salaire au temps et le salaire aux pièces. Le salaire au temps est une forme de salaire dans laquelle la grandeur du salaire de l'ouvrier dépend du temps qu'il a fourni : heures, jours, semaines, mois. Il y a donc lieu de distinguer : le paiement à l'heure, à la journée, à la semaine, au mois. Avec le salaire au temps, la grandeur du salaire de l'ouvrier n'est pas en raison directe du degré d'intensité de son travail : si celui-ci augmente, le salaire au temps n'augmente pas, et le prix de l'heure de travail baisse en fait. Le salaire au temps offre au capitaliste de notables avantages : en accélérant la vitesse des machines, le capitaliste fait travailler les ouvriers avec plus d'intensité, sans augmenter pour autant leur salaire.
Le salaire aux pièces est une forme de salaire dans laquelle la grandeur du salaire de l'ouvrier dépend de la quantité d'articles ou de pièces détachées fabriquées en une unité de temps, ou bien du nombre des opérations exécutées. Le salaire de l’ouvrier se mesure par la quantité des articles fabriqués (ou des opérations exécutées), dont chacun est payé d'après un tarif déterminé. En fixant les tarifs, le capitaliste tient compte, premièrement, du salaire au temps journalier et, en second lieu, de la quantité d'articles ou de pièces que l'ouvrier fournit au cours d'une journée, en prenant d'ordinaire pour norme le plus haut rendement de l'ouvrier. Le tarif aux pièces est établi par le capitaliste de telle sorte que le salaire par heure, par jour, par semaine ne soit pas supérieur au salaire au temps. Ainsi, le salaire aux pièces est, à l'origine, une forme modifiée du salaire au temps. Le salaire aux pièces capitaliste aboutit à l'intensification constante du travail. Il facilite, d'autre part, pour l'entrepreneur la surveillance des ouvriers. Le degré d'intensité du travail est contrôlé ici par la quantité et la qualité des produits que l'ouvrier doit confectionner pour acquérir les moyens de subsistance qui lui sont nécessaires. L'ouvrier est obligé d'augmenter le rendement aux pièces, de travailler avec de plus en plus d'intensité. Mais dès qu'une partie plus ou moins importante des ouvriers atteint un niveau plus élevé d'intensité du travail, le capitaliste diminue les tarifs aux pièces. L'ouvrier cherche à conserver la masse de son salaire en travaillant davantage, soit en faisant plus d'heures, soit en fournissant davantage dans la même heure... Le résultat est que plus il travaille, moins il reçoit de salaire. Un trait essentiel du salaire aux pièces capitaliste est l'intensification excessive du travail qui épuise toutes les forces du travailleur. Cependant le salaire ne compense pas les dépenses accrues de force de travail. Au-delà d'une certaine durée et d'une certaine intensité du travail, aucune compensation additionnelle n'est capable de conjurer la destruction pure et simple de la force de travail. Soucieux d'augmenter sa plus-value, le capitaliste a recours à toutes sortes de systèmes de salaires fondés sur le surmenage pour obtenir une haute intensité du travail durant toute la journée. En régime capitaliste, l’« organisation scientifique du travail »poursuit les mêmes buts.
Les formes les plus répandues de cette organisation du travail, avec application de systèmes de salaire qui épuisent complètement le travailleur. Le taylorisme (système qui porte le nom de son auteur, l'ingénieur américain F. Taylor) consiste essentiellement en ceci : On choisit dans l'entreprise les ouvriers les plus forts et les plus habiles. On les fait travailler avec le maximum d'intensité. L'exécution de chacune des opérations est évaluée en secondes et en fractions de secondes. Sur la base des données du chronométrage, on établit le régime de production et les normes de temps de travail pour l'ensemble des ouvriers. La norme dépassée, l'ouvrier reçoit un petit supplément à son salaire journalier, une prime ; si la norme n'est pas remplie, l'ouvrier est payé d'après des tarifs fortement diminués. L'organisation capitaliste du travail d'après le système Taylor épuise complètement les forces de l'ouvrier, fait de lui un automate qui exécute mécaniquement toujours les mêmes mouvements. En accomplissant, durant une journée, un travail qui demandait auparavant 3 ou 4 jours, l'ouvrier voit son salaire journalier augmenter nominalement (et seulement dans les premiers temps) de 63% au total. En d'autres termes, avec l'introduction de ce système de paiement, le salaire journalier de l'ouvrier a diminué en fait, par rapport aux dépenses de travail, de 56,5%.
Le système d'organisation du travail et du salaire, introduit par le « roi de l'automobile » américain H. Ford (système du fordisme) poursuit le même but : tirer de l'ouvrier la plus grande quantité de plus-value sur la base de l'intensification maxima du travail. La simplicité des opérations sur les chaînes de Ford permet d'employer largement les ouvriers non qualifiés et d'établir pour eux de bas salaires. L'intensification énorme du travail ne s'accompagne pas d'une augmentation des salaires ou d'une réduction de la journée de travail. Il s'ensuit donc que l'ouvrier s'use rapidement, devient invalide : on le renvoie de l'entreprise pour incapacité, et il va grossir les rangs des chômeurs.
Les subterfuges des capitalistes, quel que soit le système de rémunération, visent à tirer de l'ouvrier la plus grande quantité possible de plus-value. Les entrepreneurs utilisent tous les moyens pour intoxiquer la conscience des ouvriers par l'intérêt qu'ils ont soi-disant à voir s'intensifier le travail, diminuer les dépenses de salaires par unité de production, augmenter la rentabilité de l'entreprise. C'est ainsi que les capitalistes s'efforcent d'affaiblir la résistance du prolétariat face à l'offensive du capital, d'obtenir la scission du mouvement ouvrier, le refus des ouvriers de se syndiquer, de prendre part aux grèves.
Le salaire nominal et le salaire réel.
Le salaire nominal est celui qui est exprimé en argent ; c'est la somme d'argent que l'ouvrier reçoit pour la force de travail qu'il a vendue au capitaliste. Il peut, par exemple, demeurer inchangé, mais si, en même temps, les prix des objets de consommation et les impôts augmentent, le salaire effectif de l'ouvrier baissera. Le salaire nominal peut même augmenter, mais si le coût de la vie durant cette période vient à s'élever plus encore que le salaire nominal, le salaire effectif diminuera.
Le salaire réel est celui qui s'exprime en moyens de subsistance de l’ouvrier ; il indique la quantité et la qualité des objets de consommation et des services que l'ouvrier peut se procurer pour son salaire en argent. Pour déterminer le salaire réel de l'ouvrier, il faut partir du taux du salaire nominal, du niveau des prix des objets de consommation, du loyer, des charges fiscales acquittées par l'ouvrier, des journées non payées avec la semaine de travail réduite, du nombre des chômeurs totaux et partiels qui sont entretenus aux frais de la classe ouvrière. Il faut tenir compte également de la durée de la journée de travail et du degré d'intensité du travail.
La baisse du salaire réel en régime capitaliste.
Le salaire en tant que prix de la force de travail, de même que le prix de toute marchandise, est déterminé par la loi de la valeur. Les prix des marchandises dans l'économie capitaliste oscillent autour de leur valeur sous l'influence de l'offre et de la demande. Mais à la différence des prix des autres marchandises, le prix de la force de travail, en règle générale, oscille au-dessous de sa valeur. Le décalage du salaire par rapport à la valeur de la force de travail est dû avant tout au chômage. Avec le chômage, l'offre de la force de travail excède la demande. Ce qui distingue la marchandise force de travail des autres marchandises, c'est que le prolétaire ne peut en différer la vente. Pour ne pas mourir de faim, il est obligé de la vendre aux conditions que lui offre le capitaliste. Le chômage accentue la concurrence entre ouvriers. Le capitaliste en profite et paye à l'ouvrier un salaire inférieur à la valeur de sa force de travail. Ensuite, le machinisme ouvre aux capitalistes de larges possibilités de remplacer dans la production la main-d'œuvre masculine par le travail des femmes et des enfants. Lorsque la femme et les enfants de l'ouvrier sont entraînés dans la production, le salaire diminue, toute la famille reçoit dès lors à peu près autant que recevait auparavant le seul chef de famille.
Le travailleur qualifié crée dans une unité de temps plus de valeur, donc plus de plus-value, que l'ouvrier non spécialisé. Le capitaliste est obligé de payer le travail qualifié plus que le travail des manœuvres. Mais avec le développement du capitalisme et le progrès technique, d'une part, on demande des ouvriers hautement qualifiés, capables de manier des mécanismes complexes ; d'autre part, beaucoup d'opérations sont simplifiées, le travail d'une partie importante des ouvriers qualifies devient inutile. De larges couches d'ouvriers spécialisés perdent leur qualification, ils sont éliminés de la production et se voient obligés de faire un travail non qualifié, payé beaucoup moins.
La lutte de la classe ouvrière pour l'augmentation des salaires.
Les écarts du salaire par rapport à la valeur de la force de travail ont leurs limites. La limite minimum du salaire en régime capitaliste est déterminée par des conditions purement physiques : l'ouvrier doit disposer de la quantité de moyens de subsistance qui lui est absolument nécessaire pour s'entretenir et reproduire sa force de travail. Lorsque le salaire descend au-dessous de cette limite, il se produit un processus accéléré de destruction physique pure et simple de la force de travail, de dépérissement de la population ouvrière. Il s'exprime par une diminution de la durée moyenne de la vie, un abaissement de la natalité, une augmentation de la mortalité de la population ouvrière aussi bien dans les pays capitalistes développés que dans les colonies. Le niveau moyen du salaire se rapproche plus ou moins de cette limite selon le rapport des forces de classe du prolétariat et de la bourgeoisie. Dans sa chasse aux profits, la bourgeoisie cherche à abaisser le salaire au-dessous de la limite du minimum physique. La classe ouvrière lutte contre les amputations du salaire, pour son augmentation, pour l'établissement d'un minimum garanti, pour l'introduction des assurances sociales et la réduction de la journée de travail. Dans cette lutte, la classe ouvrière fait face à la classe des capitalistes dans son ensemble et à l'Etat bourgeois. A mesure que le prolétariat se forme en tant que classe, les ouvriers, pour mener à bien la lutte économique, s'unissent en syndicats. Les syndicats sont une école de la lutte de classe pour les grandes masses des ouvriers.
Les capitalistes forment de leur côté des unions patronales. Ils corrompent les chefs des syndicats réactionnaires, organisent les briseurs de grèves, divisent les organisations ouvrières, utilisent pour réprimer le mouvement ouvrier la police, la troupe, les tribunaux et les prisons. Un des moyens efficaces de lutte des ouvriers est la grève. Lorsque les ouvriers en lutte contre le capital font preuve de résolution et de ténacité, les grèves économiques obligent les capitalistes à accepter les conditions des grévistes. Avec une direction judicieuse, animée d'une haute conscience de classe, les syndicats résistent avec succès au patronat. Mais la lutte économique de la classe ouvrière est impuissante à supprimer les lois du capitalisme et à soustraire les ouvriers à l'exploitation et aux privations.
CHAPITRE IX - L'ACCUMULATION DU CAPITAL ET LA PAUPÉRISATION DU PROLÉTARIAT
La production et la reproduction.
Pour vivre et se développer, la société doit produire des biens matériels. Elle ne peut en arrêter la production, comme elle ne peut s'arrêter de consommer. Quelle que soit la structure des rapports sociaux, le processus de production doit constamment se renouveler. Ce renouvellement incessant, cette répétition ininterrompue du processus de production porte le nom de reproduction. Les conditions de la production sont aussi celles de la reproduction. Si la production revêt la forme capitaliste, la reproduction revêt la même forme. Le processus de reproduction consiste non seulement en ce que les hommes fabriquent des quantités toujours nouvelles de produits pour remplacer les produits consommés, mais aussi en ce que, dans la société, les rapports de production correspondants se renouvellent sans cesse. Il faut distinguer deux types de reproduction : la reproduction simple et la reproduction élargie.
La reproduction simple est la répétition du processus de production dans ses proportions précédentes, les produits nouvellement fabriqués ne faisant que compenser la dépense des moyens de production et des objets de consommation individuelle. La reproduction élargie est la répétition du processus de production dans des proportions plus étendues, la société ne se bornant pas à compenser les biens matériels consommés, mais produisant, en plus, un supplément de moyens de production et d'objets de consommation.
Si l'on prend la vente et l'achat de la force de travail comme un élément de la reproduction, comme un rapport sans cesse répété, alors apparaît en pleine lumière le véritable caractère de cette transaction. Premièrement, alors que l'ouvrier par son travail crée une nouvelle valeur renfermant la plus-value, le produit qu’il a fabriqué dans la période précédente est vendu sur le marché et se convertit en argent. Il apparaît donc clairement que le capitaliste paye au prolétaire le salaire non pas sur ses propres fonds, mais sur la valeur créée par le travail des ouvriers dans la période précédente de production (par exemple, pendant le mois précédent). Il se trouve donc que ce n'est pas le capitaliste qui avance au prolétaire ; c'est au contraire, le prolétaire qui avance au capitaliste. Aussi bien, les entrepreneurs s'efforcent-ils de payer les salaires aux dates les plus espacées possible (par exemple, une fois par mois), afin de prolonger les délais du crédit gratuit que les ouvriers leur ont consenti.
La reproduction capitaliste élargie. L’accumulation du capital
Avec la reproduction élargie, une partie de la plus-value est consacrée par le capitaliste à l’accroissement de la production : achat de moyens de production supplémentaire et embauchage d’un supplément de main d’œuvre. Par conséquent, une partie de la plus value est ajoutée au capital précédent, elle est accumulée, la plus value constitue donc la source d’accumulation. L’accumulation du capital est la source de la reproduction élargie, c’est elle qui permet d’acheter de l’outillage perfectionné afin de produire plus et de rivaliser ses concurrents.
La composition organique du capital. La concentration et la centralisation du capital
Le rapport entre capital constant et capital variable, considéré comme rapport entre la masse des moyens de production et la force de travail vivante, est appelée composition organique du capital. Prenons par exemple un capital de 100 000 afro reparti en 80 000 afro de bâtiments, machines, matières premières...et 20 000 afro de salaires. Alors, la composition organique du capital est égale à 80 C :20 V ou 4 :1.
Dans le cours de la reproduction capitaliste, les capitaux augmentent de volume du fait de la concentration et de la centralisation du capital. On appelle concentration du capital, l’accroissement du capital par l’accumulation de la plus-value créée dans une entreprise donnée. Le capitaliste, en investissant dans l’entreprise une partie de la plus-value qu’il s’est approprié, devient possesseur d’un capital sans cesse accru.
On appelle centralisation du capital, l’accroissement du capital par la fusion de plusieurs capitaux en un capital plus important. Avec la concurrence, le gros capital ruine et absorbe les petites et les moyennes entreprises, moins importantes, qui ne résistent pas à la compétition. En accaparant à vil prix les entreprises d’un concurrent ruiné et en les liant à la sienne, d’une manière ou d’une autre (par exemple par endettement), le gros fabricant augmente les capitaux qu’il détient. La fusion de nombreux capitaux en un seul se fait également par l’organisation de sociétés par actions.
La concentration et la centralisation du capital rassemble entre les mains d’un nombre restreint de personnes d’immenses richesses. L’accroissement des capitaux ouvre de larges possibilités à la concentration de la production dans les grandes entreprises. La grande production a des avantages décisifs sur la petite et la moyenne entreprise. Par l’introduction de grandes machines, la division et la spécialisation du travail et le perfectionnement technique qui n’est pas à la portée des autres. La fabrication de produits revient moins chère aux grandes entreprises. Ces grandes entreprises peuvent vendre moins cher, vendre à perte pour ruiner les petites et moyennes entreprises qui ne peuvent supporter ce rythme. Aussi, les grands capitalistes ont plus de facilité à recevoir du crédit et à des conditions plus favorables. Or le crédit est l’une des armes les plus importantes dans la concurrence.
L’armée industrielle de réserve
La demande de main d’œuvre est déterminée par la grandeur de la partie variable du capital. Or avec le progrès technique, le capital variable diminue relativement par rapport au capital constant. Par contre, les effectifs d’ensemble du prolétariat augmentent en même temps que se développe le capitalisme.
Il en résulte qu’une masse importante d’ouvriers ne peut trouver à s’employer. Il se produit ce qu’on appelle la surpopulation relative. Cette surpopulation est relative parce que c’est le système capitaliste qui la créé. Dans les sociétés bourgeoises, quelques personnes sont surexploitées et se détruisent physiquement tandis qu’une immense majorité manque quoi faire. Il faut distinguer :
- La surpopulation flottante constituée par des ouvriers qui perdent leur travail pour un certain temps ;
- La surpopulation latente constituée par des petits producteurs ruinés, les paysans pauvres et les ouvriers agricoles qui ne sont occupés à l’agriculture que pendant une faible partie de l’année ;
- La surpopulation stagnante constituée par des groupes nombreux qui ont perdu leur emploi permanent. Ils sont généralement occupés dans la sphère du travail capitaliste à domicile.
- La couche inferieure de la surpopulation relative constituée des gens éliminés de la production sans aucun espoir de retour, souvent réduit à la mendicité.
Toutes ces couches forment l’armée industrielle de réserve, l’armée des chômeurs. Cette armée est un attribut nécessaire de l’économie capitaliste sans lequel elle ne peut ni exister, ni se développer. Quand l’élargissement de la production s’impose, une partie de cette armée trouve des emplois. Dans les périodes de crise de surproduction, un nombre important d’employés est jeté à la rue. Ces derniers vont grossir l’armée de réserve des chômeurs. Le chômage oblige les ouvriers à accepter les dures conditions de travail, crée une situation instable pour les ouvriers employés dans la production et réduit considérablement le niveau de vie de la classe ouvrière toute entière. C’est pourquoi les capitalistes n’ont pas intérêt à voir l’armée industrielle de réserve supprimé. Le chômage est un véritable fléau pour la classe ouvrière. N’ayant que leur force de travail à vendre, une fois renvoyés, ils sont menacés de mourir de faim. Parfois ils restent sans toit.
Les économistes bourgeois en occurrence Malthus cherchent à justifier le chômage par les richesses naturelles qui seraient limitées par rapport à la population mondiale. Il propose l’abstinence au mariage et estime comme bienfaits, les guerres et les épidémies qui réduisent la population. Or les moyens techniques puissants dont l’humanité dispose sont à même d’augmenter les moyens d’existence au point que la plus forte croissance de la population mondiale soit incapable d’égaler. Le seul obstacle est le régime capitaliste.
La surpopulation agraire
La surpopulation agraire est l’excédent de la population qui résulte de la ruine des grandes masses de la paysannerie ; cette population ne peut être que partiellement occupée dans la production agricole et ne trouve pas à s’employer dans l’industrie.
La loi générale de l’accumulation capitaliste. La paupérisation relative et absolue du prolétariat
Tandis que le capitalisme se développe avec l’accumulation du capital, les richesses se concentrent entre les mains d’une minorité qui vit dans le luxe, le parasitisme, l’oisiveté et le gaspillage ; tandis que s’accroit la masse absolue du prolétariat. L’armée industrielle de réserve s’accroit en même temps avec la richesse. Le développement du capitalisme s’accompagne de la paupérisation relative et absolue du prolétariat. La paupérisation relative du prolétariat consiste en ce que dans la société bourgeoise, la part de la classe ouvrière dans le montant global du revenu national décroit sans cesse, alors que la part des classes exploiteuses est en progression constante. La paupérisation absolue du prolétariat consiste dans l’abaissement pur et simple de son niveau de vie. L’ouvrier devient véritablement plus pauvre qu’auparavant. La paupérisation absolue du prolétariat se traduit par la baisse du salaire réel, hausse des prix des objets de consommation courante, augmentation des loyers et des impôts... les ouvriers deviennent incapables d’assurer leurs besoins vitaux.
La voie du développement du capitalisme est celle de l’appauvrissement et de la sous-alimentation pour l’immense majorité des travailleurs. En même temps se développe la lutte de la classe ouvrière contre la bourgeoise.
La contradiction fondamentale du mode de production capitaliste
Le progrès des forces productives engendre des instruments et des méthodes de production qui exige le travail en commun. Il se produit ainsi une socialisation capitaliste du travail, une socialisation de la production ; mais le fruit du travail social des million de travailleurs devient la propriété privée des capitalistes. Par conséquent, une contradiction profonde est inhérente au régime capitaliste. Le caractère social du processus de production et la forme capitaliste privée d’appropriation des résultats de la production.
CHAPITRE X : LE CYCLE ET LA ROTATION DU CAPITAL. LE CYCLE DU CAPITAL. LES TROIS FORMES DU CAPITAL INDUSTRIEL
La condition d’existence du mode de production capitaliste est la circulation développée des marchandises. C'est-à-dire leur échange au moyen de l’argent. Tout capital commence sa carrière sous forme d’une somme déterminée d’argent ; c’est le capital-argent. Avec l’argent, le capitaliste achète des marchandises d’une espèce particulière. 1° des moyens de production et 2°de la force de travail. Cet acte de circulation peut être représenté par la formule :
A M T
Mp
A désigne Argent, M la marchandise, T la force de travail et Mp les moyens de production.
Le premier stade du mouvement du capital consiste dans la conversion du capital-argent en capital productif (bâtiments, machines, main d’œuvre…) Vient ensuite le processus de production. A l’issue de ce processus, le capital avancé se trouve incorporé dans une masse déterminée de marchandises qu’il a produite, il prend la forme de capital-marchandise. La valeur de cette masse de marchandises est supérieure à la valeur initiale du capital car elle renferme la plus-value créée par les ouvriers. C’est le deuxième stade du mouvement du capital, celui de la transformation du capital productif en capital-marchandise. Le troisième stade du mouvement du capital consiste dans la conversion du capital-marchandise en capital-argent. Le capitaliste vend des marchandises produites et reçois une somme déterminée d’argent. Il se trouve avec une somme d’argent plus importante qu’au début. Le but de la production capitaliste qui consiste à tirer de la plus-value a été atteint. Le capitaliste emploie de nouveau l’argent, qu’il a tiré de la vente des marchandises à l’achat des moyens de production et de la force de travail nécessaire pour continuer la production et tout le processus recommence.
Telles sont les trois phases par lesquelles le mouvement du capital passe successivement. Ainsi tout capital industriel accomplit un cycle. Les trois phases forment le cycle du capital. Il ne s’opère normalement que si les différents stades se succèdent sans arrêt. Le deuxième stade qui est celui de la production a une importance décisive dans le cycle du capital industriel. C’est à ce stade que s’opère la production des marchandises de la valeur et de la plus-value.
La rotation du capital. Le temps de production et le temps de circulation
Tout capital accomplit son cycle sans arrêt en le répétant constamment. Le capital accomplit ainsi sa rotation. On appelle rotation du capital, son cycle non pas en tant qu’acte unique, mais en tant que processus qui se renouvelle et se répète périodiquement. Le temps de rotation du capital représente la somme du temps de production et du temps de circulation.
Le capital fixe et le capital circulant.
Le capital fixe est la partie du capital productif qui, fonctionnant entièrement dans le processus de production, transfère sa valeur au produit non pas d’un coup, mais par portions pendant une série de période de production. C’est la partie du capital dépensée pour la construction des bâtiments et des installations, pour l’achat des machines et de l’outillage. Les éléments du capital fixe servent généralement à la production pendant de nombreuses années ; ils subissent chaque année une certaine usure et finissent par être inutilisables.
Le capital circulant est la partie du capital productif dont la valeur durant une seule période de production est entièrement restituée au capitaliste sous forme d’argent lors de la réalisation de la marchandise. C’est la partie du capital dépensée pour l’achat de la force de travail, ainsi que pour l’achat de moyens de production, matières premières, combustibles et autres matériaux auxiliaires qui ne rentrent pas dans la composition du capital fixe.
La vente de la marchandise procure au capitaliste une certaine somme d’argent qui comporte : 1°la valeur de la partie du capital fixe, 2° la valeur du capital circulant, 3°la plus-value. Pour continuer la production, le capitaliste réengage la somme retirée qui correspond au capital circulant pour embaucher les ouvriers, acheter des matières premières, du combustible, des matériaux auxiliaires. Il utilise la somme correspondant à la partie de la valeur du capital fixe qui a été transférée à la marchandise pour compenser l’usure des machines, des machines-outils, des bâtiments, c'est-à-dire aux fins d’amortissement. La partie la plus importante des amortissements est conservée dans les banques pour acheter quand le besoin s’en fera sentir, de nouvelles machines en remplacement des anciennes, ou pour construire de nouveaux bâtiments.
Le taux annuel de la plus-value. Les méthodes d’accélération de la rotation du capital.
La vitesse de rotation du capital influe sur le volume de la plus-value que le capitaliste extorque en l’espace d’un an aux ouvriers. Plus le capital fait de notations par an, plus le volume de plus-value est élevé. Le capitaliste pourra alors augmenter sa production, payer de nouvelles machines ou augmenter ses ouvriers. Les capitalistes ont donc intérêt à accélérer la rotation du capital. Pour le faire, ils s’efforcent à réduire le temps de production et le temps de circulation. La réduction du temps de travail est effectuée par le développement des forces productives et le progrès technique, la prolongation de la journée de travail. La réduction du temps de circulation du capital est effectuée par le développement des moyens de transports, de Postes et Télécommunication et à une meilleure organisation du commerce.
CHAPITRE XI : LE PROFIT MOYEN ET LE PRIX DE PRODUCTION. LES COUTS DE PRODUCTION CAPITALISTES ET LE PROFIT.
Le taux du profit.
La valeur de la marchandise produite dans l’entreprise capitaliste se divise en trois parties : 1° la valeur du capital constant, 2° la valeur du capital variable, 3° la valeur de la plus-value. Les coûts de production capitalistes comprennent les dépenses de capital constant et de capital variable (c+v), c'est-à-dire les dépenses en moyens de production et en salaire aux ouvriers. En déterminant la rentabilité de l’entreprise, le capitaliste confronte ces couts de production (capital investi) avec l’excédent qui forme la plus-value. La plus-value, rapportée à la totalité du capital, prend la forme du profit. La source du profit reste la plus-value créée par le travail des ouvriers.
Le degré de rentabilité de l’entreprise capitaliste pour son possesseur est déterminé par le taux du profit. Le taux du profit est le rapport exprimé en pourcentage entre la plus-value et l’ensemble du capital avancé. Par exemple, si le capital avancé représente un total de 200 000 afro et que la plus-value soit de 40 000 afro, le taux du profit est de , soit 20%.
Le taux du profit dépend en premier lieu du taux de plus-value. Plus la plus-value est élevée et plus élevé est le taux du profit. Plus le pourcentage de la partie variable du capital (valeur de la force de travail) est élevé, plus le taux du profit est élevé.
La formation du taux moyen du profit et la transformation de la valeur des marchandises en prix de production.
En régime capitaliste, la répartition des capitaux entre les différentes branches de production et le progrès technique se réalisent dans une atmosphère de concurrence acharnée. Il faut distinguer la concurrence à l’intérieur des branches d’industrie et le concurrence entre les branches d’industrie.
Du fait que le prix des marchandises est déterminé par leur valeur sociale, l’avantage revient aux entreprises où la technique industrielle et la productivité du travail sont supérieures au niveau moyen de la branche d’industrie considérée et où par suite, la valeur individuelle des marchandises est inférieure à leur valeur sociale. Ces entreprises reçoivent un profit supplémentaire ou surprofit qui est une forme de la plus-value extra. Pour ne pas succomber à la concurrence, les capitalistes possesseurs d’entreprises arriérés, s’efforcent d’introduire chez eux de nouveaux perfectionnements techniques.
La concurrence entre les branches d’industrie s’établit entre les capitalistes de diverses branches de la production pour le placement le plus rentable du capital. Les capitalistes des branches qui ont un taux de profit faible investiront leurs capitaux dans ceux que le taux de profit est élevé pour un capital égal investi. Quand ils seront nombreux dans cette branche, la concurrence s’aggravera et obligera les entrepreneurs de cette branche d’industrie à abaisser les prix de leurs marchandises, ce qui entrainerait aussi une baisse du taux de profit.
Dans les branches où ces capitalistes ont retiré leurs capitaux, la quantité de marchandises produites diminuera et cette modification entre l’offre et la demande permettra aux entrepreneurs qui y sont restés de relever les prix de leurs marchandises et d’élever le taux du profit. La chute des prix dans les premières branches et leur hausse dans les secondes continueront jusqu’au moment où le taux du profit dans ces branches seront à peu près égal. Le profit moyen est un profit égal pour des capitaux de même grandeur, investis dans des branches différentes de la production.
Ainsi, la concurrence entre les branches d’industrie conduit à l’égalisation des taux de profit différents existants dans les diverses branches de la production capitaliste pour tendre vers un seul taux général (moyen). Cette égalisation est réalisée par le transfert de capital d’une branche à l’autre.
Le prix égal aux frais de production de la marchandise plus le profit moyen est le prix de production. La loi du taux moyen du profit, comme d’ailleurs toutes les lois régissant le mode de production capitaliste agit spontanément à travers de multiples écarts et oscillations. Dans la lutte pour le placement le plus rentable du capital, une concurrence acharnée se livre entre capitalistes. Les capitaux sont transférés d’une branche d’industrie à l’autre, à la suite de quoi précisément s’établit le taux moyen du profit.
Le prix de production est la moyenne autour de laquelle en définitive oscille les prix de marché des marchandises. La formation du taux moyen du profit signifie la redistribution de la plus-value entre les capitalistes des différentes branches de la production. Les capitalistes des branches à composition organique du capital élevée s’approprient une partie de la plus-value crée dans les branches d’industrie à basse composition organique du capital. Par conséquent, les ouvriers sont exploités non seulement par les capitalistes qui les font travailler, mais aussi par toute la classe des capitalistes. Toute la classe des capitalistes a intérêt à voir s’élever le degré d’exploitation des ouvriers, puisque cela conduit à l’accroissement du taux moyen du profit. Le taux moyen du profit dépend du degré d’exploitation de l’ensemble du travail par l’ensemble du capital.
La loi du taux moyen du profit exprime l’antagonisme profond de deux classes hostiles : la bourgeoisie et le prolétariat. La lutte contre tels ou tels capitalistes ne peut amener un changement radical dans la situation de la classe ouvrière. Celle-ci ne peut secouer le joug du capital qu’à la condition de renverser la bourgeoisie en tant que classe, de supprimer le système même de l’exploitation capitaliste.
La baisse tendancielle du taux de profit
Tout entrepreneur qui remplace de plus en plus les ouvriers par des machines, cherche à rendre la production moins couteuse, à élargir l’écoulement de ses marchandises et à tirer un surprofit. Mais lorsque les progrès techniques de certaines entreprises se répandent largement, il en résulte une élévation de la composition organique du travail dans la plupart des entreprises, ce qui amène la baisse du taux de profit général. Dans le même sens agit l’accroissement plus rapide du capital fixe par rapport au capital circulant, ce qui ralentit la rotation de l’ensemble du capital.
En même temps, une série de facteurs s’oppose à l’abaissement du taux de profit. Premièrement, l’exploitation de la classe ouvrière se renforce. Deuxièmement, le progrès technique engendre le chômage qui pèse sur le marché du travail. Troisièmement, la valeur des moyens de production diminue, quatrièmement, les capitalistes réduisent le capital constant et font travailler les ouvriers dans les locaux étroits, mal aérés avec des conditions sécuritaires incertaines. Tout ceci agit négativement sur la santé et la vie des ouvriers. Cinquièmement, la chute du taux de profit est freinée par le déséquilibre des échanges dans le commerce extérieur, grâce auquel les entrepreneurs des pays capitalistes développés, en exportant leurs marchandises dans les pays coloniaux obtiennent du surprofit.
La loi de la baisse tendancielle du taux du profit accentue la lutte au sein de la bourgeoisie elle-même pour la répartition de la masse globale des profits. Dans leur course aux profits élevés, les capitalistes dirigent leurs capitaux vers les pays retardataires où la main d’œuvre est meilleur marché et la composition du capital plus basse que dans les pays à industrie hautement développé et ils se mettent à exploiter à fond les peuples de ces pays. Cela aboutit à aggraver les contradictions entre pays capitalistes développés et pays retardataires, entre métropole et colonies.
CHAPITRE XII : LE CAPITAL COMMERCIAL ET LE PROFIT COMMERCIAL.
Le profit commercial et sa source
Le capital commercial est le capital appliqué dans la sphère de la circulation. S’il commercialisait lui-même ses produits, l’industriel aurait moins de plus-value puisqu’il va lui falloir construire des magasins, embaucher des commis. Il préfère vendre ses marchandises à un intermédiaire ou capitaliste commerçant, qui s’occupe spécialement de la vente des marchandises et en assure l’acheminement aux consommateurs.
Cette spécialisation du capital commercial dans les fonctions de la circulation marchande permet de réduire la durée de la circulation et les dépenses qui lui sont liées et par conséquent d’augmenter le profit du capitaliste industriel. Au cours de la distribution, le capitaliste commercial tire aussi son profit qui est en fait une partie de la plus-value que l’industriel lui cède pour la vente de ses marchandises. La journée de travail des employés de commerce, tout comme celle des ouvriers occupés dans la production se divise en temps de travail nécessaire et en temps de surtravail. Soucieux d’obtenir un profit supplémentaire, les capitalistes commerçants haussent par tous les moyens les prix, trompent les acheteurs sur le poids et la mesure, vendent des marchandises falsifiées, de mauvaise qualité. Ils obligent les petits producteurs à leur vendre les produits de leur travail à vil prix et à leur acheter en même temps les outils, les matières premières et les matériaux au prix fort. Tout cela aboutit à l’accroissement de la paupérisation des travailleurs et aggrave encore les contradictions du capitalisme.
Les frais de circulation
Le processus de circulation capitaliste des marchandises nécessite certaines dépenses. Ces dépenses, liées au service de la sphère de circulation, constituent les frais de circulation. Il faut distinguer deux sortes de frais capitalistes dans le commerce : premièrement les frais de circulation proprement dits qui se rattache directement à la vente et à l’achat des marchandises, ainsi qu’aux particularités du régime capitaliste. En second lieu, les frais occasionnés par la continuation du processus de production dans la sphère de la circulation.
Les frais de circulation proprement dit forment la plus grande partie du commerce capitaliste. Ils comprennent les dépenses nécessitées par la concurrence et la spéculation, la publicité, le salaire des employés de commerces, la tenue des livres comptables, la correspondance, l’entretien des bureaux commerciaux... Avec le développement du capitalisme, il se forme un appareil commercial doté d’une multitude d’échelons. Avant de parvenir au consommateur, les marchandises passent entre les mains de toute une armée de commerçants, de spéculateurs, de revendeurs et de commissionnaires.
Les frais nécessités par la continuation du processus de production dans la sphère de la circulation comprennent les dépenses nécessaires pour la société et qui ne dépendent pas des particularités de l’économie capitaliste. Ce sont des dépenses pour la finition, le transport et l’emballage des marchandises. Chaque produit n’est prêt à la consommation que quand il est livré au consommateur.
L’anarchie de la production capitaliste et les crises, la concurrence et la spéculation provoquent l’accumulation d’immenses stocks de marchandises, ce qui entraine d’énormes dépenses improductives. Dans l’immense majorité des cas, la publicité capitaliste tend, plus ou moins à tromper les acheteurs. Elle impose un emballage inutile et couteux des marchandises.
Les formes du commerce capitaliste. Les bourses de marchandises.
Le développement de la production et de la circulation capitalistes entraine le développement des formes du commerce du gros et du détail. Le commerce du gros est le commerce des entreprises industrielles et commerciales, le commerce de détail est la vente des marchandises directement à la population. Dans le commerce comme dans l’industrie, il y a concentration et centralisation du capital. Il y a également éviction des petits et des moyens capitalistes par des gros. La bourse de marchandises est une forme particulière de marché où se fait le commerce en gros de marchandises de même nature et où se concentrent l’offre et la demande de ces marchandises à l’échelle des pays entiers, souvent même à l’échelle du marché capitaliste mondiale.
Le commerce extérieur
Dans leur chasse au profit, les capitalistes recherchent sans cesse de nouveaux débouchés et de nouvelles sources de matières premières. Ils établissent leur domination sur les marchés extérieurs. Le commerce extérieur est une source de profit supplémentaire pour les capitalistes des pays bourgeois plus développés, car les articles industriels se vendent dans les pays sous-développés à des prix relativement plus élevés, tandis que les matières premières s’achètent dans ces pays à des prix inférieurs. Il est aussi un des moyens d’asservissement économique des pays sous-développés par des pays bourgeois développés et un moyen d’élargissement des sphères d’influence de puissance capitaliste.
Le commerce extérieur consiste à importer et à exporter. Le rapport entre la somme des prix des marchandises exportées par un pays est la somme des prix des marchandises importées par ce pays durant un certain temps constitue sa balance commerciale. Si les exportations dépassent les importations, la balance est active ; dans le cas contraire, la balance est passive. La balance commerciale ne met pas en évidence toutes les formes des rapports économiques entre pays. Ces rapports trouvent une expression plus complète dans la balance des comptes. La balance des comptes est le rapport entre la somme de tous les payements qu’effectuent les autres pays à un pays donné et la somme de tous les payements qu’effectuent ce pays aux autres.
CHAPITRE XIII : LE CAPITAL DE PRET ET L’INTERET DE PRET. LA CIRCULATION MONETAIRE
Le capital de prêt
Parfois dans les cours de la rotation du capital, le capitaliste industriel dispose d’un capital-argent qui ne trouve pas d’emploi dans son entreprise. Ce capital est inactif et ne rapporte pas de profit. Pendant qu’il dispose de ce capital-argent, un autre en manque pour lancer ou relancer sa production dans sa course au profit. Le capitaliste qui dispose de ce capital-argent cherche à tirer un revenu de chaque parcelle de son capital. Il prête son argent disponible à celui qui en manque contre une certaine rémunération. Ce capital n’appartient pas au capitaliste qui l’emploie dans sa production. Ce dernier cherche alors de tirer le maximum de plus-value de cet argent. A titre de rémunération, il doit verser au propriétaire de ce capital une somme déterminée que l’on appelle l’intérêt. Le capital de prêt est donc le capital qui porte l’intérêt, la source de l’intérêt est la plus-value.
L’intérêt et le bénéfice d’entrepreneur. Le taux d’intérêt et sa tendance à la baisse
L’industriel ou le commerçant verse au capitaliste possesseur d’argent, une partie de son profit sous forme d’intérêt. Ainsi, le profit moyen se décompose en deux parties : la partie du profit moyen qui reste aux industriels et aux commerçants est appelé le bénéfice d’entrepreneur. Il constitue une partie de la plus-value que s’approprient gratuitement les capitalistes. Celle qui va aux possesseurs du capital est l’intérêt. Plus la demande du capital argent est élevée, plus le taux d’intérêt l’est aussi. Le taux d’intérêt est le rapport entre le montant de l’intérêt et le capital-argent prêté.
Avec le développement du capitalisme, le taux d’intérêt manifeste une tendance à la baisse. Cette tendance est due à l’action de la loi de la baisse tendancielle du taux moyen de profit et au fait qu’avec le développement du capitalisme, la masse générale du capital de prêt augmente plus vite que n’augmente la demande. Certains capitalistes émergent comme des rentiers qui n’ont aucune activité d’entrepreneur, renforçant le parasitisme dans la société bourgeoise.
Les formes de crédit, les banques et leurs opérations
En régime capitaliste, il existe deux formes de crédit : le crédit commercial et le crédit bancaire. Le crédit commercial est celui que s’accordent les uns aux autres dans la réalisation des marchandises. Les capitalistes exploitants (industriels et commerçants) l’industriels, soucieux d’accélérer la rotation de son capital convertit en marchandise, livre sa marchandise à crédit à un autre industriel ou à un grossiste qui, à son tour, vend la marchandise à crédit à un détaillant. Généralement, le crédit commercial est à court terme ; il est consenti pour un délai maximum de quelques mois. L’instrument du crédit commercial est la lettre de change. La lettre de change ou traite est une créance par laquelle le débiteur s’engage à rembourser à une date fixée, l’argent due pour une marchandise achetée.
Le crédit bancaire est celui que les capitalistes possesseurs d’argent (les banquiers) consentent aux capitalistes exploitants. Le crédit bancaire est réalisé par les banques. La banque est un établissement capitaliste qui fait le commerce du capital-argent et sont d’intermédiaires entre prêteurs et emprunteurs.
Les opérations de banques peuvent être passives ou actives. Les opérations passives sont celles par lesquelles la banque attire les fonds dans ses caisses. La principale de ces opérations est la réception des dépôts. Ces derniers sont acceptés à des conditions différentes : les uns pour un délai déterminé, d’autres sans échéance déterminée. Les opérations actives sont celles par lesquelles la banque place et utilise les ressources dont elle dispose. Il s’agit avant tout de l’octroi de prêts en argent. L’industriel qui a vendu sa marchandise à crédit remet la traite qu’il a reçu de l’acheteur à la banque qui rembourse immédiatement l’industriel le montant de la traite, déduction faite d’un intérêt déterminé. A l’échéance, l’acheteur sur qui la traite a été tirée rembourse non plus à l’industriel, mais à la banque. Les opérations actives de la banque comprennent aussi des prêts gagés sur marchandises. Enfin la banque opère directement des investissements de fonds dans telles ou telles entreprises, sous forme de crédit à long terme.
Au titre des opérations passives, la banque paie des intérêts. Au titre des opérations actives, elle touche des intérêts. La banque emprunte à des taux d’intérêt plus bas que ceux auxquels elle prête. Le profit se forme grâce à la différence entre l’intérêt qu’elle a prélevé pour ses prêts et l’intérêt qu’elle paie aux déposants. Le travail des salariés employés à la banque tout comme celui des employés de commerce, dans la réalisation des marchandises ne crée ni valeur, ni plus-value, mais il permet au banquier de s’approprier une partie de la plus-value créée dans la production.
Les banques jouent le rôle de centres de règlements. Toute entreprise, qui met de l’argent en dépôt ou reçoit un prêt, se fait ouvrir un compte courant à la banque qui délivre des fonds de ce compte sur présentation d’une demande spéciale appelée chèque. Par conséquent, la banque remplit les fonctions de caissier pour un grand nombre d’entreprises. Cela permet de développer largement le système des virements de comptes. Le capitaliste A, ayant vendu sa marchandise au capitaliste B, reçoit de lui un chèque sur une banque où l’un et l’autre ont des comptes courants. La banque opère le règlement en transférant le montant du chèque du compte courant de B au compte courant de A. les entreprises ont des comptes courants dans différentes banques. Dans les plus grandes villes, les banques créent des centres de règlements spéciaux où les chèques provenant de nombreuses banques se compensent réciproquement. L’usage des chèques et des lettres de change réduit les besoins d’argent liquide.
Il existe en régime capitaliste trois grandes sortes de banques : commerciales, hypothécaires et d’émission. Les banques commerciales créditent les industriels et les sociétés commerciales surtout en consentant des prêts à court terme. Les banques hypothécaires accordent des prêts à long terme gagés sur les biens immobiliers (terre, maisons, constructions). Les banques d’émission ont le droit d’émettre des billets de banque. Ce rôle appartient aux banques centrales d’émission. Ces banques ne font généralement pas d’opérations avec des industriels ou des commerçants. Elles consentent des prêts aux banques commerciales qui traitent à leur tour avec les entrepreneurs. Les banques centrales d’émission sont donc les banques des banques.
Tout en accélérant la rotation des capitaux par la concentration des opérations de prêt et de remboursement ainsi que la réduction des frais de circulation monétaire, les banques favorisent la centralisation du capital, l’élimination des petits et moyens capitalistes, le renforcement de l’exploitation des ouvriers, la spoliation des petits producteurs indépendants et des artisans.
Les sociétés par actions. Le capital fictif
La société par actions est une forme d’entreprise dont le capital est constitué par les versements effectués par ses participants qui possèdent un certain nombre d’actions proportionnelles au montant des sommes investies par chacun d’eux. L’action est un titre qui donne le droit de toucher une partie du revenu de l’entreprise proportionnelle à la somme qu’elle représente. Le revenu que le possesseur d’actions en retire s’appelle dividende. Les actions se vendent et s’achètent à un prix déterminé qui en est le cours. Les actionnaires s’efforcent de vendre les actions pour une somme qui, déposée en banque, leur rapporterait à titre d’intérêt le même revenu qu’ils reçoivent sous forme de dividende. Les acheteurs d’actions en raison des risques qu’ils courent en investissant un capital dans la société par actions, cherchent à acquérir les actions pour une somme inférieure. Le capital réellement investi peut être de dix millions et le montant total des actions de quinze millions, ce qui permet aux capitalistes de tirer une plus grande plus-value.
Le capital sous forme de titres rapportant un revenu à leurs possesseurs est appelé capital fictif. Il consiste en actions et obligations. L’obligation est une créance délivrée par les entreprises ou l’Etat et qui rapporte à son détenteur un intérêt annuel fixe. Les titres (actions, obligations...) s’achètent et se vendent dans les bourses de valeurs. Ce sont des marchés de titres. C’est à la bourse qu’à lieu la spéculation sur les titres. Comme tous les avantages en matière de spéculation sont du côté des gros et très gros capitalistes, la spéculation en bourse contribue à la centralisation des capitaux, à l’enrichissement des gros capitalistes et à la ruine des moyens et des petits possédants.
La circulation monétaire des pays capitalistes
L’instrument des règlements internationaux dans les opérations commerciales et financières est l’or, monnaie universelle. L’échange de la monnaie d’un pays contre la monnaie d’un autre pays se fait au cours du change. Le cours du change est le prix de l’unité monétaire d’un pays exprimé en unités monétaires d’autres pays. Par exemple, un afro est égale à telle quantité de dollars. Les règlements en matière de commerce extérieur peuvent s’effectuer aussi sans faire usage de l’or ni de devises étrangères. Cela peut être dans un cas, le clearing, c'est-à-dire la mise en compte réciproque d’engagements relatifs à des livraisons de marchandises dans un commerce bilatéral. Dans un autre cas, les règlements entre pays peuvent se faire par virement de traites d’un pays à l’autre sans transfert d’or.
Les Etats capitalistes réduisent la circulation de l’or et l’accumulent de plus en plus sous forme de fonds de réserve dans les banques centrales afin d’affermir leurs positions dans le commerce extérieur, de mettre la main sur les marchés nouveaux, de préparer et de mener des guerres. On a d’abord remplacé l’or en circulation par des billets de banque, puis on l’a remplacé par du papier-monnaie qui n’était plus échangeable contre de l’or. Il est le représentant de la monnaie métallique véritable dans sa fonction de moyen de circulation.
Les classes dirigeantes des pays capitalistes utilisent ce papier monnaie comme moyen supplémentaire d’exploitation et de spoliation des travailleurs. Cela se manifeste nettement en cas d’inflation caractérisée par la présence d’une masse excédentaire de papier monnaie dans les canaux de circulation. La conséquence est la hausse des prix, la dépréciation de la monnaie, la chute du salaire réel, la ruine des paysans et l’accroissement des profits capitalistes. Les Etats bourgeois utilisent l’inflation comme un instrument de guerre économique contre les autres pays et de conquête de nouveaux débouchés.
CHAPITRE XIV : LA RENTE FONCIERE. LES RAPPORTS AGRAIRES EN REGIME CAPITALISTE
Le régime capitaliste de l’agriculture et la propriété privée de la terre
Dans les pays bourgeois, le capitalisme règne non seulement dans l’industrie, mais aussi dans l’agriculture. La plus grande partie des terres est concentrée dans les mains de la classe des gros propriétaires terriens. La masse de la production agricole marchande appartient à des entreprises capitalistes employant du travail salarié. Néanmoins, dans les pays bourgeois, la forme d’exploitation prédominante sous le rapport numérique dans l’agriculture reste la petite exploitation paysanne marchande.
Les voies les plus typiques du développement du capitalisme dans l’agriculture sont les deux voies suivantes : la première est celle du maintien pour l’essentiel de l’ancienne exploitation seigneuriale et de sa transformation progressive, au moyen de reformes en exploitation capitaliste. La seconde voie est celle de la rupture de l’ancien système d’exploitation seigneuriale par la révolution bourgeoise, de l’affranchissement de l’économie rurale des entraves féodale, ce qui accélère le développement des forces productives. Ainsi en France, la révolution bourgeoise a supprimé la propriété foncière féodale. Les terres confisquées furent mises en vente. Mais la propriété terrienne renait sur une base nouvelle capitaliste. Une partie sans cesse grandissante des terres seigneuriales et paysannes passe entre les mains des banques, de la bourgeoisie rurale, des industriels, des marchands et des usuriers. Aux Etats-Unis en 1950, les grands latifundia de plus de 1000 ares de terre chacun représentant 2.3% de l’ensemble des exploitations possédaient 42.6% de la terre. Le gros propriétaire terrien donne généralement en location une grande partie de sa terre à des fermiers capitalistes et à des petits paysans qui lui paient le prix de fermage établi par un bail, c'est-à-dire une somme d’argent pour le droit d’employer leur capital sur sa terre. Le capitaliste foncier est donc obligé de verser une partie du travail de ses ouvriers au propriétaire terrien sous forme rente foncière. Souvent le propriétaire terrien ne donne pas sa terre en location mais embauche lui-même des ouvriers pour exploiter son terrain. Dans ce cas, il est seul à percevoir la rente et le profit.
La rente différentielle
Dans l’industrie comme dans l’agriculture, l’entrepreneur n’investit ses capitaux dans la production que s’il est assuré d’en tirer le profit moyen. Il est à la quête du surprofit. Dans l’agriculture, ce profit est assuré pour une période plus ou moins longue. Le caractère limité de la terre et le fait qu’elle est occupée par des exploitations privées conditionnent le monopole de l’exploitation capitaliste sur la terre. Ceci aboutit au fait que le prix général, régulateur de la production des produits agricoles est déterminé par des conditions de la production non pas sur les terres de qualité moyenne, mais sur les plus mauvaises, étant donné que la production des meilleures terres et des terres moyennes n’est pas suffisante pour couvrir la demande sociale.
Les capitalistes qui exploitent les terrains moyens et les meilleurs terrains produisent des denrées agricoles a meilleur marché. Ils vendent leurs marchandises au prix général de la production et reçoivent ainsi un surprofit qui constitue la rente différentielle. Les fermiers capitalistes sont obligés de livrer la rente différentielle aux propriétaires terriens et ne gardent que le profit moyen. La rente différentielle comme toute la plus-value dans l’agriculture est créée par le travail des ouvriers agricoles. L’unique source de cette rente est le surtravail, la plus-value et non le sol.
Il existe deux formes de rente différentielles. La rente différentielle 1, liée à la différence de fertilité du sol et de la situation géographique des terrains par rapport aux débouchés. La rente différentielle 2 provient des investissements supplémentaires de moyens de production et de travail sur une même terre ; elle apparait donc avec l’intensification de la culture. Contrairement à l’exploitation extensive qui se développe avec l’augmentation des surfaces, l’exploitation intensive se développe grâce à l’emploi de machines perfectionnées, d’engrais chimiques grâce à des travaux de bonification, à l’élevage de bétail de races plus productives.
La rente absolue. Le prix de la terre
Le monopole de la propriété privée de la terre est cause de la rente absolue, payée pour chaque terrain indépendamment de sa fertilité et de sa situation géographique. La rente absolue est l’excédent de valeur sur le prix général de production crée dans l’agriculture par suite d’une composition organique du capital. Le propriétaire terrien se l’approprie en vertu de la propriété privée de la terre.
Outre la rente différentielle et la rente absolue, il existe en régime capitaliste, une rente monopole. La rente monopole est le revenu additionnel obtenu du fait que le prix d’une marchandise produite dans des conditions naturelles particulièrement favorables est supérieure à sa valeur. Telle est par exemple la rente pour les terres qui permettent de produire des produits agricoles rares (raisins, agrumes...) Les marchandises produites dans ces conditions se vendent généralement à des prix supérieurs à leur valeur, c'est-à-dire à des prix monopoles. C’est le consommateur qui fait les frais de la rente monopole dans l’agriculture.
La rente foncière est un tribut que la société en régime capitaliste est tenue de payer aux grands propriétaires terriens. Cette rente entraine l’élévation des prix des denrées alimentaires pour les ouvriers et les matières premières par l’industrie. Entre 1935 et 1937 aux Etats-Unis, cette rente foncière représentait 26 à 29% du prix du maïs, 26 à 36% du prix du froment.
Si on excepte les installations et les améliorations artificielles, la terre par elle-même n’a pas de valeur puisqu’elle n’est pas le fruit du travail humain. Toutefois, en régime capitaliste, elle fait l’objet de vente et d’achat et possède un prix. Ce prix est d’autant plus élevé que la rente est plus forte et que le taux d’intérêt est plus bas.
La rente foncière n’existe pas seulement dans l’agriculture. Elle est perçue par les propriétaires des terrains dont le sous-sol fournit des matériaux utiles (minerais, charbon, pétrole...) ainsi que par les propriétaires des terrains à bâtir dans les villes et les centres industriels, lorsqu’on y construit des maisons d’habitation, des entreprises industrielles et commerciales, des édifices publics etc. Les possesseurs de terrains urbains, profitant du nombre extrêmement réduit des terrains dans beaucoup de villes et de centres industriels, lèvent sur la société un tribut sous forme de rente monopole, ce qui élève considérablement le prix des loyers. Une partie importante de la classe ouvrière est obligée de s’entasser dans les taudis. La hausse constante du loyer diminue le salaire réel des ouvriers.
La grande et la petite production agricole
La grande production agricole possède une série d’avantages décisifs sur la petite. Elle a la possibilité d’employer les machines couteuses (tracteurs, moissonneuses, batteuses...) qui augmentent considérablement la productivité du travail. Elle jouit de tous les avantages de la coopération capitaliste et de la division du travail. Son rendement est élevé.
La petite exploitation agricole se maintient au prix d’incroyables privations du gaspillage du travail de l’agriculteur et de toute sa famille. Le paysan a beau s’exténuer pour garder une indépendance illusoire, il perd sa terre et se ruine. Un grand rôle dans la dépossession de la paysannerie appartient au crédit hypothécaire. Le crédit hypothécaire est un prêt gagé sur la terre et les biens immobiliers. Quand le cultivateur a un besoin pressant d’argent, il demande un prêt à une banque gagée souvent sur son terrain. Si l’argent n’est pas remboursé à temps, la terre devient propriété de la banque. Sous forme d’intérêt, le paysan verse en fait à la banque une rente foncière pour son propre terrain. Chaque année, un grand nombre d’exploitations paysannes hypothéquées sont vendues aux enchères. Les paysans ruinés sont chassés de leurs terres.
L’aggravation de l’opposition entre ville et campagne
Un trait caractéristique du mode de production capitaliste est le retard marqué de l’agriculture sur l’industrie, l’aggravation de l’opposition entre la ville et la campagne. Dans le domaine culturel, les foyers scientifiques et artistiques (établissements d’enseignement supérieur, musées, théâtres, cinémas...) se concentrent dans les villes. Ce sont les classes exploiteuses qui profitent des richesses de cette culture. La bourgeoisie industrielle et les commerçants exploitent la campagne grâce aux prix élevés des produits industriels et aux prix relativement bas des produits agricoles. Les banques et les usuriers le font par l’octroi de crédits à des conditions draconiennes ; l’Etat bourgeois par ses impôts de tout genre. Toutes les ressources tirées de la campagne vont en ville pour la consommation parasite des classes exploiteuses. Ainsi, les causes du retard de l’agriculture sur l’industrie, l’approfondissement et l’aggravation de l’opposition entre la ville et la campagne réside dans le système même du capitalisme.
La propriété privée de la terre et la nationalisation de la terre
La nationalisation de la terre est la transformation de la propriété privée de la terre en propriété d’Etat. Nationaliser la terre c’est supprimer le monopole de la propriété privée de la terre et la rente absolue qui s’y rattache. Ce qui amène la baisse des prix des produits agricoles. Lénine n’estimait possible la nationalisation de la terre qu’avec l’établissement de la dictature démocratique révolutionnaire du prolétariat et de la paysannerie. Les intérêts vitaux des masses fondamentales de la paysannerie concordent avec les intérêts du prolétariat. C’est là la base économique de l’alliance du prolétariat et de la paysannerie laborieuse dans leur lutte commune contre le régime capitaliste.
CHAPITRE XV : LE REVENU NATIONAL
Le produit social total et le revenu national
Toute la masse des biens matériels produits dans la société dans une période déterminée forme le produit social total ou produit global. De ce produit social total, on extrait les frais du capital constant (bâtiments, machines…) qui sera renouvelé. Le reste, dans lequel se trouve incarnée la valeur nouvellement crée est le revenu national. Autrement, le revenu national est égal à la somme du capital variable et de la plus-value. Il intègre toutes les branches dans lesquelles sont produits les biens matériels : industrie, agriculture, artisanat, construction, transport... Dans les branches non productives qui comprennent l’appareil d’Etat, le crédit, le commerce, les services médicaux, les spectacles, il n’est pas créé de revenu national.
Dans les pays capitalistes, une partie très importante de la population apte au travail, non seulement ne crée pas de produit social et de revenu national, mais ne participent a aucun travail socialement utile. Ce sont avant tout les classes exploiteuses et leur cortège de parasite, le gigantesque appareil bureaucratique et policier, militariste. Des masses énormes de travailleurs n’ont pas la possibilité de travailler. Tout ceci a pour effet de limiter à l’extrême l’accroissement du produit social total et du revenu national dans la société bourgeoise.
La répartition du revenu national
Après la production et la commercialisation des produits, les capitalistes industriels paient aux employés le capital variable sous forme de salaire. Ils conservent la plus-value. Une partie de cette plus-value se transforme en leur profit. L’autre partie, ils la cèdent aux capitalistes commerçants sous forme de profit commercial, aux banquiers sous la forme de l’intérêt et aux propriétaires terriens sous la forme de la rente foncière. La source des revenus des classes exploiteuses est le travail des ouvriers, des paysans et des artisans. Ces revenus sont des revenus parasites tandis que ceux des ouvriers qui travaillent sont des revenus de travail.
Dans le cours de la répartition ultérieure du revenu national, les classes exploiteuses et les ouvriers versent une partie de leurs revenus à l’Etat. Ces revenus entrent dans le budget de l’Etat sous forme d’impôts et se transforment en revenus supplémentaires des capitalistes et en revenus des fonctionnaires. Une partie du revenu national est transmise aux branches non productives (services médicaux, spectacles...). Les capitalistes de ce secteur non productif, en exploitant leurs ouvriers, reçoivent une partie du revenu national crée dans les branches de production matérielle. Dans leur course au profit élevé, ils font monter les prix des services pour gagner plus. Ce qui aggrave la paupérisation des travailleurs. Dans les pays capitalistes, les travailleurs qui forment les 9/10 de la population reçoivent généralement moins de la moitié du revenu national, tandis que les classes exploiteuses en reçoivent sensiblement plus. En 1951, la part des classes travailleuses était de 40% aux Etats-Unis.
Dans les pays bourgeois, la part du revenu national destinée à la consommation est si faible qu’elle n’assure en règle générale même pas le minimum vital. Ce qui oblige les travailleurs à se priver et à priver leurs familles du strict nécessaire, de s’entasser dans des masures, de priver leurs enfants d’instruction tandis que les classes exploiteuses dépensent des sommes colossales pour l’achat d’objets de luxe et pour l’entretien d’une nombreuse domesticité. Ces dépenses improductives font que la part du revenu national destinée à élargir la production est très faible par rapport aux besoins de la société. Une part toujours croissante du revenu national en régime capitaliste va aux dépenses militaires, à la course aux armements, à l’entretien de l’appareil de l’Etat. Les économistes bourgeois tendent à camoufler le gaspillage improductif d’une énorme partie du revenu national.
Le budget de l’Etat
L’Etat bourgeois est l’organe des classes exploiteuses qui a pour but de maintenir en sujétion la majorité exploitée de la société et de sauvegarder les intérêts de la minorité exploiteuse dans l’ensemble de la politique intérieure et extérieure. Pour le faire, il dispose de tout un appareil : armée, police, organismes punitifs et judiciaire, services de renseignement, différents organes d’administration et d’action idéologique sur les masses. Cet appareil est entretenu aux frais du budget de l’Etat. Le budget de l’Etat est établi sous forme d’un devis annuel des recettes et des dépenses de l’Etat. Les dépenses de l’Etat capitaliste pour la plus grande part sont improductives. Une partie importante va dans la préparation et à la conduite des guerres, à la recherche scientifique dans le domaine des armes à destruction massive des hommes, aux activités de sabotage à l’étranger, à l’entretien de l’appareil d’oppression des travailleurs. Le militarisme d’aujourd’hui est le résultat du capitalisme. La masse essentielle des revenus de l’Etat capitaliste est constituée par les impôts. Les impôts sont appelés directs s’ils sont pris sur les revenus des particuliers et indirects s’ils sont prélevés sur les marchandises mises en vente ou bien les services. Les impôts indirects élèvent les prix des marchandises et des services. La politique de l’Etat bourgeois tend à réduire par tous les moyens les charges fiscales qui pèsent sur les classes exploiteuses. Les capitalistes se dérobent au paiement des impôts en dissimulant l’ampleur réel de leurs revenus. Quand ils sont en faillite, l’Etat leur donne de l’argent pour se relancer. Le poids principal des impôts pèse sur les masses laborieuses : ouvriers, paysans, employés. En plus des impôts, l’Etat bourgeois recourt le plus souvent aux emprunts pour couvrir les dépenses exceptionnelles, en premier lieu les dépenses militaires. Généralement pour payer ces emprunts, l’Etat bourgeois augmente les impôts, frappant davantage les travailleurs. L’autre source de revenu du budget de l’état bourgeois est l’émission du papier monnaie. En provoquant l’inflation et la hausse des prix, elle fait passer à l’Etat capitaliste une partie du revenu national en abaissant le niveau de vie des masses populaires.
CHAPITRE XVI : LA REPRODUCTION DU CAPITAL SOCIAL
Le capital social. La composition du produit social total.
Le capital social est l’ensemble des capitaux individuels dans leurs liens de dépendance réciproque. Chacun des capitaux individuels est indépendant des autres mais tous les capitaux individuels sont liés entre eux et dépendent l’un de l’autre. Pour que la production puisse continuer, le produit social doit passer par le processus de la circulation. La réalisation du produit social est la succession des formes du capital (marchandises-argent-marchandises). La valeur du produit social est égale à la somme du capital constant, du capital variable et de la plus-value (c + v + p). Chacun joue son rôle : le capital constant continue à servir dans le processus de production, le capital variable en termes de salaire permet aux ouvriers de consommer. La plus-value est soit entièrement consommée par les capitalistes soit une autre partie est remise dans la production.
Par sa forme matérielle, tout le produit social est composé en moyens de production et d’objets de consommation. De ce point de vue, toute la production sociale est divisée en deux grandes sections : la section production et la section consommation. Pour qu’il y ait renouvellement incessant du processus de production, il faut qu’il y ait des moyens de productions appropriés mais aussi des objets de consommation.
Le problème du marché. Les contradictions de la production capitaliste
Pour réaliser le produit social, il faut qu’il y ait des proportions déterminées entre ses diverses parties et, par suite entre ses branches et les éléments de la production. En régime capitaliste, la production est assurée par des producteurs privés qui se laissent guider par la course aux profits et travaillent pour un marché qu’ils ne connaissent pas. Ces proportions sont forcément sujettes à de perpétuelles perturbations. C’est pourquoi l’équilibre entre les différentes branches de la production constitue un hasard et les perturbations constantes de l’équilibre constitue la règle générale de la reproduction capitaliste. Avec l’anarchie de la production capitaliste, la réalisation du produit social ne s’opère qu’au milieu des difficultés et de fluctuations incessantes qui se multiplient à mesure que le capitalisme se développe.
La consommation individuelle des larges masses de la population dans la société capitaliste est extrêmement limitée en raison de l’action des lois économiques du capitalisme qui déterminent la paupérisation du prolétariat. L’élargissement du marché intérieur ne signifie donc pas élargissement de la consommation des masses populaires, mais accroissement de la misère de l’immense majorité des travailleurs. Mais les marchandises sont produites avant tout pour la consommation. Il se pose une contradiction profonde entre la production et la consommation. La richesse nationale dans cette contradiction grandit en même temps que la misère populaire.
CHAPITRE XVII : LES CRISES ECONOMIQUES
Le fondement des crises capitalistes de surproduction
Dès le début du XIXe siècle, depuis que la grande industrie mécanique a fait son apparition, le cours de la production capitaliste élargie est coupé périodiquement de crises économiques. Ces crises sont des crises de surproduction. La crise se traduit tout d’abord par le fait que les marchandises restent invendues, parce qu’il en a été produit plus que n’en peuvent acheter les principaux consommateurs, les masses populaires, dont le pouvoir d’achat sous la domination des rapports de production capitaliste est extrêmement limité. Les surplus de marchandises s’entassent dans les entrepôts. Les capitalistes réduisent la production et congédient les ouvriers. Des centaines et des milliers d’entreprises ferment. Le chômage s’étend brusquement, une multitude de petits producteurs de la ville et des campagnes se ruine. La mévente des marchandises produits désorganise le commerce. Les liens de crédit se rompent. Les capitalistes éprouvent un manque extrême d’argent liquide pour effectuer leurs paiements. Et c’est le crash en bourse. Le cours des actions, des obligations et des autres valeurs s’effondre irréversiblement. Une vague de faillibles se déferle sur les entreprises industrielles, les firmes commerciales et bancaires font faillite. Mais en temps de crise, le surplus de marchandises n’existe que par rapport à ceux qui sont capables d’acheter et non par rapport aux besoins réels de la société. En ces temps de crise, les masses laborieuses manquent du plus du strict nécessaire, leurs besoins sont satisfaits plus mal que jamais. Des millions d’hommes souffrent de la faim parce qu’on a produit « trop » de blé.
Le caractère cyclique de la reproduction capitaliste
Les crises capitalistes se renouvellent à des intervalles déterminés, tous les huit à douze ans. La première crise industrielle éclate en Angleterre en 1825. En 1836, une crise éclate en Angleterre et gagne les Etats-Unis. En 1847-1848, une crise commence en Angleterre, gagne l’Europe et les Etats-Unis : c’est la première crise mondiale. Viennent ensuite les crises de 1857, 1866, 1873, 1882 et 1890. Au XXe siècle, on note la crise de 1900-1903 qui commence en Russie où les conséquences sont les plus rudes. Suivent ensuite les crises de 1907, 1920-1921, 1929-1933, 1937-1938, 1948-1949 (aux Etats-Unis). La période comprise entre le début d’une crise et le début d’une autre s’appelle Cycle. Le cycle comporte quatre phases : la crise, la dépression, la reprise d’activités et l’essor. La dépression est la phase qui suit immédiatement la crise. Elle se caractérise par le fait que la production industrielle est à l’état de stagnation, les prix des marchandises sont bas, le commerce est languissant, il y a pléthore de capitaux disponibles. En période de dépression se créent les conditions d’une reprise d’activité. Les réserves accumulées de marchandises sont partiellement détruites, partiellement vendues à vil prix. Les capitalistes baissent les salaires des ouvriers et intensifient le travail, ils introduisent des perfectionnements dans les entreprises pour pouvoir continuer de tirer les profits malgré les prix bas. La reprise d’activité est la phase du cycle pendant laquelle les entreprises se remettent des perturbations subies et procèdent à l’élargissement de la production. Les prix augmentent. L’essor est la phase du cycle pendant laquelle la production dépasse le point supérieur atteint dans le cycle précède une nouvelle crise. Les commerçants achètent beaucoup de marchandises escomptant une hausse ultérieure des prix, poussant les industriels à élargir la production. Les banques consentent volontiers des crédits aux industriels et commerçants. Tout ceci permet d’élargir le volume de production au-delà de la demande solvable, ce qui crée les conditions d’une nouvelle crise de surproduction.
Les crises agraires
Les crises de surproduction agricole s’appellent crises agraires. Elles sont généralement de plus longue durée que les crises industrielles. Le poids principal des crises agraires retombe sur les larges masses de la paysannerie. La crise agraire ruine la masse des petits producteurs, elle exerce une influence destructrice sur l’agriculture des pays capitalistes en provoquant la réduction des surfaces cultivées, la baisse du niveau de la technique agricole, du rendement des cultures agricoles et de l’élevage.
Les crises et l’aggravation des contradictions du capitalisme
Les crises économiques aboutissent infailliblement à une nouvelle aggravation des contradictions du capitalisme. Les crises revêtent la plupart de temps un caractère général, commençant dans une branche économique et s’étendant rapidement à l’ensemble de l’économie nationale. Elles commencent dans un pays et gagnent tout le monde capitaliste. Les crises ramènent le niveau de vie économique en arrière par la diminution du volume de production pour sortir de la crise.
A chaque crise qui voue des millions d’hommes à la misère et à la famine, des quantités énormes de marchandises qui ne trouvent pas de débouchés sont détruites : blé, pommes de terre, lait, bétail, coton. Des usines entières, des chantiers navals, des hauts fourneaux sont mis en sommeil ou détruits. Quand les ouvriers sont en chômage, les capitalistes en profitent pour baisser les salaires et le niveau de vie des travailleurs. Pendant le temps d’inaction, beaucoup d’ouvriers perdent leur qualification et ne peuvent plus retourner à l’usine. Les conditions de logements des travailleurs s’aggravent à l’extrême, le nombre des sans foyer en quête d’un gagne-pain se multiplie, les suicides dus au désespoir progressent rapidement, la mendicité et la criminalité augmentent. Durant la crise, la classe ouvrière perd beaucoup des avantages qu’elle a conquis dans une longue et âpre lutte contre les exploiteurs et l’Etat bourgeois. Cela montre aux ouvriers que le seul moyen de remédier à la misère et à la faim est de supprimer l’esclavage salarié capitaliste. Les plus larges masses du prolétariat que les crises vouent aux pires privations acquièrent une conscience de classe et un esprit révolutionnaire. Les couches petites-bourgeoises constatent l’incapacité de la bourgeoisie à diriger les forces productives de la société et par ce fait prennent conscience de l’immuabilité du régime capitaliste. Les crises sont inhérentes au mode de production capitaliste et ne sauraient être supprimées tant qu’existe le mode capitaliste. Toutes les solutions avancées par les économistes bourgeois pour supprimer les crises sont vouées à l’échec. Chaque nouvelle crise vient mettre en erreur tel ou tel économiste bourgeois qui croyait avoir trouvé le remède idéal aux crises du capitalisme.
Les tendances historiques du développement du capitalisme. Le prolétariat fossoyeur du capitalisme.
Le développement du capitalisme amène la ruine des petits-producteurs qui vont grossir les rangs de l’armée des ouvriers salariés. La concurrence et l’élimination des autres capitalistes rassemblent d’immenses richesses entre les mains d’un cercle de plus en plus étroit de personnes.
Tout en développant les forces productives et en socialisant la production, le capitalisme crée les conditions matérielles du socialisme, en même temps, il engendre son fossoyeur en la personne de la classe ouvrière qui assure le rôle de dirigeant et de guide de toutes les masses laborieuses et exploitées. L’expression théorique des intérêts vitaux de la classe ouvrière est le marxisme, le socialisme scientifique qui présente une conception du monde cohérente et harmonieuse. Ils se confondent avec les intérêts de l’immense majorité de la société, ils signifient la destruction de toute exploitation. Si à l’aube du capitalisme les capitalistes ont exproprié les masses populaires, le développement du capitalisme rend inévitable l’expropriation du petit nombre d’usurpateurs par les masses populaires. Cette tâche est accomplie par la révolution socialiste qui supprime le capitalisme avec ses crises, son chômage et la misère des masses.
B. Le capitalisme monopoliste ou impérialisme
CHAPITRE : XVIII : L’IMPERIALISME, STADE SUPREME DU CAPITALISME. LA LOI FONDAMENTALE DU CAPITALISME MONOPOLISTE
Le passage à l’impérialiste
Les grandes transformations techniques du dernier tiers du XIXe siècle a accéléré le développement de l’industrie et des transports. L’Angleterre perd sa primauté industrielle au profit des Etats-Unis et de l’Allemagne. Des pays capitalistes neufs développent rapidement leurs industries. L’exploitation de la classe ouvrière se renforce, renforçant aussi la lutte de cette classe. Les plus grandes puissances capitalistes s’emparent par la violence et la duperie, de vastes possessions coloniales. Ils transforment la majorité de la population de la terre en esclaves coloniaux. Ces derniers haïssent leurs oppresseurs et se dressent pour lutter contre eux. Les capitalistes engagent des guerres impérialistes dévastatrices qui emportent des multitudes de vies humaines et détruisent d’immenses richesses matérielles.
La concentration de la production et les monopoles : les monopoles et la concurrence
L’action de la loi de la centralisation du capital qui régnait au stade pré monopoliste du capitalisme a entrainé la victoire de grandes et très grandes entreprises à coté desquelles les petites et moyennes jouent un rôle de plus en plus subalterne. La concentration de la production a préparé le passage de la libre concurrence à la domination des monopoles qui anéantissent la liberté de la concurrence. En 1939 aux Etats-Unis, les plus grandes entreprises formant 5.2% de la totalité des entreprises, concentraient 55% de tous les ouvriers occupés et 67.5% de la production globale de l’industrie. A un certain degré de son développement, la concentration de la production conduit tout droit au monopole. Il est plus facile à quelques dizaines d’entreprises géantes de parvenir à un accord entre elles qu’à des centaines et des milliers de petites entreprises. Aussi dans la lutte pour la concurrence entre les entreprises géantes, celles qui l’emportent sont celles qui disposent de masses énormes de profits et c’est le monopole qui assure le profit élevé. Le monopole est l’essence économique de l’impérialisme.
Le monopole est une entente ou une union de capitalistes qui concentrent entre leurs mains la production et l’écoulement d’une partie considérable de la production d’une ou de plusieurs branches d’industries en vue de fixer les prix élevés sur les marchandises et de s’attribuer un profit élevé de monopole. Les monopoles occupent les postes de commande de l’économie des pays capitalistes. Ils englobent l’industrie lourde ainsi que de nombreuses branches de l’industrie légère, les transports par fer et par eau, les assurances, le commerce extérieur et intérieur, les banques. Ils exercent leur domination sur l’agriculture. Quelques monopoles aux Etats-Unis sont : les US Steel Corporation, la Bethleem Steel Corporation, la Standard Oil, General Motors, Ford et Chrysler...
Mais les monopoles ne parviennent pas à évincer totalement les petits et moyens producteurs, paysans et artisans dans les pays capitalistes. Dans les monopoles, la lutte s’accentue pour les postes de direction, le contrôle de l’affaire, la répartition des profits. La domination des monopoles confère à la concurrence un caractère particulièrement destructeur et rapace. Pour étouffer leurs adversaires, les monopoles mettent sur pied des procédés de violence directe, de corruption et de chantage, de machination financière et utilisent largement l’appareil d’Etat.
La concentration et les monopoles dans les banques. Le nouveau rôle des banques.
Dans le système bancaire aussi, la concentration conduit au monopole. Les plus grandes banques mettent la main sur les petites, passent entre elles des accords pour le partage des zones d’influence, créent des unions monopolistes de banques. Chacune de ces unions contrôle des dizaines et parfois des centaines de banques moins importantes qui deviennent, de fait, leurs filiales. Les monopoles amènent une modification radicale des rapports entre les banques et l’industrie. L’accroissement de la masse de dépôts dont disposent les banques ouvre de larges possibilités pour le placement à long terme des fonds bancaires dans l’industrie. La vente et l’achat des actions se fait de plus en plus par l’intermédiaire de la banque. Les banques achètent aussi des actions dans les entreprises.
Les intérêts des banques et des entreprises industrielles s’entremêlent de plus en plus étroitement. Lorsqu’une banque consent des avances à plusieurs grandes entreprises d’une branche d’industries donnée, elle a intérêt à une entente monopoliste entre elles et elle y contribue. C’est ainsi que les banques renforcent et accélèrent le processus de concentration du capital et la formation des monopoles.
Le capital financier et l’oligarchie financière
Lorsque les banques deviennent copropriétaires d’entreprises industrielles, commerciales et de transport, en achetant leurs actions et obligations et que les monopoles industriels possèdent de leur côté des actions dans les banques qui sont liées aux entreprises en question, cette interprétation des capitaux bancaires monopolistes et de capitaux industriels monopolistes donne naissance à une nouvelle forme de capital, le capital financier. Le capital financier est le capital fusionné des monopoles bancaires et industriels. L’époque de l’impérialisme est celle du capital financier.
Dans les pays capitalistes, des groupes peu nombreux de grands banquiers et industriels monopolistes détiennent toutes les branches vitales de l’économie disposant à leur gré de l’immense masse des richesses sociales. L’activité des monopoles devient inéluctablement la domination d’une oligarchie financière (domination d’un petit nombre). L’oligarchie financière jouit d’un monopole de fait, réalise des profits exorbitants provenant de la fondation des sociétés par action. Elle contrôle aussi l’Etat.
L’exportation des capitaux
L’exportation des capitaux à l’étranger se fait en vue d’obtenir le profit maximum. Elle se fait de deux manières : soit par le consentement d’emprunts aux gouvernements, villes et banques d’autres pays, soit par la création à l’étranger d’entreprises industrielles, commerciales ou bancaires, concessions, construction de voies ferrées et aussi le rachat à vil prix d’entreprises existantes dans les pays affaiblis (par exemple suite à la guerre). Dans sa course au profit maximum, le capital excédentaire se déverse à l’étranger, vers les pays retardataires où les capitaux sont peu nombreux, les salaires bas, les matières premières bon marché, le prix de la terre peu élevé. Ce sont des pays où le capital peut toucher des profits énormes. Les monopoles qui exportent des capitaux ont l’habitude d’imposer au pays débiteur leurs marchandises à des conditions avantageuses pour eux. Les monopoles étrangers s’emparent des débouchés et des sources de matières premières dans les pays débiteurs. Outre les pays retardataires ; le capital est exporté dans les pays industriels développés pendant les périodes de développement rapide de ces pays exigeant un afflux de capitaux venant de dehors ou bien dans une période d’affaiblissement dû à la guerre (l’Allemagne après la première guerre mondiale).
L’exportation de capitaux n’est pas une aide comme l’affirment les économistes bourgeois. Elle conduit à l’asservissement et au pillage systématique de ces pays par les monopoles étrangers.
Le partage économique du monde entre les unions de capitalistes. Les monopoles internationaux
A mesure que se développe l’exportation des capitaux et que s’étendent les liens et les « zones d’influences » des plus grands monopoles, des conditions favorables se créent pour le partage du marché mondial entre eux. Il se constitue des monopoles internationaux, qui sont des ententes entre les plus gros monopoles de différents pays pour le partage des marchés, la politique des prix, le volume de la production.
Le partage économique du monde par les monopoles internationaux se fait en fonction de la puissance des parties engagées, or la puissance des différents groupes monopolistes varie. Les changements dans le rapport des forces entrainent inévitablement l’accentuation de la lutte pour un nouveau partage des marchés.
L’achèvement du partage territorial du globe entre les grandes puissances et la lutte pour un nouveau partage.
Parallèlement au partage économique du monde entre les groupements de capitalistes et en liaison avec ce partage, on assiste au partage territorial du globe entre les Etats bourgeois, à la lutte pour la mainmise sur les terres d'autrui et pour les colonies et les semi-colonies. Les colonies sont des pays dépourvus d'indépendance nationale ; elles sont les possessions d'Etats métropoles impérialistes. On appelle semi-colonies des pays sous-développés, en butte à l'exploitation coloniale de puissances impérialistes, sous la dépendance économique et politique desquelles ils se trouvent, tout en conservant une indépendance formelle. A côté des colonies et des semi-colonies, il existe à l'époque de l'impérialisme divers types de pays dépendants, dont le degré de dépendance est différent et est sujet à toutes sortes de variations. Les défenseurs de la bourgeoisie présentent la domination impérialiste sur les colonies comme une « mission civilisatrice », ayant soi-disant pour objet d'amener les peuples retardataires sur la voie du progrès et d'un développement autonome. En réalité, l'impérialisme voue les pays coloniaux et dépendants au retard économique, et les centaines de millions d'habitants de ces pays à une oppression et à une servitude sans nom, à la privation de droits et à la misère, à la famine et à l'ignorance. La mainmise des impérialistes sur les colonies entraîne un accroissement sans précédent de l'oppression nationale et de la discrimination raciale. Vers le début de la première guerre mondiale, plus de la moitié du genre humain était sous la domination des puissances coloniales. L'histoire de la politique coloniale présente une chaîne ininterrompue de guerres de conquête et d'expéditions punitives contre les peuples asservis, ainsi que de conflits sanglants entre les pays possesseurs de colonies. Au début du XXe siècle, le partage du globe était achevé. Il ne restait plus de terres « vacantes ». L'achèvement du partage du monde a mis à l’ordre du jour la lutte pour un nouveau partage.
La loi économique fondamentale du capitalisme monopoliste.
Les principaux traits et exigences de la loi économique fondamentale du capitalisme monopoliste consistent en ceci : assurer le profit capitaliste maximum par l'exploitation, la ruine et l'appauvrissement de la majorité de la population d'un pays donné, par l'asservissement et le pillage systématique des peuples des autres pays, surtout des pays arriérés, et enfin par les guerres et la militarisation de l'économie
Un instrument important du gonflement des prix de monopole est la politique douanière des Etats bourgeois. A l'époque de la libre concurrence, c'étaient surtout les pays faibles, dont l'industrie avait besoin de se préserver de la concurrence étrangère, qui recouraient aux droits de douane élevés. A l'époque de l'impérialisme, au contraire, les droits élevés sont pour les monopoles un moyen d'attaque, de lutte pour s'emparer de nouveaux débouchés. Les droits de douane élevés permettent de maintenir les prix de monopole à l'intérieur du pays. Afin de conquérir de nouveaux marchés extérieurs, les monopoles pratiquent largement le dumping, c'est-à-dire la vente des marchandises à l'étranger à vil prix, sensiblement au-dessous des prix du marché intérieur, souvent même au-dessous des frais de production. L'extension de la vente à l'étranger, grâce au dumping, permet de maintenir les prix élevés à l'intérieur du pays sans réduire la production, et les pertes causées par l'exportation de dumping sont couvertes en augmentant les prix sur le marché intérieur.
Après avoir conquis un marché extérieur donné, les monopoles y procèdent à la vente des marchandises à des prix de monopole. Tout en écoulant leurs marchandises à des prix gonflés, ils accaparent les produits des paysans à des prix réduits (bas prix d'achat de monopole). C’est ce qu’on appelle le « Ciseau des prix ». Un des leviers les plus puissants, destiné à ruiner les exploitations paysannes, est le crédit hypothécaire. Les monopoles accablent les paysans de dettes pour, ensuite, s'approprier à vil prix leur terre et leurs biens. Par les hypothèques, les escroqueries des forbans de la finance, par les hauts impôts et les taxes, par le prix élevé des baux, et surtout par la concurrence des grandes exploitations foncières capitalistes, la bourgeoisie ruine les moyens et les petits paysans.
Une autre source du profit maximum pour les monopoles est l'asservissement et le pillage des pays économiquement retardataires et dépendants par la bourgeoisie des Etats impérialistes. Les monopoles tirent des revenus considérables tout d'abord de leurs investissements de capitaux dans les pays coloniaux et dépendants. Ces revenus sont le résultat de l'exploitation la plus féroce et la plus inhumaine des masses laborieuses du monde colonial. Ils vendent dans les pays coloniaux et dépendants leurs marchandises à des prix qui dépassent grandement leur valeur, et par achat des marchandises produites dans ces pays à des prix excessivement bas, qui ne couvrent pas leur valeur.
Les guerres et la militarisation de l'économie apportent aux monopolistes de riches commandes militaires, payées par le Trésor à des prix exorbitants, une abondance de prêts et de subventions prélevés sur le budget de l'Etat. En temps de guerre toutes les lois sur le travail sont abolies, les ouvriers sont déclarés mobilisés, les grèves sont interdites. Tout cela permet aux capitalistes d'élever le degré d'exploitation en intensifiant systématiquement le travail. En même temps, le niveau de vie des masses laborieuses décroît par suite de l'accroissement des impôts et de la vie chère.
CHAPITRE XIX - LE SYSTÈME COLONIAL DE L'IMPÉRIALISME
Le rôle des colonies dans la période de l'impérialisme.
Les profits élevés extorqués aux colonies permettent à la bourgeoisie de corrompre certaines couches d'ouvriers qualifiés à l'aide desquels la bourgeoisie cherche à désorganiser le mouvement ouvrier. En même temps, l'exploitation des colonies conduit à l'accentuation des contradictions du système capitaliste dans son ensemble.
En pénétrant dans les pays retardataires, le capital financier désagrège les formes d'économie précapitalistes - petit artisanat, économie semi-naturelle des petits paysans - et provoque le développement des rapports capitalistes. Afin d'exploiter ces pays, les impérialistes y construisent des voies ferrées, des entreprises industrielles pour la production des matières premières. Mais en même temps l'exploitation impérialiste dans les colonies retarde le progrès des forces productives et prive ces pays des conditions nécessaires à leur développement économique indépendant. Les impérialistes sont intéressés au retard économique des colonies, qui leur permet de maintenir leur pouvoir sur les pays dépendants et d'intensifier leur exploitation.
Les monopoles ne tolèrent dans les colonies que les branches de production qui assurent aux métropoles des fournitures en matières premières et en denrées alimentaires : l'extraction des minéraux utiles, la culture des plantes agricoles marchandes et leur premier traitement. De ce fait, l'économie des colonies et semi-colonies prend un caractère unilatéral très prononcé. L'impérialisme transforme les pays asservis en réserves de produits agricoles et de matières premières pour les métropoles. L'économie de nombreux pays coloniaux et dépendants est spécialisée dans la production d'un ou deux produits consacrés entièrement à l'exportation. Ainsi, après la deuxième guerre mondiale, le coton représentait près de 80% des exportations de l’Egypte ; le café et le coton, 60% des exportations du Kenya et de l’Ouganda ; le cuivre, environ 85% des exportations de la Zambie ; le cacao, près de 50% des exportations du Ghana.
Plus le capitalisme est développé, et plus la concurrence et la chasse aux sources de matières premières est âpre dans le monde entier, plus la lutte est acharnée pour la conquête des colonies. Dans le cadre du capitalisme monopoliste, alors que l'industrie consomme des masses énormes de charbon, de pétrole, de coton, de minerai de fer, de métaux non ferreux, de caoutchouc, etc., aucun monopole ne peut s'estimer pourvu s'il ne possède pas des sources sûres de matières premières. Des colonies et des pays dépendants, les monopoles tirent à vil prix les quantités énormes de matières premières dont ils ont besoin. La possession monopoliste des sources de matières premières donne des avantages décisifs dans la concurrence. La mainmise sur les sources de matières premières à bon marché permet aux monopoles industriels d'imposer des prix de monopole sur le marché mondial, de vendre leurs articles à des prix exorbitants. Depuis des dizaines d'années, les puissances impérialistes - et surtout les Etats-Unis et l'Angleterre - luttent pour la possession exclusive des riches sources de pétrole.
Les colonies sont une source de main-d'œuvre à très bon marché. L'exploitation monstrueuse des masses ouvrières rapporte des revenus particulièrement élevés pour les capitaux placés dans les colonies et les pays dépendants. En outre, les métropoles importent de ces pays des centaines de milliers d'ouvriers qui exécutent des travaux particulièrement pénibles pour un salaire de famine.
Alors que le monde est déjà partagé et que se poursuivent les préparatifs d'une lutte armée pour un nouveau partage, les puissances impérialistes mettent la main sur tous les territoires ayant ou pouvant avoir une valeur quelconque comme point d'appui, base militaire navale ou aérienne.
Les colonies sont des pourvoyeurs de « chair à canon » pour les métropoles. Dans la première guerre mondiale, du côté français ont combattu un million et demi de soldats noirs des colonies africaines. Pendant la guerre, les métropoles font supporter aux colonies une part importante de leurs charges financières.
Les méthodes d'exploitation coloniale des masses laborieuses.
Avec le développement des rapports capitalistes, la rente en nature est remplacée par la rente en argent, les impôts en nature par des impôts en espèces, ce qui a pour effet de hâter la ruine des masses paysannes. La classe des capitalistes des colonies se divise en bourgeoisie de compradores et bourgeoisie nationale. Les compradores sont les intermédiaires indigènes entre les monopoles étrangers et le marché colonial de produits importés et de matières premières exportées. Les propriétaires féodaux et la bourgeoisie des compradores sont les vassaux du capital financier étranger ; ils constituent une agence vénale pure et simple de l'impérialisme international, qui asservit les colonies et les semi-colonies.
Avec le développement d'une industrie propre dans les colonies grandit une bourgeoisie nationale qui se trouve placée dans une situation ambiguë : d'une part, l'oppression de l'impérialisme étranger et des survivances féodales lui barre le chemin vers la domination économique et politique ; d'autre part, elle participe avec les monopoles étrangers à l'exploitation de la classe ouvrière et de la paysannerie. Etant donné que la lutte de libération nationale tend à renverser la domination de l'impérialisme, à conquérir l'indépendance nationale du pays et à liquider les survivances féodales qui entravent le développement du capitalisme, la bourgeoisie nationale participe, à une certaine étape, à cette lutte et joue un rôle progressiste.
La classe ouvrière grandit dans les colonies et les pays dépendants au fur et à mesure du développement de l'industrie et de l'extension des rapports capitalistes. Son avant-garde est constituée par le prolétariat industriel. La paysannerie forme la masse essentielle, au point de vue numérique, de la population des colonies et semi-colonies. Dans la plupart de ces pays, la population des campagnes est composée, dans son immense majorité, de paysans sans terre ou n'en possédant que peu. La nombreuse petite bourgeoisie des villes est formée de petits commerçants et d'artisans.
Dans une série de colonies, l'impérialisme a créé des plantations, grosses entreprises agricoles produisant diverses variétés de matières premières végétales (coton, caoutchouc, jute, café, etc.) Elles appartiennent principalement aux colonisateurs, ne disposent que de faibles moyens techniques et reposent sur le travail semi-servile d'une population privée de tous droits.
Les grands propriétaires fonciers mettent en location la terre par petites parcelles, à des conditions asservissantes. La sous-location parasitaire à plusieurs degrés est pratiquée en grand : entre le propriétaire terrien et le paysan travaillant la terre s'interposent plusieurs intermédiaires qui enlèvent au cultivateur une grande partie de sa récolte. Le métayage est prédominant. D'ordinaire le paysan se trouve entièrement sous le pouvoir du propriétaire foncier, dont il reste pour toujours débiteur. Dans certains pays subsistent pratiquement la corvée et les prestations en travail : les paysans sans terre sont tenus, à titre de loyer ou pour acquitter leurs dettes, de travailler plusieurs jours par semaine au profit du propriétaire. L'extrême misère force le paysan à s'endetter, à se laisser asservir et parfois à devenir l'esclave de l’usurier ; il arrive que le paysan vende les membres de sa famille comme esclaves. Une grande partie du maigre produit du travail exténuant du paysan et de sa famille est accaparée par les exploiteurs : le propriétaire foncier, l'usurier, le revendeur, la bourgeoisie rurale, le capital étranger, etc. Ceux-ci prennent non seulement le produit du surtravail mais aussi une part importante du travail nécessaire du cultivateur. Le revenu restant au paysan est dans bien des cas insuffisant, même pour subvenir à une existence misérable.
Ecrasée par le propriétaire et l'usurier, l'exploitation paysanne ne peut employer que l'outillage le plus primitif, qui demeure sans changement notable pendant des centaines et parfois des milliers d'années. La technique primitive du travail de la terre aboutit à un épuisement extrême du sol. Aussi beaucoup de colonies, tout en restant des pays agricoles, sont incapables de faire vivre leur population et obligées d'importer des produits alimentaires. L'agriculture des pays asservis par l'impérialisme est vouée à la décadence et à la dégradation. Dans ces pays, malgré l'immense surpopulation agraire et la pénurie de terre, une partie seulement des terres cultivables est utilisée de façon productive.
La journée de travail dans les colonies atteint 14 à 16 heures et même davantage. Dans les entreprises industrielles et dans les transports généralement, la protection du travail fait complètement défaut. La grande usure de l'outillage, le refus des entrepreneurs de faire les dépenses nécessitées par les réparations et la sécurité du travail provoquent de fréquents accidents qui causent la mort ou la mutilation de centaines de milliers d'hommes. L'absence de toute législation sociale prive l'ouvrier de tout moyen d'existence en période de chômage, en cas de mutilation ou de maladie professionnelle.
La plupart des ouvriers sont criblés de dettes. Très souvent, ils sont logés dans des baraquements spéciaux ou dans des camps, comme des prisonniers privés du droit de se déplacer librement. Le travail forcé est appliqué sur une vaste échelle tant dans l'agriculture que dans l'industrie. Le niveau de vie de la majeure partie de la population est très bas. La mortalité y est très élevée : la famine et les épidémies dépeuplent des régions entières. Dans les colonies africaines, l'esclavage existe officiellement ; les autorités organisent des battues contre les Noirs, la police encercle des villages et envoie les hommes ainsi capturés construire des routes, travailler dans les plantations de coton, etc. On pratique également la vente des enfants en esclavage. Dans les pays coloniaux, sévit la discrimination raciale en matière de salaires. En Afrique occidentale française, les ouvriers qualifiés de la population autochtone touchent de quatre à six fois moins que les ouvriers européens de la même spécialité. Dans les mines du Congo belge, les ouvriers africains touchent cinq à dix fois moins que les ouvriers européens. Dans la République Sud-Africaine, 65 % des enfants de la population autochtone meurent avant d'avoir atteint l'âge de deux ans.
La lutte des peuples coloniaux pour la libération nationale.
Le seul moyen qu'ont ces peuples de se libérer du joug de l'exploitation est la lutte révolutionnaire contre l'impérialisme. Durant toute l'époque capitaliste, les peuples des pays coloniaux ont lutté contre les oppresseurs étrangers, déclenché souvent des insurrections férocement réprimées par les colonisateurs. Dans la période de l'impérialisme, la lutte des peuples des pays coloniaux et dépendants pour leur libération prend une ampleur sans précédent. Dès le début du XXe siècle, notamment après la première révolution russe de 1905, les masses laborieuses des pays coloniaux et dépendants s'éveillent à la vie politique. Des mouvements révolutionnaires éclatent en Chine, en Corée, en Perse, en Turquie, dans l'Inde.
Il faut distinguer au moins trois catégories de pays coloniaux et dépendants : 1° les pays qui ne sont absolument pas développés au point de vue industriel et qui n'ont pas ou presque pas de prolétariat ; 2° les pays sous-développés au point de vue industriel et dont le prolétariat est relativement peu nombreux, et 3° les pays plus ou moins développés au point de vue capitaliste et dont le prolétariat est plus ou moins nombreux. Cela détermine les particularités du mouvement de libération nationale dans les pays coloniaux et dépendants.
Etant donné que la paysannerie prédomine dans la population des pays coloniaux et dépendants, la question coloniale et nationale est, quant au fond, une question paysanne. Le but général du mouvement de libération nationale dans les colonies et les pays dépendants est la libération du joug de l'impérialisme et la suppression de toutes les survivances féodales.
CHAPITRE XX - LA PLACE HISTORIQUE DE L'IMPÉRIALISME
L'impérialisme, dernier stade du capitalisme.
Le capitalisme monopoliste n'élimine pas et ne peut pas éliminer les fondements de l'ancien capitalisme. Il apparaît dans un certain sens comme une superstructure de l'ancien capitalisme pré monopoliste. De même qu'il n'y a pas et qu'il ne peut y avoir de « capitalisme pur », de même l'existence d'un « impérialisme pur » est inconcevable. Même dans les pays les plus développés, il existe, à côté des monopoles, une multitude de petites et moyennes entreprises, notamment dans l'industrie légère, dans l'agriculture, dans le commerce et d'autres branches de l'économie. Dans presque tous les pays capitalistes, une partie importante de la population est constituée par la paysannerie qui, dans sa grande masse, se livre à la production marchande simple. Dans les pays coloniaux et semi-coloniaux l'oppression impérialiste s'enchevêtre avec des formes d'exploitation précapitalistes, en particulier avec des formes féodales.
Comme l'impérialisme est le prolongement et le développement du capitalisme, à son stade monopoliste les lois économiques du capitalisme en général restent en vigueur. Mais avec la modification des conditions économiques, avec l'aggravation extrême de toutes les contradictions du capitalisme, ces lois reçoivent un nouveau développement et agissent avec une force de destruction accrue. Il en est ainsi des lois de la valeur et de la plus-value, de la loi de la concurrence et de l'anarchie de la production, de la loi générale de l'accumulation capitaliste qui conditionne la paupérisation relative et absolue de la classe ouvrière et voue les masses de la paysannerie laborieuse à l'appauvrissement et à la ruine ; il en est de même des contradictions de la reproduction capitaliste, des crises économiques.
La loi économique de correspondance nécessaire entre les rapports de production et le caractère des forces productives exige que des rapports nouveaux, socialistes, soient substitués aux rapports de production capitalistes. Cette loi rencontre l'opposition la plus énergique des classes dominantes et, tout d'abord, de la bourgeoisie monopoliste et des gros propriétaires terriens, qui entendent empêcher la classe ouvrière de s'allier avec la paysannerie et de renverser le régime bourgeois.
L'impérialisme, capitalisme parasite ou pourrissant.
L'impérialisme est le capitalisme parasite ou pourrissant. La tendance à la stagnation et au pourrissement est le résultat inévitable de la domination des monopoles qui veulent obtenir le profit maximum. Les monopoles, qui peuvent imposer les prix sur le marché et les maintenir artificiellement à un niveau élevé, n'ont pas toujours intérêt aux innovations techniques et entravent souvent le progrès technique. Les intérêts des monopoles capitalistes empêchent l'utilisation de l'énergie atomique à des fins pacifiques. Partout, à chaque pas, écrivait Lénine dès 1913, on se heurte aux problèmes que l'humanité serait à même de résoudre immédiatement. Le capitalisme l'en empêche. Il a accumulé des masses de richesses, et il a fait des hommes les esclaves de cette richesse.
Le pourrissement du capitalisme se traduit ensuite dans le fait que la bourgeoisie impérialiste, avec les profits que lui rapporte l'exploitation des colonies et des pays dépendants, corrompt systématiquement une faible partie de la couche supérieure des ouvriers qualifiés, ce qu'on appelle l'aristocratie ouvrière. Avec l'appui de la bourgeoisie, l'aristocratie ouvrière s'empare des postes de commande dans une série de syndicats ; elle forme avec des éléments petits-bourgeois, le noyau actif des partis socialistes de droite et constitue un danger grave pour le mouvement ouvrier. Cette couche d'ouvriers embourgeoisés est le fondement social de l'opportunisme. Cet opportunisme tend à subordonner le mouvement ouvrier aux intérêts de la bourgeoisie, en sapant la lutte révolutionnaire du prolétariat pour s'affranchir de l'esclavage capitaliste. Les opportunistes corrompent la conscience des ouvriers en prêchant la voie réformiste d’« amélioration » du capitalisme; ils demandent aux ouvriers de soutenir les gouvernements bourgeois dans leur politique impérialiste intérieure et extérieure. Les opportunistes jouent au fond le rôle d'agents de la bourgeoisie au sein du mouvement ouvrier. En divisant la classe ouvrière, ils empêchent les ouvriers de conjuguer leurs forces pour abattre le capitalisme. C'est là une des raisons pour lesquelles, dans nombre de pays, la bourgeoisie se maintient encore au pouvoir.
Les dirigeants des monopoles ou leurs hommes de confiance occupent les postes les plus élevés dans les gouvernements et dans l'ensemble de l'appareil d'Etat. Sous le régime de l'impérialisme, les gouvernements ne sont pas mis en place par le peuple, mais par les magnats du capital financier. Les cliques monopolistes réactionnaires, pour asseoir leur pouvoir, s'appliquent à réduire à néant les droits démocratiques conquis de haute lutte par des générations de travailleurs. Cela impose la nécessité d'intensifier par tous les moyens la lutte des masses pour la démocratie, contre l'impérialisme et la réaction. C'est bien de l'activité, de l'organisation, de la résolution des masses populaires que dépend l'échec des visées barbares des forces d'agression de l'impérialisme, qui préparent sans cesse aux peuples de nouvelles et pénibles épreuves et des catastrophes militaires.
L'impérialisme, prélude de la révolution socialiste.
L'impérialisme est le capitalisme agonisant. Il aggrave toutes les contradictions du capitalisme, les porte à leur limite extrême, au-delà de laquelle commence la révolution. Les plus importantes sont les suivantes : Premièrement, la contradiction entre le travail et le capital. Le règne des monopoles et de l'oligarchie financière dans les pays capitalistes renforce le degré d'exploitation des classes laborieuses. L'aggravation de la condition matérielle et l'oppression politique accrue de la classe ouvrière accroissent son mécontentement et accentuent la lutte de classes entre prolétariat et bourgeoisie. Dès lors, les anciennes méthodes de lutte économique et politique de la classe ouvrière s'avèrent absolument insuffisantes. L'impérialisme conduit la classe ouvrière à la révolution socialiste.
Deuxièmement, la contradiction entre les puissances impérialistes. Dans la lutte pour le profit maximum, se heurtent les monopoles des différents pays, et chacun des groupes de capitalistes s'efforce de s'assurer la priorité en mettant la main sur les débouchés, les sources de matières premières, les investissements des capitaux. La lutte acharnée qui se livre entre les pays impérialistes pour les zones d'influence amène nécessairement des guerres impérialistes qui affaiblissent les positions du capitalisme, renforcent le mécontentement des masses et les poussent dans la voie de la lutte révolutionnaire contre le régime capitaliste.
Troisièmement, la contradiction entre les peuples opprimés des colonies et des pays dépendants et les puissances impérialistes qui les exploitent. Le renforcement de l'oppression impérialiste ainsi que le développement du capitalisme dans les colonies et les semi-colonies a pour effet d'intensifier le mouvement de libération nationale contre l'impérialisme. De réserves de l'impérialisme, les colonies et les pays dépendants deviennent des réserves de la révolution prolétarienne.
Telles sont les principales contradictions qui caractérisent l'impérialisme comme capitalisme agonisant. Cela ne veut point dire que le capitalisme puisse dépérir de lui-même, par une sorte de « faillite automatique », sans que les masses populaires guidées par la classe ouvrière luttent avec résolution pour liquider la domination de la bourgeoisie. Cela veut dire seulement que l'impérialisme est la phase du développement du capitalisme, durant laquelle la révolution prolétarienne est devenue une nécessité pratique et où les conditions favorables à l'assaut direct des citadelles du capitalisme sont parvenues à maturité.
Le capitalisme monopoliste d'Etat.
A l'époque de l'impérialisme, l'Etat bourgeois, qui représente la dictature d'une oligarchie financière, oriente toute son activité dans l'intérêt des monopoles. Au fur et à mesure que s'aggravent les contradictions de l'impérialisme, les monopoles renforcent leur mainmise directe sur l'appareil d'Etat. Les grands magnats du capital jouent de plus en plus souvent le rôle de dirigeants de l'appareil d'Etat. On assiste à la transformation du capitalisme monopoliste en capitalisme monopoliste d'Etat. Déjà la première guerre mondiale avait accéléré et accentué sensiblement ce processus.
Le capitalisme monopoliste d'Etat consiste à subordonner l'appareil d'Etat aux monopoles capitalistes et à l'utiliser pour intervenir dans l'économie du pays (notamment par sa militarisation), afin d'assurer le profit maximum aux monopoles et d'asseoir la toute-puissance du capital financier. La propriété d'Etat dans les pays impérialistes apparaît ou bien à la suite de la construction d'entreprises, de voies ferrées, d'arsenaux, etc., aux frais du budget de l'Etat, ou bien sous la forme de la nationalisation bourgeoise, c'est-à-dire du transfert de certaines entreprises privées aux mains de l'Etat, moyennant une forte compensation. En dépit des affirmations des économistes bourgeois, qui présentent l'étatisation des entreprises sous la domination politique de la bourgeoisie comme un « pas vers le socialisme », celle-ci n'a rien de commun avec le socialisme. La propriété d'Etat dans les pays bourgeois est une variété de propriété capitaliste, où le propriétaire n'est pas un capitaliste particulier, mais l'Etat bourgeois, (qui est subordonné à une poignée de grands monopoles). L'étatisation des entreprises est utilisée par les monopoles pour renforcer l'exploitation de la classe ouvrière et de tous les travailleurs et pour multiplier leurs profits.
Les monopoles utilisent le budget d'Etat afin de piller la population du pays en la crevant d'impôts et en recevant de l'Etat des commandes qui leur rapportent de gros profits. L'Etat bourgeois, sous le prétexte « d'encourager les initiatives économiques », verse aux gros entrepreneurs des sommes considérables sous forme de subventions. Dans le cas où les monopoles sont menacés de faillite, ils reçoivent de l'Etat les crédits nécessaires pour couvrir leurs pertes, et on leur fait remise des impôts qu'ils doivent à l'Etat.
Les défenseurs du capitalisme, en dissimulant la subordination de l'Etat bourgeois aux monopoles capitalistes, prétendent que l'Etat est devenu dans l'économie des pays capitalistes une force décisive, capable d'assurer la direction planifiée de l'économie nationale. En réalité, l'Etat bourgeois ne peut diriger de façon planifiée l'économie, car il n'en est pas maître : elle se trouve entre les mains des monopoles. L'effort de l'Etat pour « régler » l'économie, accompli dans l'intérêt du capital monopoliste, ne peut pas supprimer l'anarchie de l'économie capitaliste ni les crises économiques et il conduit en fait à une aggravation des contradictions du régime bourgeois.
La loi de l'inégalité du développement économique et politique des pays capitalistes à l'époque de l'impérialisme et la possibilité de la victoire du socialisme dans un seul pays.
Les pays engagés tardivement dans la voie de l'évolution capitaliste utilisent les résultats acquis du progrès technique : machines, méthodes de production, etc. De là le développement rapide, par bonds, de certains pays et un retard dans l'évolution d'autres pays. Ce développement par bonds s'accroît énormément aussi grâce à l'exportation des capitaux. La possibilité s'offre pour certains pays de gagner de vitesse les autres, de les évincer des marchés, de réaliser par la force des armes un nouveau partage du monde déjà partagé. En 1860, l'Angleterre occupait la première place dans la production industrielle du monde ; la France la suivait de près. L'Allemagne et les Etats-Unis n'en étaient qu'à leurs débuts dans l'arène mondiale. Une dizaine d'années s'écoula, et le pays ascendant du jeune capitalisme - les Etats-Unis d'Amérique - gagnait de vitesse la France, et prenait sa place. Dix ans après, les Etats-Unis rattrapaient l'Angleterre et occupaient la première place dans la production industrielle mondiale, tandis que l'Allemagne dépassait la France et occupait la troisième place derrière les Etats-Unis et l'Angleterre. Au début du XXe siècle, l'Allemagne refoulait l'Angleterre et prenait la deuxième place après les Etats-Unis. A la suite des changements survenus dans le rapport des forces des pays capitalistes, le monde capitaliste se scinde en deux camps impérialistes hostiles, et les guerres mondiales se déclenchent.
Le développement inégal des pays capitalistes détermine l'aggravation des contradictions dans le camp de l'impérialisme et l'inéluctabilité de conflits militaires qui conduisent à un affaiblissement réciproque des impérialistes. Le front mondial de l'impérialisme devient facilement vulnérable pour la révolution prolétarienne. C'est sur cette base que la chaîne du front impérialiste peut se rompre en son maillon le plus faible, au point où les conditions sont les plus favorables pour la victoire du prolétariat.
L'inégalité du développement économique à l'époque de l'impérialisme détermine aussi l'inégalité du développement politique, qui entraîne pour les différents pays une différence de maturité des conditions politiques de la victoire de la révolution prolétarienne. Le léninisme enseigne que, dans le cadre de l'impérialisme, la révolution socialiste triomphe d'abord, non pas nécessairement dans les pays où le capitalisme est le plus développé et où le prolétariat forme la majorité de la population, mais avant tout dans les pays qui constituent l'anneau le plus faible de la chaîne de l'impérialisme mondial. Les conditions objectives de la révolution socialiste sont parvenues à maturité dans l'ensemble du système capitaliste de l'économie mondiale. Dès lors, l'existence dans ce système de pays sous-développés au point de vue industriel, ne saurait être un obstacle à la révolution. Pour la victoire de la révolution socialiste dans un pays, il faut qu'il y ait un prolétariat révolutionnaire et une avant-garde prolétarienne, groupée au sein d'un parti politique. Il faut qu'il y ait dans ce pays un allié solide du prolétariat en la paysannerie, allié capable de le suivre dans la lutte décisive contre l'impérialisme. La révolution prolétarienne, qui a triomphé dans un seul pays, marque en même temps le début de la révolution socialiste mondiale.
CHAPITRE XXI - LA CRISE GÉNÉRALE DU CAPITALISME
L'essence de la crise générale du capitalisme.
La crise générale du capitalisme frappe l'ensemble du système capitaliste mondial et elle est caractérisée par des guerres et des révolutions, par la lutte entre le capitalisme agonisant et le socialisme ascendant. Elle embrase tous les aspects du capitalisme, aussi bien économiques que politiques. Elle a pour base, d'une part la décomposition de plus en plus poussée du système capitaliste mondial, duquel se détachent sans cesse de nouveaux pays, et d'autre part la puissance économique ascendante des pays qui se sont détachés du capitalisme. Les traits principaux de la crise générale du capitalisme sont : la division du monde en deux systèmes (capitaliste et socialiste), la crise du système colonial de l'impérialisme, l'aggravation du problème des marchés et, comme corollaire, la sous-production chronique des entreprises et le chômage massif chronique dans les pays capitalistes.
Les guerres mondiales diminuent les forces de l'impérialisme et facilitent la rupture du front de l'impérialisme et le détachement de pays les uns après les autres du système capitaliste. La crise générale du capitalisme, ouverte au cours de la première guerre mondiale, a pris de l'extension surtout après que l'Union soviétique se fut détachée du système capitaliste. Ce fut la première étape de la crise générale du capitalisme. Au cours de la deuxième guerre mondiale s'est ouverte la deuxième étape de la crise générale du capitalisme, qui s'est particulièrement développée après que les pays de démocratie populaire d'Europe et d'Asie se furent détachés du système capitaliste.
La première guerre mondiale et le début de la crise générale du capitalisme.
La première guerre mondiale eut pour cause l'aggravation des contradictions entre les puissances impérialistes dans la lutte pour un nouveau partage du monde et des sphères d'influence. A côté des anciennes puissances impérialistes, de nouveaux rapaces étaient apparus, arrivant en retard pour le partage du monde. L'impérialisme allemand entrait en scène. L'Allemagne s'était engagée après les autres pays dans la voie du développement capitaliste et arrivait au partage des marchés et des sphères d'influence quand le monde était déjà partagé entre les vieilles puissances impérialistes. Mais, dès le début du XXe siècle, l'Allemagne, ayant gagné de vitesse l'Angleterre, occupait au point de vue du développement industriel le deuxième rang dans le monde et le premier en Europe. Le changement survenu dans le rapport des forces économiques et militaires des principaux Etats capitalistes soulevait la question d'un nouveau partage du monde. Dans la lutte pour ce partage, l'Allemagne, alliée à l'Autriche-Hongrie, se heurta à l'Angleterre, à la France et à la Russie tsariste qui dépendait de ces deux derniers pays.
L'Allemagne voulait s'emparer d'une partie des colonies britanniques et françaises, évincer l'Angleterre du Proche-Orient et mettre fin à sa domination sur les mers, enlever à la Russie l'Ukraine, la Pologne, les Pays baltes, avoir la haute main sur toute l'Europe centrale et du Sud-Est. De son côté, l'Angleterre voulait en finir avec la concurrence allemande sur le marché mondial et asseoir définitivement sa domination dans le Proche-Orient et sur le continent africain. La France se proposait de reprendre l'Alsace et la Lorraine conquises par l'Allemagne en 1870-1871 et de mettre la main sur le bassin de la Sarre. La Russie tsariste, ainsi que les autres Etats bourgeois participant à la guerre, poursuivait également des visées annexionnistes.
La lutte des deux blocs impérialistes - anglo-français et allemand - pour un nouveau partage du monde affectait les intérêts de tous les pays impérialistes et amena, de ce fait, une guerre mondiale à laquelle allaient prendre part le Japon, les Etats-Unis et une série d'autres pays. La première guerre mondiale avait, de part et d'autre, un caractère impérialiste.
La guerre ébranla le monde capitaliste jusqu'en ses fondements. Par ses proportions, elle laissait loin derrière elle toutes les guerres précédentes de l'histoire de l'humanité. Ce fut une source d'enrichissement énorme pour les monopoles, pour les capitalistes des Etats-Unis en particulier. Les profits de tous les monopoles américains en 1917 dépassaient le niveau des profits de 1914 de trois à quatre fois. En cinq ans de guerre (de 1914 à 1918), les monopoles américains touchèrent plus de 35 milliards de dollars de bénéfices (impôts non déduits). Les bénéfices des plus gros monopoles furent décuplés.
La population des pays qui participaient activement à la guerre s'élevait à environ 800 millions d'individus. Près de 70 millions d'hommes furent appelés sous les drapeaux. La guerre devait engloutir autant de vies humaines qu'il en avait péri dans toutes les guerres d'Europe depuis mille ans. Le nombre des tués s'est élevé à 10 millions, celui des blessés et des mutilés a été supérieur à 20 millions. Des millions d'êtres humains sont morts de faim et d'épidémie. La guerre a causé un immense préjudice à l'économie nationale des pays belligérants. Les dépenses militaires proprement dites des belligérants se montèrent, pour toute la durée des hostilités (1914-1018) à 208 milliards de dollars (aux prix des années correspondantes).
Au cours du conflit, le rôle des monopoles s'était encore accru, de même que leur mainmise sur l'appareil d'Etat, qui fut utilisé par les plus grands monopoles pour s'assurer le profit maximum. L'économie de guerre était « réglementée » de façon à enrichir les gros monopoles. A cet effet, dans certains pays, la journée de travail fut allongée, les grèves interdites ; on fît régner dans les entreprises un régime de caserne et le travail forcé. Les commandes militaires aux frais du budget d'Etat constituaient la source principale de l'accroissement inouï des profits. Les dépenses de guerre, qui absorbaient une part énorme du revenu national, étaient couvertes tout d'abord par un accroissement des impôts des travailleurs. L'essentiel des sommes consacrées à la guerre revenait aux monopolistes sous forme de paiement des commandes militaires, de prêts et de subventions à fonds perdus.
La guerre aggrava à l'extrême la misère et les souffrances des masses ; elle rendit plus aigus les antagonismes de classes et intensifia la lutte révolutionnaire de la classe ouvrière et des paysans travailleurs dans les pays capitalistes.
La victoire de la Grande Révolution socialiste d'Octobre et la scission du monde en deux systèmes: capitaliste et socialiste.
La révolution prolétarienne a rompu le front de l'impérialisme tout d'abord en Russie, pays qui s'avéra l'anneau le plus faible de la chaîne impérialiste. La toute-puissance du capital s'y mêlait au despotisme tsariste, aux vestiges du servage et à l'oppression coloniale à l'égard des peuples non russes. La Russie tsariste était la réserve de l'impérialisme occidental, comme sphère d'investissement du capital étranger qui y détenait les branches maîtresses de l'industrie - combustible et métallurgie - et comme point d'appui de l'impérialisme occidental à l'Est. Les intérêts du tsarisme et ceux de l'impérialisme occidental se confondaient dans un même écheveau.
La haute concentration de l'industrie russe et l'existence d'un parti révolutionnaire tel que le Parti communiste avaient fait de la classe ouvrière russe la force politique la plus considérable du pays. Le prolétariat russe avait pour allié sérieux la paysannerie pauvre, qui formait l'immense majorité de la population paysanne. Dès lors, la révolution démocratique bourgeoise en Russie devait nécessairement aboutir à la révolution socialiste, revêtir un caractère international et ébranler l'impérialisme mondial jusqu'en ses fondements.
La portée internationale de la Grande Révolution socialiste d'Octobre réside en ce que, premièrement, elle a rompu le front de l'impérialisme, détrôné la bourgeoisie impérialiste dans un des plus grands pays capitalistes et, pour la première fois dans l'histoire, porté au pouvoir le prolétariat. Deuxièmement, non seulement elle a ébranlé l'impérialisme dans les métropoles, mais elle a porté des coups sur les arrières de l'impérialisme, dont elle a sapé la domination dans les colonies et les pays dépendants. Troisièmement, en affaiblissant la puissance de l'impérialisme dans les métropoles et en ébranlant sa domination dans les colonies, elle a par-là mis en question l'existence même de l'impérialisme mondial dans son ensemble.
La Grande Révolution socialiste d'Octobre a marqué un tournant radical dans l'histoire universelle de l'humanité. Elle a inauguré une époque nouvelle, l'époque des révolutions prolétariennes dans les pays de l'impérialisme, celle du mouvement de libération nationale dans les colonies. La Révolution d'Octobre a arraché au pouvoir du capital les travailleurs d'un sixième du globe. Le monde se divisa en deux systèmes, le système capitaliste et le système socialiste, ce qui est l'expression la plus éclatante de la crise générale du capitalisme. On vit apparaître alors une contradiction foncièrement nouvelle et d'une portée universelle : la contradiction entre le capitalisme agonisant et le socialisme ascendant.
Ce puissant mouvement révolutionnaire, la sympathie et le soutien que témoignèrent à la Russie soviétique les masses laborieuses du monde entier, devaient déterminer l'effondrement de toutes les tentatives de l'impérialisme mondial pour étouffer la première république socialiste du monde.
La crise économique mondiale qui commença en 1929 mit fin à la stabilisation capitaliste. Pendant ce temps, l'économie nationale de l'U.R.S.S. suivait sans dévier une ligne ascendante, sans crise ni catastrophe. L'Union soviétique fut alors le seul pays qui ne connut pas les crises et les autres contradictions du capitalisme. L'industrie se développait sans discontinuer à des rythmes sans précédent. En 1938, la production industrielle de l'U.R.S.S. était de 908,8 % par rapport à celle de 1913, cependant que la production industrielle des Etats-Unis n'était que de 120 % ; celle de l'Angleterre, de 113,3 % ; celle de la France, de 93,2 %. L'impérialisme international cherche à étrangler ou au moins à affaiblir l'Etat socialiste. Il s'efforce de résoudre ses difficultés et ses contradictions internes en déclenchant la guerre contre l'U.R.S.S. et les pays de démocratie populaire. Dans la lutte contre les menées de l'impérialisme, l'Union soviétique s'appuie sur sa force économique et militaire, sur le soutien du prolétariat international et sur les masses laborieuses du monde entier.
La crise du système colonial de l'impérialisme.
La crise du système colonial de l'impérialisme consiste dans l'aggravation brutale des contradictions entre les puissances impérialistes d'une part, les colonies et les pays dépendants, d'autre part ; La Grande Révolution socialiste d'Octobre a joué un rôle immense dans l'essor du mouvement de libération nationale des colonies et des pays dépendants. Elle a déclenché une série de puissants mouvements de libération nationale dans les pays coloniaux de l'Orient. La victoire de la Révolution socialiste d'Octobre en Russie a joué un rôle immense dans l'essor du mouvement de libération nationale du grand peuple chinois. Un puissant mouvement de libération nationale a également grandi dans l'Inde, l'Indonésie et d'autres pays.
La révolution coloniale est la fusion des deux courants du mouvement révolutionnaire, le mouvement contre les survivances féodales et le mouvement contre l'impérialisme. On ne saurait liquider les survivances féodales dans les colonies sans renversement révolutionnaire du joug impérialiste. La paysannerie, qui forme la masse de la population des colonies, est la force la plus importante des révolutions coloniales. La bourgeoisie nationale des colonies, dont les intérêts sont étranglés par le capital étranger, à un certain stade de la révolution, participe à la lutte contre l'impérialisme. Sous une bonne direction prolétarienne du mouvement, l'inconséquence et les hésitations de la bourgeoisie nationale dans la lutte contre l'impérialisme et les survivances du féodalisme peuvent être surmontées, et cette bourgeoisie, à certaines périodes de la révolution, est capable de jouer un rôle progressiste. Cependant au fur et à mesure que se développe la lutte de libération nationale des peuples coloniaux, s'intensifie l'activité des forces réactionnaires des propriétaires terriens féodaux et de la bourgeoisie compradore.
Un des traits caractéristiques de la crise générale du capitalisme est l'aggravation du problème des marchés et la sous-production chronique des entreprises, ainsi que le chômage chronique et généralisé qui en découle. L'aggravation du problème des marchés dans la période de la crise générale du capitalisme est due avant tout au fait que certains pays se sont détachés du système mondial de l'impérialisme. Le détachement de la Russie, avec son énorme marché et ses sources considérables de matières premières, devait forcément influer sur la situation économique du monde capitaliste. A l'époque de la crise générale du capitalisme s'accroît nécessairement la paupérisation des travailleurs, dont les capitalistes cherchent à maintenir le niveau de vie dans les limites du strict minimum, ce qui réduit le pouvoir d'achat des masses. L'aggravation du problème des marchés est aussi due au développement dans les colonies et les pays dépendants d'un capitalisme national qui commence à concurrencer avec succès sur les marchés les vieux pays capitalistes. Le développement de la lutte pour la libération nationale des peuples coloniaux complique de même la situation des Etats impérialistes sur les marchés extérieurs.
L'aggravation des crises de surproduction et les modifications dans le cycle capitaliste.
Le retard des débouchés sur l'accroissement du potentiel de production dans le monde capitaliste, la sous-production chronique des entreprises et le chômage chronique massif, ont pour effet d'approfondir les crises de surproduction, de modifier foncièrement le cycle capitaliste. Ces changements se ramènent à ceci : la durée du cycle diminue et les crises deviennent plus fréquentes ; leur action destructrice s’accroît ; l'issue de la crise étant rendue plus difficile, sa durée augmente, la phase de dépression devient plus longue, tandis que l'essor devient moins stable et moins durable. Avant la première guerre mondiale, les crises économiques éclataient généralement tous les dix ou douze ans et seulement parfois au bout de huit ans. Dans l'entre-deux guerres, de 1920 à 1938, c'est-à- dire en dix-huit ans, il y eut trois crises économiques : en 1920-1921, en 1929-1933, en 1937-1938. La crise économique de 1929-1933 s'était étendue à tous les pays du monde capitaliste sans exception. Dès lors, il devint impossible pour certains pays de manœuvrer aux dépens des autres. C'est le plus grand pays du capitalisme contemporain, les Etats-Unis d'Amérique, que la crise a frappé avec le plus de vigueur. Le pourcentage des chômeurs complets, d'après les données officielles en 1932, période où la production atteignait son niveau le plus bas, était aux Etats-Unis, de 32 % ; en Angleterre, de 22 %. En chiffres absolus, le nombre des chômeurs complets en 1932 était : aux Etats-Unis, d'après les chiffres officiels, de 13,2 millions d’individus. En 1933, on comptait dans l'ensemble du monde capitaliste, 30 millions de chômeurs complets. Le nombre des chômeurs partiels était colossal. N'étant plus en mesure de régner par les vieilles méthodes du parlementarisme et de la démocratie bourgeoise, la bourgeoisie de certains pays - Italie, Allemagne, Japon et quelques autres - a instauré des régimes fascistes. Le fascisme est la dictature terroriste ouverte des groupes les plus réactionnaires et les plus agressifs du capital financier. Il se propose de détruire à l'intérieur du pays les organisations de la classe ouvrière et d'écraser toutes les forces progressistes ; à l'extérieur, de préparer et de développer la guerre de conquête pour la domination mondiale. C'est par la terreur et la démagogie sociale que le fascisme cherche à réaliser ces objectifs. Ainsi, la crise économique mondiale de 1929-1933 et celle de 1937-1938 ont amené une sensible aggravation des contradictions à l'intérieur des pays capitalistes, aussi bien qu'entre eux. La solution de ces contradictions, les Etats impérialistes l'ont cherchée en préparant la guerre pour un nouveau partage du monde.
CHAPITRE XXII - L'AGGRAVATION DE LA CRISE GÉNÉRALE DU CAPITALISME APRÈS LA DEUXIÈME GUERRE MONDIALE
La deuxième guerre mondiale et la deuxième phase de la crise générale du capitalisme.
La répartition des sphères d'influence entre les pays impérialistes, qui s'est effectuée à la suite de la première guerre mondiale, s'est révélée encore plus précaire que celle qui existait avant cette guerre. Le rôle de l'Angleterre et de la France dans la production industrielle du monde a sensiblement diminué, leurs positions sur le marché capitaliste mondial ont empiré. Les monopoles américains, qui s'étaient fortement enrichis pendant la guerre, ont augmenté leur potentiel de production et tiennent la première place dans le monde capitaliste pour l'exportation des capitaux. L'Allemagne, défaite au cours de la première guerre mondiale, n'a pas tardé à rétablir son industrie lourde grâce aux emprunts américains et aussi anglais, et elle s'est mise à réclamer un nouveau partage des sphères d'influence. Le Japon s'est engagé dans la voie de l'agression contre la Chine. L'Italie entama la lutte pour la conquête d'une série de possessions coloniales d'autres pays. Ainsi, l'action de la loi de l'inégalité du développement des pays capitalistes dans la période qui suivit la première guerre mondiale, aboutit à un nouvel et brutal déséquilibre à l'intérieur du système mondial du capitalisme. Le monde capitaliste s'est divisé en deux camps hostiles, division qui a conduit à la deuxième guerre mondiale.
Préparée par les forces de la réaction impérialiste internationale, elle a été déclenchée par le bloc des Etats fascistes (Allemagne, Japon, Italie). Dans la période d'avant-guerre les milieux dirigeants des Etats-Unis, de Grande-Bretagne et de France, soucieux de diriger l'agression du fascisme allemand et de l'impérialisme nippon contre l'Union soviétique, ont par tous les moyens favorisés les agresseurs et les ont encouragés à déclencher la guerre. Pourtant l'impérialisme allemand a commencé d'abord la guerre contre la France, l'Angleterre et les Etats-Unis, puis a attaqué ensuite l'Union soviétique. Guerre de conquête et de rapine de la part de l'Allemagne hitlérienne et de ses partenaires (l'Italie fasciste et le Japon militariste), la deuxième guerre mondiale a été une guerre juste, libératrice de la part de l'Union soviétique et des autres peuples, victimes de l'agression fasciste. Par l'envergure des opérations militaires, les effectifs des forces armées et la quantité de matériel engagée, par le nombre des victimes humaines et l'ampleur des destructions matérielles, la deuxième guerre mondiale a dépassé de loin la première. De nombreux pays d'Europe et d'Asie ont subi des pertes énormes en hommes et en matériel.
Les dépenses de guerre proprement dites des Etats belligérants s'évaluent à près de mille milliards de dollars, sans compter les dommages causés par les destructions. L'action de brigandage des occupants fascistes allemands et japonais a porté à l'économie et à la culture de nombreux peuples d'Europe et d'Asie un préjudice énorme. La guerre a amené un nouveau développement du capitalisme monopoliste d'Etat. Une série de mesures entraînées par la guerre furent prises par les Etats bourgeois pour assurer aux magnats du capital financier des profits de monopole maximums : ainsi la mise à la disposition des plus grands monopoles de milliards de commandes d’objets militaires à des conditions extrêmement avantageuses, la remise aux monopoles à vil prix d'entreprises d'Etat, la répartition des matières premières déficitaires et de la main-d'œuvre dans l'intérêt des firmes les plus importantes, la fermeture forcée de centaines et de milliers de petites et moyennes entreprises ou leur subordination à un petit nombre de firmes de l'industrie de guerre. L'inflation a provoqué une hausse énorme des prix, l'allongement de la journée de travail, la militarisation du travail, l'accroissement des charges fiscales et la vie chère, l'abaissement du niveau de la consommation : tout cela s'est traduit par un accroissement encore plus grand de l'exploitation de la classe ouvrière et des masses de la paysannerie.
Les deux groupements capitalistes engagés dans la guerre comptaient voir l'Union soviétique succomber ou s'affaiblir notablement pendant la guerre pour pouvoir étrangler l’étrangler, ainsi que le mouvement ouvrier dans les métropoles et le mouvement de libération nationale dans les colonies. Mais grâce à la lutte héroïque du peuple soviétique, à la puissance économique et militaire de l'U.R.S.S., grâce à l'essor du mouvement de libération nationale anti-impérialiste en Europe et en Asie, les plans des impérialistes se sont effondrés. La deuxième guerre mondiale s'est terminée par l'écrasement total des Etats fascistes par les forces armées des pays de la coalition antihitlérienne. Le rôle décisif dans cette défaite revient à l'Union soviétique qui a sauvé des oppresseurs fascistes la civilisation, la liberté, l'indépendance et l'existence même des peuples européens. En dépit des calculs des impérialistes qui rêvaient de détruire ou d'affaiblir l'Etat soviétique, celui-ci sortit de la guerre plus forte et accrut son prestige international. La grande guerre nationale de l'Union soviétique a montré la vigueur et la force de la première puissance socialiste du monde, les immenses avantages du régime socialiste dans le domaine social et le domaine politique. La défaite des agresseurs fascistes a libéré les forces du mouvement de libération nationale en Europe et en Asie. La guerre entraîna le détachement de nouveaux pays du système capitaliste. Les peuples de plusieurs pays de l'Europe centrale et du Sud-Est européen : Pologne, Tchécoslovaquie, Yougoslavie, Roumanie, Hongrie, Bulgarie, Albanie, secouèrent le joug des régimes réactionnaires et prirent en main le pouvoir. Les républiques de démocratie populaire réalisèrent des transformations économiques et sociales radicales et s'engagèrent dans la voie de l'édification des bases du socialisme. La formation de la République démocratique allemande, rempart des forces démocratiques du peuple allemand, dans la lutte pour la constitution d'une Allemagne unifiée, démocratique et pacifique a été une grave défaite de l'impérialisme mondial et un important succès du camp de la paix et de la démocratie.
En dépit des calculs des impérialistes qui rêvaient de continuer à asservir les peuples des colonies et des pays dépendants, il s'est produit un nouvel et puissant essor de la lutte pour la libération nationale dans ces pays. De grandes transformations historiques se sont accomplies en Asie, où vit plus de la moitié de la population du globe. Parmi ces changements, il faut signaler en premier lieu la victoire du grand peuple chinois, dirigé par le Parti communiste chinois, sur les forces unies de l'impérialisme et de la réaction féodale intérieure. La révolution populaire en Chine a liquidé la domination des exploiteurs féodaux et des impérialistes étrangers dans le plus grand des pays semi-coloniaux du monde, libérant du joug de l'impérialisme un peuple de 600 millions d'hommes. La formation de la République populaire chinoise a été le coup le plus violent porté à tout le système de l'impérialisme après la grande Révolution socialiste d'Octobre en Russie et la victoire de l'Union soviétique dans la deuxième guerre mondiale. Des républiques populaires se sont formées en Corée et au Viet-Nam.
La formation de deux camps sur la scène internationale et la désagrégation du marché mondial unique.
Le résultat essentiel de la deuxième guerre mondiale a été la formation d'un camp mondial du socialisme et de la démocratie, qui unit les pays d'Europe et d'Asie qui se sont détachés du capitalisme ; ils ont à leur tête l'Union soviétique et la République populaire chinoise. Les idées de la paix, de la démocratie et du socialisme rencontrent la sympathie de centaines de millions de travailleurs du monde capitaliste, de toutes les forces progressistes de l'humanité contemporaine. Au camp du socialisme et de la démocratie s'oppose le camp du capitalisme : il a à sa tête les Etats-Unis.
La deuxième guerre mondiale et la formation des deux camps sur la scène internationale ont eu pour conséquence économique la plus importante la désagrégation du marché unique, universel. Cela a déterminé une nouvelle aggravation de la crise générale du capitalisme. Pendant l'après-guerre, les pays du camp socialiste se sont unis économiquement et ont organisé entre eux une collaboration et une entraide économiques étroites. La collaboration économique des pays du camp socialiste est fondée sur le désir sincère de s'entraider et d'assurer un essor général de l'économie. Les principaux pays capitalistes - Etats-Unis, Angleterre et France - ont tenté de soumettre à un blocus économique l'Union soviétique, la Chine et les pays européens de démocratie populaire dans l'espoir de les étrangler. Mais ils ont concouru par-là à former et à consolider un nouveau marché mondial parallèle. Grâce au développement sans crise de l'économie des pays du camp socialiste, le nouveau marché mondial ignore les difficultés de débouchés ; son ampleur croît sans cesse.
La sphère à l'intérieur de laquelle les forces des principaux pays capitalistes exploitent les ressources mondiales étant réduite, il en résulte une intensification de la lutte entre les pays du camp impérialiste pour les débouchés, les sources de matières premières, les sphères d'investissement du capital. Les impérialistes, et surtout les impérialistes américains, essaient de parer aux difficultés provenant de la perte de ces vastes marchés par une expansion renforcée aux dépens de leurs concurrents, par des actes d'agression, par la course aux armements et la militarisation de l'économie. Mais toutes ces mesures aboutissent à aggraver encore les contradictions du capitalisme.
L'aggravation de la crise du système colonial de l'impérialisme.
La deuxième phase de la crise générale du capitalisme est caractérisée par une aggravation violente de la crise du système colonial. Les tentatives des puissances impérialistes pour faire retomber sur les peuples des pays dépendants les charges découlant de la guerre et de ses suites ont entraîné une baisse sensible du niveau de vie de la population laborieuse du monde colonial. Dans les colonies et les sphères d'influence des pays d'Europe occidentale, les monopoles américains pénètrent et s'installent systématiquement sous couleur d’« aide » aux pays sous-développés, ce qui soumet les peuples asservis à un pillage renforcé et aggrave les contradictions entre les puissances impérialistes. Par ailleurs, le développement de l'industrie dû à la guerre a contribué, dans une série de pays coloniaux et semi-coloniaux, au développement d'un prolétariat qui déploie une activité de plus en plus grande contre l'impérialisme. La défaite infligée aux forces armées des impérialismes allemands et japonais a créé une situation nouvelle favorable au succès de cette lutte. La Chine est devenue une grande puissance autonome. Sous la pression du mouvement de libération nationale en Inde, l'impérialisme anglais a été obligé de rappeler son administration coloniale. L'Inde a été divisée en deux dominions, l'Inde et le Pakistan. L'Inde est devenue une république qui mène une politique indépendante sur l'arène internationale. L’Indonésie, la Birmanie et Ceylan ont rejeté le régime colonial.
Dans certains pays asservis, le développement du mouvement de libération nationale a conduit à une longue lutte armée des masses populaires contre les colonisateurs (Malaisie, Philippines). A la lutte pour la libération nationale se sont joints les peuples d'Afrique les plus opprimés par le joug impérialiste (Madagascar, Ghana, Kenya, Union Sud-africaine). L'échec de l'intervention armée des Américains en Corée, l'effondrement des plans des impérialismes français et américain en Indochine, montrent avec évidence que les temps sont révolus où les impérialistes pouvaient, par la force des armes, imposer leur volonté aux peuples et réprimer toute aspiration de leur part à la liberté et à l'indépendance.
Les monopoles américains s'efforcent d'accroître au maximum l'exportation de leurs marchandises vers les autres pays du camp capitaliste, en utilisant à cet effet aussi bien l'octroi de prêts à des conditions asservissantes qu'un dumping non déguisé. En même temps, les Etats-Unis s'attachent à préserver leur marché intérieur contre l'importation de marchandises étrangères, en fixant des droits d'entrée extrêmement élevés. Ce caractère unilatéral du commerce extérieur américain engendra dans les autres pays capitalistes un déficit en dollars chronique, c'est-à-dire un manque de dollars pour payer les marchandises importées des Etats-Unis. L'impérialisme américain prive l'Europe occidentale de la possibilité de recevoir les produits alimentaires et les matières premières en provenance des pays de l'Europe orientale, qui fournissaient ces marchandises en échange de la production industrielle de l'Ouest européen. Le fait que les impérialistes se sont eux-mêmes interdit l'accès du marché mondial du camp démocratique, en réduisant à peu près à zéro leur commerce avec l'Union soviétique, la République populaire chinoise et les pays européens de démocratie populaire est un des facteurs de l'aggravation des difficultés rencontrées depuis la guerre par l'économie capitaliste.
L'accentuation de la paupérisation de la classe ouvrière des pays capitalistes.
D'après les évaluations du Bureau américain des recensements, en 1949, aux Etats-Unis, 72,2 % des familles américaines avaient un revenu inférieur au minimum vital officiel, 34,3 % des familles avaient un revenu inférieur à la moitié de ce minimum ; 18,5 % un revenu, inférieur au quart et 9,4 % un revenu inférieur au huitième de ce minimum. L'aggravation de la situation matérielle de larges couches de la population des pays capitalistes accroît le mécontentement et l'indignation des masses populaires, qui prennent une part de plus en plus active à la lutte contre le capital monopoliste. Cela se traduit par la montée du mouvement gréviste dans les pays capitalistes, le renforcement des syndicats progressistes que réunit la Fédération syndicale mondiale fondée en 1945, par les progrès des partis communistes et leur influence accrue sur les masses, par le développement de l'activité politique de la classe ouvrière. Les partis communistes et les syndicats progressistes, en ripostant résolument aux actes scissionnistes des socialistes de droite et des chefs syndicaux réactionnaires, éduquent la classe ouvrière dans l'esprit de la solidarité prolétarienne, dans l'esprit de la lutte pour la libération du joug impérialiste.
TROISIEME PARTIE : LE MODE DE PRODUCTION SOCIALISTE
A. — La période de transition du capitalisme au socialisme
CHAPITRE XXIII - LES PRINCIPAUX TRAITS DE LA PÉRIODE DE TRANSITION DU CAPITALISME AU SOCIALISME
Le développement du mode de production capitaliste et de la lutte de classes dans la société bourgeoise conduit inévitablement au remplacement révolutionnaire du capitalisme par le socialisme. Le capitalisme donne naissance à la grande industrie mécanique, qui est la condition matérielle préalable du passage au socialisme. Sous la forme du prolétariat, le capitalisme, en se développant, prépare la force sociale qui réalise ce passage. L'opposition entre les fondements de la société bourgeoise et ceux de la société socialiste, l'antagonisme entre les intérêts du travail et ceux du capital rendent impossible l' « intégration » pacifique du capitalisme dans le socialisme, que prêchent les réformistes. Le passage du capitalisme au socialisme ne peut être réalisé que par la révolution prolétarienne et la dictature du prolétariat. Sa situation économique fait du prolétariat la seule classe capable de grouper autour d'elle tous les travailleurs pour renverser le capitalisme et assurer la victoire du socialisme.
La révolution prolétarienne se distingue foncièrement de toutes les révolutions qui l'ont précédée. Lors du passage du régime esclavagiste à la féodalité, puis de la féodalité au capitalisme, une forme de propriété privée succédait à une autre, le pouvoir de certains exploiteurs était remplacé par celui d'autres exploiteurs. La révolution prolétarienne se propose de remplacer la propriété privée des moyens de production par la propriété sociale et de supprimer toute exploitation de l'homme par l'homme. Le régime socialiste, fondé sur la propriété sociale des moyens de production, ne peut pas naître et grandir au sein de la société bourgeoise, fondée sur la propriété privée. La révolution prolétarienne a pour mission d'instaurer le pouvoir du prolétariat et d'édifier une économie nouvelle, socialiste. La conquête du pouvoir par la classe ouvrière n'est que le début de la révolution prolétarienne, ce pouvoir étant ensuite utilisé pour opérer la refonte de l'ancienne économie et en organiser une nouvelle. Par suite, le remplacement du régime capitaliste par le régime socialiste nécessite dans chaque pays une période de transition particulière qui s'étend sur toute une époque historique, au cours de laquelle s'opère l'édification de l'économie socialiste, la refonte radicale de tous les rapports sociaux.
La période de transition du capitalisme au socialisme commence par l'instauration du pouvoir du prolétariat et se termine quand l'édification du socialisme, première phase de la société communiste, est achevée. Au cours de cette période, l'ancienne base capitaliste est détruite tandis qu'il se crée une base nouvelle, socialiste.
La dictature du prolétariat, instrument de la construction d'une économie socialiste.
La révolution prolétarienne a pour tâches de créer un système socialiste d'économie, fondé sur la propriété sociale des moyens de production, et de faire disparaître toute exploitation ; elle ne peut donc se dispenser de briser l'ancienne machine d'Etat, qui opprimait les travailleurs, de mettre sur pied un Etat capable d'assurer l'édification de la nouvelle économie. La révolution prolétarienne engendre un Etat d'un type nouveau : la dictature du prolétariat. La dictature du prolétariat est la direction politique de la société par la classe ouvrière. Sans dictature du prolétariat, l'affranchissement économique et politique des travailleurs est impossible, de même que le passage du mode de production capitaliste au mode de production socialiste. Les formes socialistes d'économie ne peuvent ni apparaître ni se développer d'elles-mêmes, spontanément. Elles apparaissent et se développent grâce à l'action méthodique de l'Etat prolétarien, grâce à l'activité créatrice des masses laborieuses. La dictature du prolétariat assure la création d'un type d'organisation sociale du travail supérieur au capitalisme. Là est la source principale de la force du régime socialiste et la raison de sa victoire sur le régime capitaliste.
Sous la dictature du prolétariat, les travailleurs deviennent, pour la première fois dans l'histoire, les maîtres de leur pays. La dictature du prolétariat réprime la minorité exploiteuse dans l'intérêt de la majorité laborieuse. L'alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie sous la direction de la classe ouvrière, alliance dirigée contre les classes exploiteuses, est le principe suprême de la dictature du prolétariat. Sans cette alliance, il est impossible d'affermir le pouvoir du prolétariat et d'édifier une économie socialiste.
En fonction des objectifs de l'édification du socialisme, la dictature du prolétariat présente trois aspects essentiels. Elle est l'utilisation du pouvoir par le prolétariat, premièrement, pour écraser les exploiteurs, défendre le pays, resserrer les liens avec les prolétaires des autres pays ; deuxièmement, pour détacher définitivement de la bourgeoisie les masses laborieuses et exploitées, pour consolider l'alliance du prolétariat avec ces masses, pour faire participer ces dernières à l'édification du socialisme ; troisièmement, pour édifier une société nouvelle, socialiste.
C'est aux partis communistes (ouvriers) qu'appartient, dans les pays de dictature du prolétariat, la direction de tout le processus de la construction méthodique d'une économie socialiste. Armés de la théorie marxiste-léniniste, de la connaissance des lois du développement économique de la société, ces partis organisent les masses populaires et les orientent vers la solution des problèmes posés par l'édification socialiste.
La nationalisation socialiste.
La nationalisation socialiste est l'abolition révolutionnaire par le pouvoir prolétarien de la propriété des classes exploiteuses et sa transformation en propriété d'Etat, socialiste, patrimoine du peuple tout entier. La nationalisation socialiste met les rapports de production dans l'industrie en accord avec le caractère des forces productives, ce qui ouvre la voie à leur développement. La nationalisation socialiste, premièrement, liquide la propriété capitaliste des principaux moyens de production et met ainsi fin à la domination économique de la bourgeoisie dans le pays; deuxièmement, elle fournit une base économique à la dictature du prolétariat en plaçant entre les mains des travailleurs les leviers de commande de l'économie nationale. La nationalisation de la grande industrie, branche-clé de l'économie nationale, a une importance décisive pour l'édification du socialisme. Les banques, les chemins de fer, la marine marchande et les P.T.T., les grandes entreprises du commerce intérieur, le commerce extérieur, sont eux aussi nationalisés. La nationalisation des banques prive la bourgeoisie d'un des principaux instruments de sa domination économique, tandis que l'Etat prolétarien acquiert un appareil économique centralisé et ramifié qui, après sa refonte révolutionnaire, concourt à la construction du socialisme. La nationalisation du commerce extérieur est indispensable pour assurer au pays qui bâtit le socialisme son indépendance économique vis-à-vis du monde capitaliste. Conscient de la nécessité vitale de faire disparaître les survivances du servage, l'Etat prolétarien procède à la confiscation immédiate des terres des grands propriétaires fonciers, de leurs exploitations et de leur cheptel vif et mort. La majeure partie des terres confisquées est remise à la paysannerie laborieuse. Sur une autre partie, plus petite, sont organisées de grandes entreprises agricoles d'Etat. La nationalisation de la terre, c'est-à-dire la liquidation de la propriété privée de la terre et le transfert de la propriété du sol à l'Etat prolétarien, constitue une des mesures les plus importantes de la révolution socialiste. Le pouvoir prolétarien décide des méthodes et des délais de la nationalisation de toute la terre en fonction des conditions concrètes de chaque pays. Après avoir brisé l'appareil d'Etat de la bourgeoisie, la grande Révolution socialiste d'Octobre a, dès les premiers mois, nationalisé et confisqué sans indemnité les moyens de production et les autres richesses des gros propriétaires fonciers et des grands capitalistes. Le 26 octobre (8 novembre) 1917 fut promulgué le décret sur la terre. Les terres des gros propriétaires fonciers, de la bourgeoisie, de la famille impériale, de l'Eglise et des couvents, furent confisquées, aliénées sans rachat. Toute la terre, le sous-sol, les forêts et les eaux devinrent propriété d'Etat (patrimoine du peuple tout entier). La vente et l'achat de la terre furent interdits. En décembre 1917, il fut procédé à la nationalisation des banques. Le pouvoir des Soviets annula tous les emprunts contractés par le gouvernement du tsar et par le Gouvernement provisoire auprès des capitalistes, tant russes qu'étrangers. Le commerce extérieur fut déclaré monopole d'Etat, l'importation et l'exportation des marchandises furent retirées des mains des particuliers et confiées aux organismes de l'Etat. Le monopole du commerce extérieur, institué par le pouvoir des Soviets, mettait le pays à l'abri de l'agression économique des impérialistes qui s'efforçaient de l'asservir et d'en faire leur colonie. Les chemins de fer et les P.T.T., le trafic maritime et le grand trafic fluvial furent nationalisés. Le pouvoir des Soviets procéda sur une échelle toujours plus étendue à la nationalisation des entreprises industrielles en les confisquant sans indemnité. En juin 1918, les grandes entreprises, dans toutes les industries, furent nationalisées. En nationalisant la grande industrie, les banques, les transports, le commerce extérieur, le pouvoir des Soviets brisait la puissance économique de la bourgeoisie et prenait en main les leviers de commande de l'économie nationale. Dans les entreprises nationalisées, les rapports de production capitalistes furent remplacés par des rapports socialistes. L'exploitation de l'homme par l'homme fut abolie. Une discipline du travail nouvelle, socialiste, s'instaura.
Les types d'économie et les classes dans la période de transition. L'alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie.
La nationalisation de la grande industrie, des transports, des banques, etc. donne naissance au type d'économie (secteur) socialiste. A côté de celle-ci, qui est fondée sur la propriété sociale des moyens de production, il existe encore, pendant la période de transition, des formes d'économie héritées du passé et fondées sur la propriété privée des moyens de production. Autrement dit, l'économie de la période de transition est une économie composite. Elle contient des types différents de rapports de production.
On a dans chaque pays, pendant la période de transition du capitalisme au socialisme, les principales formes suivantes d'économie sociale : le socialisme, la petite production marchande, le capitalisme. Les classes qui correspondent à ces formes d'économie sociale sont : la classe ouvrière, la petite bourgeoisie (surtout la paysannerie), la bourgeoisie. La classe ouvrière, classe opprimée sous le capitalisme, est devenue la classe dominante, qui détient le pouvoir et possède, concurremment avec tous les travailleurs, les moyens de production socialisés par l'Etat. La situation matérielle de la classe ouvrière ne cesse de s'améliorer, et son niveau culturel de s'élever. A la paysannerie, à la masse des paysans pauvres et moyens, l'Etat donne la terre ; il l'affranchit du joug des gros propriétaires fonciers, lui apporte son aide économique et culturelle dans tous les domaines.
La petite production paysanne marchande engendre inévitablement des éléments capitalistes ; il s'opère dans la paysannerie une différenciation de classe en paysans pauvres et en koulaks. Mais ce processus revêt, pendant la période de transition, un caractère tout autre qu'en régime capitaliste. Après la Révolution d'Octobre, dès 1918, les paysans moyens prédominaient à la campagne. C'était là le résultat de la remise gratuite aux paysans de la terre ainsi que d'une partie du cheptel vif et mort appartenant aux gros propriétaires fonciers. La nature du paysan moyen est double : comme travailleur, il se sent attiré vers le prolétariat ; comme petit propriétaire, vers la bourgeoisie. La bourgeoisie et le prolétariat s'efforcent tous deux de gagner les masses de la paysannerie moyenne. Dans les questions essentielles, les intérêts de la classe ouvrière et des masses laborieuses de la paysannerie coïncident : ces deux classes ont un intérêt vital à la suppression de l'exploitation et à la victoire du socialisme. C'est sur cette base que repose l'alliance solide des deux classes amies : la classe ouvrière et la paysannerie. Le principe de l'alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie, alliance où le rôle dirigeant appartient à la classe ouvrière, est à la base de l'édification socialiste. Une alliance solide de la classe ouvrière et de la paysannerie est indispensable à l'établissement de rapports économiques corrects entre la ville et la campagne, entre l'industrie et l'agriculture, au progrès de l'agriculture et à sa transformation socialiste. Les principales classes de la période de transition sont la classe ouvrière et la paysannerie. La bourgeoisie qui a perdu le pouvoir et les principaux moyens de production a cessé d'être une des principales classes de la société. Les grands capitalistes et une partie considérable de la moyenne bourgeoisie des villes ont été dépossédés des moyens de production au début de la période de transition. Mais une fraction de la bourgeoisie des villes subsiste toujours, ainsi que la bourgeoisie rurale : les koulaks. Pendant un certain nombre d'années, la bourgeoisie dispose encore d'une force importante. Cela s'explique par la naissance spontanée et inéluctable d'éléments capitalistes à partir de la petite économie marchande et par l'impossibilité de remplacer d'emblée dans tous les domaines l'économie capitaliste par une économie socialiste. Même après la perte de sa domination, la bourgeoisie conserve dans une mesure plus ou moins grande des ressources financières et matérielles, des attaches avec une fraction importante des vieux spécialistes. Elle bénéficie en outre de l'appui du capital international.
La contradiction économique fondamentale de la période de transition est celle qui existe entre le socialisme naissant, auquel appartient l'avenir, mais qui dans les premiers temps est encore faible, et le capitalisme renversé, qui représente le passé, mais est encore fort au début et possède des racines dans la petite économie marchande. Dans tous les domaines de la vie économique, la lutte se déroule entre le socialisme et le capitalisme pour savoir « qui l’emportera ».
L'apparition des lois économiques du socialisme.
Avec la formation et le développement du type d'économie socialiste apparaît et commence à se manifester la loi économique fondamentale du socialisme. Cela se traduit, premièrement, par une modification radicale du but de la production : dans le secteur socialiste, le but de la production n'est plus de fournir le profit capitaliste, mais de satisfaire les besoins matériels et culturels des travailleurs, de concourir à la construction du socialisme. Deuxièmement, à mesure que les rapports de production socialistes s'affermissent et se développent, il se crée des conditions de plus en plus favorables pour atteindre cet objectif grâce à un progrès rapide et ininterrompu de l'industrie et à un large emploi de la technique moderne. Le développement de l'industrie perd son caractère cyclique, les crises économiques de surproduction cessent.
Pendant la période de transition, la loi économique du développement harmonieux (proportionné) de l'économie nationale apparaît et commence à manifester son action sur la base des rapports de production socialistes. Cette loi exige que l'économie soit régie par un plan et que celui-ci établisse entre les différentes branches de l'économie les proportions nécessaires pour assurer la victoire du socialisme et satisfaire les besoins croissants de la société. La loi du développement harmonieux de l'économie nationale commence à jouer le rôle de régulateur de la production dans le secteur socialiste et exerce une influence de plus en plus déterminante sur les proportions de toute l'économie nationale.
Les principes fondamentaux de la politique économique pendant la période de transition du capitalisme au socialisme.
Il est impossible de bâtir le socialisme si l'on ne tient pas compte correctement des conditions économiques objectives de la période de transition et des lois économiques nées de ces conditions. Quand on parle de la victoire du socialisme dans un seul pays, il importe de distinguer les deux aspects de cette question : l'aspect intérieur et l'aspect international. L'aspect intérieur de la question comprend le problème des rapports entre les classes à l'intérieur du pays. Le Parti communiste et l'Etat soviétique étaient convaincus que la classe ouvrière pouvait surmonter les contradictions qui existaient entre elle et la paysannerie, resserrer son alliance avec cette dernière et entraîner les masses paysannes à l'édification du socialisme. L'aspect international de la question comprend le problème des rapports entre le pays de la dictature du prolétariat et les Etats capitalistes. Tant que coexistent deux régimes opposés : le régime socialiste et le régime capitaliste, le danger d'une agression armée des puissances impérialistes contre le pays du socialisme subsistera. Cette contradiction ne peut être levée par les seules forces du pays de la dictature du prolétariat. Aussi la victoire du socialisme ne sera-t-elle définitive que lorsque disparaîtra le danger d'une intervention et d'une restauration du capitalisme par les puissances impérialistes agressives. Une condition indispensable au succès de l'édification socialiste en U.R.S.S. était l'écrasement des restaurateurs trotskistes-boukhariniens du capitalisme, qui prêchaient la théorie selon laquelle l'édification du socialisme dans un seul pays était impossible, la Russie « n'étant pas mûre » pour le socialisme par suite de son retard technique et économique. Cette théorie désarmait la classe ouvrière. Le Parti communiste et l'Etat soviétique prenaient pour point de départ les thèses de Lénine selon lesquelles l'U.R.S.S. avait tout ce qui était nécessaire et suffisant pour bâtir intégralement le socialisme, le retard technique et économique pouvant parfaitement être comblé dans les conditions de la dictature du prolétariat. L'histoire a entièrement confirmé la justesse de ces thèses.
La victoire remportée sur le capitalisme par le socialisme et l'affermissement de ce dernier ne pourront être considérés comme acquis que lorsque le pouvoir d'Etat prolétarien, après avoir brisé définitivement toute résistance des exploiteurs et s'être assuré la stabilité complète et une totale soumission, aura réorganisé toute l'industrie sur les bases de la grande production collective et de la technique moderne. C'est ce qui permettra aux villes de prêter aux campagnes arriérées et dispersées une aide décisive, technique et sociale, susceptible de créer la base matérielle d'un accroissement considérable du rendement dans la culture des terres et l'économie agricole en général, d'inciter par l'exemple les petits cultivateurs à passer, dans leur propre intérêt, à la grande culture collectivisée et mécanisée.
Dès le printemps de 1918, le pouvoir des Soviets entreprit d'organiser les échanges de marchandises avec la campagne sur la base de l'achat et de la vente. Une réforme monétaire fut amorcée. Mais l'intervention étrangère imposa l'obligation de mettre toute l'économie au service du front, et cela alors que les ressources matérielles étaient extrêmement limitées. L'intervention aggrava terriblement la ruine du pays, conséquence de la première guerre mondiale. Le pouvoir des Soviets n'avait pas d'articles industriels à échanger contre les produits de l'agriculture, dont la quantité avait, elle aussi, fortement diminué. Il était impossible de constituer des stocks de denrées agricoles pour l'armée et la ville par l'achat et la vente. La réquisition des excédents devint nécessaire : autrement dit, l'Etat prenait aux paysans par voie de prélèvement tous leurs excédents de denrées alimentaires sans passer par le marché. C'est ainsi que les conditions objectives obligèrent le pouvoir des Soviets à appliquer la politique qui reçut le nom de « communisme de guerre ». Comme l'Etat manquait de marchandises, le commerce des produits de base fut interdit afin d'éviter qu'ils ne tombent entre les mains des spéculateurs. Dans les villes, les objets de consommation étaient sévèrement rationnés et distribués selon un principe de classe ; de plus, l'importance de la ration dépendait de la difficulté du travail et de l'importance de l'entreprise. Le service du travail général et obligatoire fut institué. La bourgeoisie était astreinte à un travail socialement utile. Les ressources étant très restreintes, un système de ravitaillement en nature, centralisé et très strict, fut appliqué dans l'industrie pour faire face aux besoins du front. A la suite de la guerre impérialiste et de la guerre civile, l'économie nationale de l'U.R.S.S. était dans un état de délabrement extrême. En 1920, la production de la grande industrie n'atteignait qu'un septième environ, et celle de l'agriculture que la moitié de celle de 1913. Pour couvrir ses dépenses, l'Etat avait émis une masse de papier-monnaie qui se dépréciait rapidement. L'héroïsme était général chez les ouvriers dans les entreprises et chez les soldats de l'Armée rouge au front. S'il n'y a pas intervention étrangère et ruine économique provoquée par une longue guerre, l'Etat prolétarien n'a pas besoin de recourir à toutes ces mesures, ainsi que le confirme l'expérience des pays de démocratie populaire. Après en avoir terminé avec l'intervention étrangère et la guerre civile, le pouvoir des Soviets passa, au printemps de 1921, à la nouvelle politique économique (Nep).
Avec le passage à la Nep, la tâche qui se posait avant tout était de relever l'économie. On devait commencer par intéresser matériellement les paysans travailleurs au relèvement rapide de l'agriculture, afin de procurer des denrées alimentaires à la population des villes, et des matières premières à l'industrie. Il fallait, sur cette base, faire progresser l'industrie d'Etat et assurer son alliance étroite avec l'agriculture en évinçant le capital privé ; puis, après avoir accumulé des ressources suffisantes, créer une puissante industrie socialiste capable d'assurer la réorganisation socialiste de l'agriculture, et d'engager résolument l'offensive contre les éléments capitalistes pour les liquider entièrement.
Concentrant entre ses mains une quantité croissante de marchandises et procédant de plus en plus largement au stockage des produits agricoles, l'Etat soviétique, dans une lutte opiniâtre contre les éléments capitalistes, parvint essentiellement à fixer le prix du blé et des autres marchandises de base et En donnant à l'agriculture une base technique moderne, l'industrialisation socialiste créait par là même le fondement matériel de la collectivisation socialiste des exploitations paysannes. L'industrialisation socialiste du pays et la collectivisation de l'agriculture assurent la victoire du socialisme dans toute l'économie nationale, l'élévation constante de la production et du bien-être de la population.
Tout pays qui bâtit le socialisme est tenu de se guider sur les principes fondamentaux qui étaient à la base de la nouvelle politique économique appliquée en U.R.S.S. Mais les formes concrètes de l'édification économique dans tel ou tel pays doivent tenir compte des particularités de son développement, de la conjoncture dans laquelle se déroule la révolution socialiste. C'est l'Union soviétique qui a dû, la première, frayer la voie au socialisme. Chaque pays de démocratie populaire s'appuie aujourd'hui sur une aide puissante de tout le camp du socialisme, et il profite de l'expérience de l'édification socialiste en U.R.S.S.
CHAPITRE XXIV - L'INDUSTRIALISATION SOCIALISTE
La grande industrie, base matérielle du socialisme. La nature de l'industrialisation socialiste.
Il est impossible d'assurer la victoire du socialisme dans l'ensemble de l'économie nationale sans réorganiser toutes les branches de la production sur la base d'une technique avancée. Ce sont les branches produisant les moyens de production : métal, houille, pétrole, machines, équipements, matériaux de construction, etc., autrement dit, l'industrie lourde, qui jouent le rôle déterminant dans la grande industrie. Aussi l'industrialisation socialiste est-elle avant tout le développement de l'industrie lourde et des constructions mécaniques, qui en sont le centre. Des constructions mécaniques développées sont à la base du rééquipement de toutes les branches de l'économie nationale en moyens techniques modernes : machines, machines-outils, appareils, outils ; elles sont à la base du progrès technique.
L'industrialisation socialiste assure aux formes socialistes d'économie la supériorité technique indispensable pour triompher entièrement de la formation économique capitaliste. En fournissant à l'agriculture des tracteurs, des moissonneuses-batteuses et d'autres machines agricoles, l'industrie socialiste permet la naissance et le développement à la campagne des nouvelles forces productives indispensables à la victoire du socialisme. L'industrialisation socialiste entraîne une augmentation des effectifs de la classe ouvrière ; elle accroît son importance et son rôle dirigeant dans la société ; elle renforce les bases de la dictature de la classe ouvrière et son alliance avec la paysannerie, garantit l'indépendance technique et économique, ainsi que la capacité de défense du pays qui construit le socialisme face à l'hostilité du monde capitaliste. L'industrie lourde permet de fabriquer les armements modernes indispensables pour défendre le pays contre l'agression d'Etats impérialistes hostiles.
La méthode socialiste d'industrialisation. D'où viennent les ressources nécessaires à l'industrialisation socialiste ?
Dans les pays capitalistes, l'industrialisation commence d'ordinaire par le développement de l'industrie légère. Ce n'est qu'après un temps assez long que vient le tour de l'industrie lourde. Le pays des Soviets ne pouvait s'engager dans cette voie qui aurait été fatale à la révolution socialiste et aurait fait de l'U.R.S.S. une colonie des Etats impérialistes. Le Parti communiste repoussa la méthode capitaliste d'industrialisation et entreprit d'industrialiser le pays en développant d'abord l'industrie lourde. L'industrialisation socialiste est réalisée dans le cadre de la loi du développement harmonieux de l'économie nationale, pour construire le socialisme et satisfaire les besoins croissants des travailleurs. L'Etat soviétique répartit, conformément à un plan, la main-d'œuvre et les moyens de production entre les différentes branches dans les proportions que dictait la nécessité d'effectuer l'industrialisation socialiste du pays et qui assuraient le développement prioritaire de l'industrie lourde à un rythme accéléré. L'industrialisation socialiste, conformément aux exigences de la loi économique fondamentale du socialisme, assure la base matérielle d'une élévation constante de la production, grâce à une technique supérieure, entraîne la disparition du chômage et l'augmentation du salaire réel des ouvriers. Elle entraîne un bien-être croissant de la paysannerie, rapproche la campagne de la ville, renforce l'alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie. La méthode socialiste d'industrialisation élargit constamment le marché intérieur, ce qui donne une base interne solide au développement de l'industrie. Il s'ensuit que les ouvriers et les paysans ont un intérêt direct à l'industrialisation socialiste. Le pays des Soviets devait trouver chez lui les ressources indispensables à la création d'une industrie lourde, sans contracter au dehors des emprunts léonins, grâce à ses ressources intérieures, par une accumulation socialiste méthodique, L'accumulation socialiste consiste à utiliser une partie du revenu national pour élargir la production socialiste.
Si l'Etat soviétique mena à bien la tâche difficile de réunir les fonds nécessaires à l'industrialisation, c'est qu'il mettait à profit les avantages de l'économie socialiste. L'expropriation des propriétaires fonciers et des capitalistes permettait de consacrer à l'industrialisation socialiste une partie importante des ressources que s'attribuaient autrefois les exploiteurs pour leur consommation parasite. Le pouvoir des Soviets avait libéré le pays du paiement annuel des intérêts des emprunts tsaristes et des dividendes qu'empochaient les capitalistes étrangers pour les capitaux qu'ils avaient investis en Russie. La paysannerie soviétique, affranchie des fermages qu'elle payait aux propriétaires fonciers et des grosses dettes qu'elle avait contractées envers les banques, avait intérêt à voir l'industrie se développer et pouvait consacrer à cette fin une partie de ses ressources.
L'industrie socialiste, pour accroître les accumulations, présente des avantages indéniables par rapport à l'industrie capitaliste. Elle est l'industrie la plus grande et la plus concentrée, dont l'activité est coordonnée à l'échelle de tout le pays ; la loi de la concurrence et de l'anarchie de la production n'a pas prise sur elle. La planification de l'industrie, l'utilisation rationnelle de ses ressources, l'initiative de la classe ouvrière dans le travail, le développement rapide de la technique, ont créé les conditions d'une élévation continue de la productivité du travail. Un des grands avantages de l'économie socialiste par rapport à l'économie capitaliste est la concentration, dans les établissements de crédit de l'Etat, de tout l'argent accumulé par les entreprises d'Etat et les coopératives, ainsi que des ressources disponibles de la population, et leur utilisation planifiée pour développer l'industrie.
L'assimilation de la nouvelle technique et le problème des cadres.
L'industrialisation socialiste exige une masse de grands travaux. Ces travaux furent centrés en U.R.S.S. autour de la construction de nouvelles entreprises, qui absorba plus de la moitié des investissements dans l'industrie. La création d'un grand nombre d'entreprises équipées selon le dernier mot de la technique posa un problème particulièrement difficile : fournir à l'industrie les cadres d'ouvriers qualifiés et de spécialistes capables de s'assimiler et de mettre entièrement à profit cette technique. Il fallait créer ces cadres en masse, et en peu de temps. Dès le premier quinquennat, on organisa sur une grande échelle la formation d'ouvriers qualifiés dans les écoles professionnelles des fabriques et des usines, ainsi que dans divers cours d'apprentissage. La classe ouvrière devait former ses propres intellectuels, capables de servir les intérêts du peuple et de prendre une part active à l'édification du socialisme. Au cours des premier et deuxième plans quinquennaux, l'Etat soviétique accomplit un travail énorme, afin d'assurer, dans les établissements d'enseignement supérieur et les écoles techniques, la préparation de cadres pour l'industrie et les autres branches de l'économie nationale. De 1928 à 1937, le nombre des ouvriers et des employés de la grande industrie passe de 3,8 millions à 10,1 millions, soit une augmentation de 173 %. Les constructions mécaniques atteignirent en U.R.S.S. un niveau qui leur permit de produire n'importe quelle machine. L'Union soviétique devint indépendante des pays capitalistes sous le rapport technique et économique. De 1913 à 1940, la production de la grande industrie a augmenté en U.R.S.S. de près de douze fois. Dès la fin du second plan quinquennal, l'Union soviétique occupait la première place en Europe et la deuxième dans le monde pour le volume de la production industrielle. Elle venait au deuxième rang pour le trafic ferroviaire. Non seulement l'Union soviétique a cessé d'importer des pays capitalistes automobiles, tracteurs, machines agricoles et autres, mais elle s'est mise elle-même à en exporter. Durant les treize années qui précédèrent la deuxième guerre, l'Union soviétique a parcouru un chemin qui avait demandé à peu près dix fois plus de temps aux pays capitalistes évolués. Ce fut un bond prodigieux du retard au progrès, un bond comme l'histoire n'en avait encore jamais connu. Le développement gigantesque des forces productives en U.R.S.S. n'aurait pu avoir lieu si les anciens rapports de production capitalistes n'avaient été remplacés par des rapports nouveaux, socialistes.
CHAPITRE XXV - LA COLLECTIVISATION DE L'AGRICULTURE
La nécessité historique de la collectivisation de l'agriculture. Le plan coopératif de Lénine.
Pour construire le socialisme, il faut non seulement industrialiser un pays, mais aussi réaliser la transformation de son agriculture. Le socialisme est un système économique où l'industrie et l'agriculture étroitement associées ont pour base la propriété sociale des moyens de production et le travail collectif. La transformation socialiste de l'agriculture est, après la conquête du pouvoir par la classe ouvrière, la tâche la plus difficile de la révolution. L'agriculture des pays capitalistes n'a pas atteint le même degré de socialisation capitaliste de la production que l'industrie, où la révolution socialiste trouve une grande production fortement concentrée. Les petites exploitations paysannes morcelées y sont numériquement prépondérantes. Tant que la petite économie individuelle reste la forme prédominante de la production agricole, subsiste une base pour le régime économique bourgeois à la campagne, ainsi que pour l'exploitation de la paysannerie pauvre et d'une importante fraction de la paysannerie moyenne par la bourgeoisie rurale. Le seul moyen, pour les masses laborieuses de la paysannerie, de se libérer de toute exploitation, de la misère et de la ruine, c'est de s'engager sur la voie du socialisme.
Le plan de Lénine pour construire une société socialiste s'inspirait du fait que la classe ouvrière doit bâtir le socialisme en alliance avec la paysannerie. Le plan coopératif de Lénine repose sur le fait que, sous la dictature du prolétariat, la coopération constitue le moyen le plus compréhensible, le plus avantageux et le plus accessible aux millions de paysans pour passer de l'économie individuelle morcelée aux grandes associations de production, aux exploitations collectives. La première condition économique du groupement des grandes masses paysannes en coopératives de production, c'est de développer par tous les moyens une grande industrie socialiste, capable de réorganiser l'agriculture sur une base technique moderne. Pour entraîner la paysannerie à participer à l'édification socialiste, il faut commencer par les formes les plus simples de la coopération pour la vente et l'achat en commun, le crédit mutuel, pour passer ensuite graduellement à la coopération de production, à la coopération kolkhozienne. L'adhésion du paysan à la coopérative doit être entièrement volontaire. Avec la coopération des économies paysannes, on a trouvé la seule forme correcte permettant de concilier les intérêts personnels des paysans avec les intérêts de l'Etat, de faire participer la masse de la paysannerie à l'édification du socialisme sous la direction de la classe ouvrière. Dans la société bourgeoise où les moyens de production appartiennent aux exploiteurs, la coopération est une forme capitaliste d'économie, les coopératives agricoles sont économiquement sous la coupe de la bourgeoisie qui exploite les masses paysannes. Dans un régime social où le pouvoir politique est aux mains des travailleurs et où les principaux moyens de production sont la propriété de l'Etat prolétarien, la coopération est une forme socialiste d'économie.
Partant des travaux de Lénine, Staline a formulé et développé un certain nombre de thèses nouvelles au sujet de la transformation socialiste de l'agriculture. L'économie de la période de transition, avec ses nombreuses formes d'économie, comprend, d'une part, la grande industrie socialiste, fondée sur la propriété sociale des moyens de production, et d'autre part la petite économie paysanne reposant sur la propriété privée des moyens de production. La grande industrie socialiste anéantit les éléments capitalistes, alors que la petite économie marchande en engendre sans cesse de nouveaux et dans de vastes proportions. L'Etat socialiste et l'édification du socialisme ne peuvent s'appuyer pendant une période plus ou moins longue sur deux bases différentes. Cela entraînerait en définitive la désorganisation de toute l'économie nationale. Cette contradiction ne peut être levée qu'en engageant la petite exploitation paysanne dans la voie de la grande agriculture socialiste. Il existe deux voies pour passer à la grande exploitation dans l'agriculture : la voie capitaliste et la voie socialiste. La voie capitaliste, c'est l'apparition et le développement dans l'agriculture de grandes exploitations capitalistes fondées sur l'exploitation du travail salarié : ils s'accompagnent fatalement de l'appauvrissement et de la ruine des masses laborieuses de la paysannerie. La voie socialiste, c'est le groupement des petites exploitations paysannes en grandes exploitations collectives dotées d'un outillage perfectionné, qui affranchissent les paysans de leurs exploiteurs, de la misère et de la pauvreté, et garantissent une élévation constante de leur niveau matériel et culturel. Il n'existe point d'autre voie.
Le passage de la petite exploitation paysanne individuelle à la grande exploitation socialiste ne peut se faire spontanément. L'industrie socialiste fournit à la campagne un outillage mécanique perfectionné. Pour que la production socialiste puisse atteindre son but, c'est-à-dire pour qu'elle puisse satisfaire les besoins sans cesse croissants de la société, il faut une grande agriculture socialiste à grand rendement capable de fournir à l'industrie les matières premières et, à la population, les produits alimentaires. La condition indispensable est la collectivisation de l'agriculture.
Les conditions préalables à la collectivisation intégrale.
Le premier stade de la coopération des exploitations paysannes est l'association pour l'écoulement des produits agricoles et l'achat en commun d'articles industriels, ainsi que la coopération dans le domaine du crédit. Elles habituent de larges couches de la paysannerie à la gestion collective des affaires économiques. A ce stade, l'alliance entre l'industrie socialiste et l'économie paysanne est principalement une alliance commerciale, qui est réalisée par l'extension du commerce d'Etat et du commerce coopératif, et par l'éviction du capital privé de la circulation des marchandises. Ce commerce est réglé par des contrats en vertu desquels l'Etat passe aux producteurs groupés en coopératives et aux paysans individuels la commande d'une quantité déterminée de denrées agricoles, fournit aux coopératives des semences, des instruments de production et stimule l'application des meilleurs procédés de culture (semailles en ligne, emploi de graines sélectionnées, d'engrais, etc.), achète leur production marchande pour assurer des vivres à la population et des matières premières à l'industrie. Ce système est avantageux pour les deux parties et rattache les coopératives et les exploitations paysannes individuelles à l'industrie directement, sans l'intermédiaire de commerçants privés.
Le stade supérieur de la coopération paysanne est l'organisation d'exploitations collectives, ou kolkhoz, qui marquent le passage à la grande production socialisée. Le kolkhoz est une association coopérative de production reposant sur l'adhésion librement consentie des paysans ; il est fondé sur la propriété sociale des moyens de production et le travail collectif, qui excluent l'exploitation de l'homme par l'homme. Il s'avéra que les coopératives étaient un stade déjà dépassé. Dans certaines régions furent organisées des communes agricoles où non seulement tous les moyens de production mais aussi l'exploitation personnelle du kolkhozien étaient socialisés. Ces communes n'étaient pas viables, car elles étaient apparues alors que la technique était peu développée et que l'on manquait de produits ; on y pratiquait la répartition égalitaire des objets de consommation. Les paysans décidèrent eux-mêmes de les transformer en artels agricoles.
L'artel repose sur la socialisation des principaux moyens de production des paysans et sur le travail collectif de ces derniers, qui conservent la propriété personnelle d'une exploitation auxiliaire dont l'importance est déterminée par les Statuts de l'artel agricole. Le rôle capital de la grande industrie socialiste dans la collectivisation de l'agriculture s'exerce par l'intermédiaire des stations de machines et de tracteurs (S.M.T.). Celles-ci sont des entreprises socialistes d'Etat dans l'agriculture, qui centralisent les tracteurs, les moissonneuses-batteuses et les autres machines agricoles complexes, et desservent les kolkhoz en vertu d'un contrat. La S.M.T. est la base industrielle de la grande agriculture collective. La S.M.T. concilie au mieux l'initiative des masses kolkhoziennes pour l'édification et le développement de leurs exploitations collectives avec la direction et l'aide de l'Etat socialiste. Les S.M.T. constituent un moyen des plus efficaces de mener à bien la réorganisation socialiste de l'agriculture, ainsi que le moyen fondamental permettant d'établir entre l'industrie et l'agriculture une alliance sur le plan de la production. En vertu de cette alliance, la grande industrie socialiste fournit à l'agriculture des machines et d'autres moyens de production, la dote d'un outillage nouveau et perfectionné.
Les grandes entreprises agricoles d'Etat, organisées par l'Etat socialiste sur une partie des terres ayant appartenu aux gros propriétaires fonciers, ainsi que sur les terres libres du fonds d'Etat, jouent un rôle important dans la transformation socialiste de l'agriculture. En U.R.S.S., des exploitations d'Etat (sovkhoz) ont été créées dès la première année de la Révolution socialiste. Le sovkhoz est une grande entreprise socialiste où les moyens de production et la production elle-même appartiennent à l'Etat. C'est des sovkhoz que proviennent une partie importante des denrées alimentaires et des matières premières dont dispose l'Etat. Les sovkhoz ont permis aux paysans de se convaincre des avantages de la grande économie socialiste, les ont aidés de leurs tracteurs, leur ont fourni des semences sélectionnées et du bétail de race. Ils ont facilité le tournant des masses paysannes vers le socialisme, vers la collectivisation.
Dans les premières années du mouvement kolkhozien de masse, les meilleurs militants du Parti et des dizaines de milliers d'ouvriers d'avant-garde ont été envoyés à la campagne où ils ont apporté aux paysans une aide précieuse pour l'organisation des exploitations collectives. L'éducation politique des masses paysannes par le Parti communiste a joué un rôle important dans la préparation de la collectivisation. Le tournant des masses paysannes vers la collectivisation exigeait une lutte de classe intransigeante contre les koulaks. La résistance du koulak à la politique du pouvoir des Soviets à la campagne s'accentua en 1927-1928, quand le pays des Soviets connut des difficultés d'approvisionnement en céréales. Les koulaks sabotaient le stockage du blé, se livraient à des actes de terrorisme contre les kolkhoziens, les militants du Parti et les représentants de l'administration soviétique, incendiaient les bâtiments des kolkhoz et les dépôts de blé de l'Etat. La politique de lutte résolue contre le koulak, pour la défense des intérêts de la paysannerie laborieuse, groupa plus étroitement autour du Parti communiste et de l'Etat soviétique la masse des paysans pauvres et moyens.
La collectivisation intégrale et la liquidation des koulaks en tant que classe.
Le tournant décisif de la paysannerie vers les kolkhoz se dessina en U.R.S.S. dans la seconde moitié de 1929. A cette époque, les conditions économiques et politiques de la collectivisation de l'agriculture existaient déjà. Les paysans moyens, autrement dit la masse fondamentale de la paysannerie, avaient pris le chemin du kolkhoz. Les paysans entraient aux kolkhoz non plus par groupes isolés, mais par villages et par districts entiers. Ce fut le début de la collectivisation intégrale dans les campagnes soviétiques. Jusque-là, le Parti communiste et l'Etat soviétique avaient appliqué une politique de limitation et d'éviction des éléments capitalistes de la campagne. Mais cette politique ne supprimait pas la base économique des koulaks, n'entraînait pas leur liquidation en tant que classe. Cette politique était indispensable tant que les conditions d'une collectivisation intégrale n'avaient pas été réalisées, tant qu'il n'existait pas dans les campagnes un vaste réseau de kolkhoz et de sovkhoz capables de remplacer la production capitaliste des céréales par une production socialiste. En 1926-1927, les koulaks produisirent 617 millions de pouds de blé dont ils vendirent 126 millions de pouds à titre d'échange en dehors des campagnes, alors que les sovkhoz et les kolkhoz ne produisaient que 80 millions de pouds, dont 37,8 millions de pouds de blé marchand. La situation changea radicalement en 1929, où les sovkhoz et les kolkhoz ne produisirent pas moins de 400 millions de pouds, dont 130 millions de pouds de blé marchand, c'est-à-dire plus que n'en produisaient les koulaks. On remarqua dans le pays un regroupement des forces de classe en faveur du socialisme, contre le capitalisme. Cela permit au Parti communiste et à l'Etat socialiste de passer de l'ancienne politique de limitation et d'éviction d’éléments capitalistes à la campagne, à une politique nouvelle, celle de la liquidation pure et simple des koulaks en tant que classe, sur la base de la collectivisation intégrale. Avec la collectivisation intégrale, les kolkhoz avaient désormais la jouissance de toutes les terres, autour des bourgs et des villages. Mais comme une partie notable du sol était détenue par les koulaks, les paysans qui s'organisaient en kolkhoz enlevaient aux koulaks la terre ainsi que le cheptel vif et mort. Le pouvoir des Soviets abolit les lois sur l'affermage du sol et l'emploi de la main-d'œuvre salariée. C'était une deuxième révolution, comparable à celle d’Octobre, qui mettait fin dans les campagnes à l'ancien régime économique bourgeois, celui de l'exploitation paysanne individuelle, et instituait un régime nouveau, kolkhozien, socialiste. Cette révolution résolvait un certain nombre de problèmes fondamentaux de la construction du socialisme.
Premièrement, elle faisait disparaître la classe d'exploiteurs la plus nombreuse dans le pays, celle des koulaks. La liquidation des koulaks en tant que classe, sur la base de la collectivisation intégrale, joua un rôle décisif dans la destruction des classes exploiteuses. La question de savoir « qui l'emporterait » était tranchée en faveur du socialisme non seulement à la ville, mais aussi à la campagne. Les dernières racines d'une restauration du capitalisme à l'intérieur du pays étaient supprimées. Deuxièmement, elle faisait passer la classe laborieuse la plus nombreuse du pays, celle des paysans, de l'économie individuelle, qui engendre le capitalisme, à l'économie collective, kolkhozienne, socialiste, s'acquittant ainsi de la tâche historique la plus difficile de la révolution prolétarienne. Troisièmement, elle donnait au pouvoir des Soviets une base socialiste dans le domaine le plus vaste, le plus indispensable à l'existence, mais aussi le plus arriéré de l'économie nationale : l'agriculture, qui se développa dès lors comme l'industrie sur la base de la propriété sociale des moyens de production.
L'expérience de l'organisation des kolkhoz en U.R.S.S. a montré que, de toutes les formes de kolkhoz, l'artel agricole est la plus favorable au développement des forces productives de l'agriculture socialiste. Elle concilie judicieusement les intérêts personnels des kolkhoziens et les intérêts collectifs du kolkhoz. Elle adapte de la façon la plus heureuse les intérêts personnels de la vie quotidienne aux intérêts collectifs, facilitant ainsi l'éducation du paysan individuel d'hier dans l'esprit du collectivisme. En vertu des statuts de l'artel agricole sont socialisés les instruments agricoles, le bétail, les stocks de semences, les fourrages destinés au bétail collectif, les locaux d'exploitation indispensables à la bonne marche de l'économie collective, toutes les entreprises traitant les produits agricoles. Des branches de la production aussi importantes que la culture des céréales et celle des plantes industrielles sont entièrement socialisées. L'élevage collectif est organisé dans les fermes des kolkhoz. Ne sont pas socialisés et restent propriété personnelle du foyer kolkhozien, les locaux d'habitation, une certaine quantité de bétail de rapport, la volaille, les bâtiments d'exploitation nécessaires à l'entretien du bétail appartenant en propre au paysan, le menu matériel agricole indispensable à son exploitation auxiliaire individuelle. Conformément aux statuts de l'artel agricole, chaque foyer kolkhozien peut posséder en propre dans les régions produisant des céréales et des plantes industrielles. Si la direction du kolkhoz le juge bon, il peut posséder 2 truies et leurs portées, et jusqu'à 10 chèvres et moutons; dans les régions agricoles où l'élevage est développé : 2 ou 3 vaches et leurs veaux, 2 ou 3 truies et leurs portées, et 10 à 25 chèvres et moutons; dans les régions d'élevage sédentaire et semi-nomade, où l'élevage joue le rôle déterminant : de 4 à 5 vaches et leurs veaux, jusqu'à 30 à 40 chèvres et moutons, de 2 à 3 truies avec leurs portées, ainsi qu'un cheval, ou une jument, on 2 chameaux, ou 2 ânes, ou 2 mulets.
CHAPITRE XXVI - LA VICTOIRE DU SOCIALISME EN U.R.S.S.
L'affermissement du mode socialiste de production.
En 1930, le secteur socialiste détenait déjà les leviers de commande de l'ensemble de l'économie nationale. L’U.R.S.S. était entrée dans la période du socialisme. Cette entrée ne signifiait pas encore la fin de la période de transition, puisque l'édification de la société socialiste n'était pas achevée. Mais c'était déjà la dernière étape de la période de transition. L'offensive du socialisme ne pouvait manquer de se heurter à la résistance désespérée des classes exploiteuses moribondes qui, avec l'appui de l'entourage capitaliste, recouraient au sabotage et au terrorisme. L'U.R.S.S. devint un pays indépendant sous le rapport économique, un pays produisant tout l'équipement technique nécessaire à son économie et à sa défense. Le mode de production le plus progressiste qui ait existé dans l'histoire, le mode de production socialiste, a triomphé en U.R.S.S. En construisant une société socialiste, la classe ouvrière et les travailleurs de l'U.R.S.S., conduits par le Parti communiste, ont réalisé les espoirs de nombreuses générations de travailleurs.
Les changements intervenus dans la structure de classes de la société.
La victoire du socialisme modifia radicalement le caractère et la situation de la classe ouvrière, de la paysannerie et des intellectuels. La classe ouvrière avait cessé d'être une classe dépourvue de moyens de production, vendant sa force de travail et exploitée par les capitalistes. Elle était devenue une classe absolument nouvelle, telle que l'histoire n'en avait encore jamais connue, qui possédait les moyens de production conjointement avec le peuple tout entier et qui était libérée de toute exploitation. C'est la classe la plus avancée de la société, la force motrice de son développement. C'est pourquoi la direction politique de la société (dictature) appartient à la classe ouvrière.
La paysannerie, autrefois classe de petits producteurs dispersés, fondant son existence sur la propriété privée, le travail individuel et une technique primitive, exploitée par les propriétaires fonciers, les koulaks, les marchands et les usuriers, est devenue une classe absolument nouvelle, telle que l'histoire nous le montre. Elle fonde son travail et son avoir sur la propriété sociale, coopérative-kolkhozienne, sur le travail collectif et une technique moderne. En alliance étroite avec la classe ouvrière et sous sa direction, elle prend une part effective à la gestion de l'Etat.
La ville, qui est en régime capitaliste le centre de l'exploitation de la campagne, est devenue en régime socialiste un centre d'aide économique, politique et culturelle de cette dernière. L'assistance efficace apportée à la paysannerie par la ville socialiste pour liquider les grands propriétaires fonciers et les koulaks, ainsi que la fourniture régulière de tracteurs et d'autres machines à la paysannerie et aux kolkhoz, ont resserré l'alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie. Grâce à l'aide de la ville socialiste que la campagne a acquis de nouvelles et puissantes forces productives.
Des intellectuels nouveaux sont apparus, auxquels se sont joints les intellectuels d'autrefois ralliés au peuple après la Révolution. Ces intellectuels sont pour la plupart issus de la classe ouvrière et de la paysannerie. Ils ignorent l'exploitation, servent le peuple laborieux, la cause du socialisme, et ont toute possibilité d'appliquer avec fruit leurs connaissances. Ils sont, comme la classe ouvrière et la paysannerie, des membres de la société égaux en droits, participant activement à l'administration du pays. La victoire du socialisme a mis fin à la séculaire opposition entre le travail manuel et le travail intellectuel. L'instruction a cessé d'être le monopole des classes possédantes. La science sert les intérêts du peuple tout entier, l'instruction est devenue le bien des ouvriers et des paysans.
Il n'y a plus à la campagne de paysans nécessiteux. Le salaire réel des ouvriers et des employés et les revenus réels de la paysannerie ont augmenté. Une révolution culturelle s'est accomplie dans le pays. L’enseignement primaire est devenu général et obligatoire. Le réseau des établissements d'enseignement et la formation des cadres ont pris un développement prodigieux dans l'ensemble du pays. Le nombre des spécialistes pour les différentes branches de l'économie et de la culture a augmenté de plusieurs fois.
Le revenu national a augmenté (à parité de prix) de plus de 4,5 fois en 1937 par rapport à 1913. La production des objets de consommation personnelle par la grande industrie a presque sextuplé en 1937 par rapport à 1913. Rien qu'au cours du second plan quinquennal, le salaire réel des ouvriers et des employés a doublé. Le nombre des élèves des écoles primaires et secondaires est passé de 7,9 millions en 1914 à 29,6 millions en 1937 ; celui des étudiants des établissements d'enseignement supérieur de 117000 à 547200. Le tirage des livres a augmenté de 86,7 millions à 673,5 millions, celui des journaux (au numéro) de 2,7 millions à 36,2 millions. Le pouvoir des Soviets a mis fin à la situation inférieure de la femme. Elle jouit réellement de droits égaux à ceux de l'homme dans tous les domaines de la vie économique, culturelle, sociale et politique. Elle reçoit pour un travail égal un salaire égal à celui de l'homme. La victoire du socialisme a permis à des millions de femmes d'accéder à un travail qualifié.
La lutte des classes antagonistes a pris fin. Ce qui caractérise les rapports de classes dans la société socialiste, c'est l'amitié indissoluble, la collaboration fraternelle de la classe ouvrière, de la paysannerie et des intellectuels. La suppression du chômage, la journée de travail de huit heures, l'établissement de congés annuels payés pour les ouvriers et les employés, les assurances sociales des ouvriers et des employés aux frais de l'Etat, la mise à la disposition des travailleurs d'un vaste réseau de maisons de cure et de repos, la protection par l'Etat des intérêts de la mère et de l'enfant, l'instruction de sept ans générale et obligatoire, la gratuité de l'enseignement primaire, l'attribution par l'Etat de bourses aux étudiants, et par d'autres moyens matériels, etc. caractérisent désormais le pays.
L'U.R.S.S. est entrée dans une nouvelle phase de son développement, celle de l'achèvement de l'édification du socialisme et du passage graduel du socialisme au communisme. Le communisme est un régime social qui ignore les classes et les différences de classes, où tous les moyens de production sont la propriété de l'ensemble du peuple, où le niveau de développement des forces productives assure l'abondance des produits, et où le principe déterminant de la vie sociale est : « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins. » Le socialisme et le communisme sont deux phases d'une seule et même formation économique et sociale : la formation communiste, dont le socialisme constitue la phase inférieure et le communisme la phase supérieure, plus avancée. Le développement du socialisme entraîne la création de la base matérielle et technique du communisme et l'abondance des produits, une prodigieuse élévation du bien-être et du niveau culturel de la population. Le travail constructif et pacifique du peuple soviétique pour bâtir le communisme a été interrompu en 1941 par l'agression perfide de l'Allemagne fasciste et de ses vassaux. La grande Guerre nationale de l'Union soviétique (1941-1945) a été la plus dure de toutes les guerres qu'ait connues la Russie. Elle a confirmé que l'U.R.S.S. possède le régime social et politique le plus solide et le plus viable qui soit. Le régime soviétique a prouvé qu'il était le plus apte non seulement à organiser le progrès économique et culturel du pays dans les années d'édification pacifique, mais aussi à mobiliser toutes les forces du peuple pour riposter à l'ennemi en temps de guerre. Le régime socialiste a permis en un temps très court de créer en U.R.S.S. une économie de guerre bien organisée qui s'est rapidement développée. Au cours de la guerre, les fabrications d'armements ont augmenté rapidement tandis que leur qualité s'améliorait. Malgré l'occupation temporaire par l'ennemi d'importantes régions agricoles, les kolkhoz et les sovkhoz ont, pour l'essentiel, assuré l'approvisionnement de l'armée et du pays en denrées alimentaires et celui de l'industrie en matières premières. Le régime kolkhozien a subi sans faiblir les sévères épreuves de la guerre et montré sa vitalité. La classe ouvrière, la paysannerie, les intellectuels, les femmes et les jeunes ont consenti d'immenses sacrifices et fait preuve d'une abnégation au travail exceptionnel. L'unité morale et politique de la société socialiste, l'amitié des peuples, le patriotisme soviétique ont suscité un héroïsme de masse au front et à l'arrière. Le Parti communiste, qui dirigeait la défense du pays, a su orienter toutes les forces du peuple vers la défaite de l'ennemi. Les avantages décisifs du socialisme, la solidité inébranlable de l'arrière soviétique ont permis à l'U.R.S.S., en coopération avec les alliés, de remporter une victoire économique et militaire dans sa lutte à mort contre l'Allemagne impérialiste, qui disposait des ressources de nombreux pays européens, et contre le Japon impérialiste. Le peuple soviétique, qui a dû supporter le poids principal de la guerre, n'a pas seulement sauvegardé la liberté et l'indépendance de son pays et ses conquêtes socialistes ; il a encore libéré les peuples d'Europe du joug hitlérien malgré le poids de la guerre qu’il a supporté. Les occupants fascistes ont brûlé et détruit 1710 villes, comprenant de très importants centres industriels et culturels, plus de 70000 villages, 31850 entreprises industrielles; ils ont dévasté 98000 kolkhoz, 1876 sovkhoz, 2.890 S.M.T., etc.
La société socialiste a supporté sans faiblir les épreuves d'une guerre particulièrement dure. C'était la preuve de la solidité inébranlable des nouveaux rapports socialistes de production, la preuve de leur supériorité sur les rapports capitalistes. Après avoir triomphé de l'ennemi, elle a pu, en quelques années et par ses propres moyens, atteindre le niveau de sa production d'avant-guerre et même le dépasser sensiblement. Il a fallu au capitalisme un siècle environ, et à la féodalité près de deux siècles pour affirmer leur supériorité sur les modes de production qui les avaient précédés. Le système socialiste d'économie a fourni la preuve de ses avantages indéniables par rapport au capitalisme dès la période de transition, c'est-à-dire en moins de vingt ans. Les faits ont mis en évidence la justesse du marxisme, conception du monde révolutionnaire de la classe ouvrière, la justesse de la théorie léniniste de la révolution socialiste. Cela a renforcé la foi des masses laborieuses dans la force de la classe ouvrière, dans la victoire finale du socialisme à l'échelle mondiale.
B. — Le système socialiste d'économie nationale
CHAPITRE XXVII - LA BASE MATÉRIELLE DE PRODUCTION DU SOCIALISME
Les principaux caractères de la base matérielle de production du socialisme.
La propriété sociale des moyens de production assure l'unité de la production socialiste qui se développe méthodiquement dans l'intérêt de toute la société. La production socialiste est la plus grande et la plus concentrée du monde. Le régime socialiste implique la domination sans partage de la grande production non seulement dans l'industrie, mais aussi dans l'agriculture.
En régime socialiste, les machines sont employées toutes les fois qu'elles épargnent du travail à la société, qu'elles allègent l'effort des ouvriers et des paysans, qu'elles contribuent à accroître le bien-être national. Et comme le chômage n'existe pas en société socialiste, les machines ne peuvent faire concurrence aux travailleurs. C'est pourquoi ceux-ci les emploient très volontiers dans la production. La liquidation de la propriété privée des moyens de production fait qu'en régime socialiste les réalisations de la science et de la technique modernes deviennent le patrimoine de la société tout entière. La production socialiste, qui se propose de satisfaire les besoins sans cesse croissants des masses populaires, implique le développement et le perfectionnement continus de la technique ; la technique ancienne doit être remplacée par une technique nouvelle, celle-ci par une autre, plus nouvelle encore. D'où la nécessité de créer de nouveaux types de machines, mécanismes, instruments et appareils, de nouveaux matériaux et une technologie d'avant-garde, d'en acquérir la pratique et de les intégrer dans la production. Le socialisme assure un accroissement ininterrompu et rapide des forces productives.
L'industrie socialiste.
L'industrie lourde est la base fondamentale de l'économie socialiste. L'industrie joue un rôle des plus importants dans l'accroissement de la consommation nationale. Les industries légère et alimentaire, dotées d'un matériel perfectionné, produisent d'une année à l'autre plus d'articles de consommation courante. En régime socialiste, la spécialisation indique que la société tire méthodiquement parti des avantages de la division du travail entre les différentes entreprises. Elle permet d'utiliser un outillage à grand rendement, de standardiser, de produire en série et à la chaîne, ce qui assure une augmentation considérable de la productivité du travail. La coopération des entreprises industrielles consiste dans l'établissement planifié de rapports de production réguliers entre les entreprises qui participent à la fabrication d'un article déterminé, mais constituent des unités économiques indépendantes les unes des autres. La coopération des entreprises dans le cadre d'une même région économique, qui évite les transports sur de trop longues distances, revêt une grande importance. La coopération planifiée des entreprises permet un important relèvement de la productivité du travail social.
L'agriculture socialiste.
Une agriculture socialiste rationnellement organisée suppose une certaine spécialisation des entreprises agricoles. La spécialisation des entreprises agricoles socialistes consiste à déterminer pour chacune d'elles, en vertu d'un plan et en fonction des conditions naturelles et économiques de la région ou de la zone correspondante, les branches maîtresses, et à côté d'elles les branches complémentaires. Elle ne répudie donc pas, mais suppose le développement d'exploitations aux activités multiples, où les branches maîtresses et complémentaires sont judicieusement associées. Cette organisation de l'agriculture socialiste permet de tirer le meilleur parti de la terre et de la main-d'œuvre. L'agrandissement des exploitations et leur rééquipement technique s'accompagnent de la formation de nouveaux cadres de producteurs agricoles sachant mettre en œuvre les techniques modernes les plus perfectionnées et les connaissances agronomiques. L'emploi généralisé d'un outillage nouveau a donné naissance à de nouvelles professions nécessitées par la motoculture : celles de conducteur de tracteur et de moissonneuse-batteuse, de mécanicien, de conducteur de batteuse, d'arracheuse de lin etc.
Les voies du progrès technique en régime socialiste.
En régime socialiste, le progrès technique résulte surtout du perfectionnement des moyens de production et des processus technologiques, de la mécanisation et de l'automatisation de la production, de l'électrification de l'économie nationale, d'applications toujours plus étendues de la chimie à la production, de l'utilisation de l'énergie atomique à des fins pacifiques. La base du progrès technique est le perfectionnement des instruments de production : augmentation du rendement des machines, mesures tendant à rendre leur fonctionnement plus économique et plus sûr, à accroître leur durée de service, à développer l'automatisme de leur conduite, à réduire la quantité du métal et des autres matériaux nécessaires à leur fabrication. Le socialisme ouvre de vastes possibilités au perfectionnement continu des instruments de production et des processus technologiques. Il est impossible de développer la base matérielle de production du socialisme sans lutter résolument contre la stagnation technique, la routine ; il faut, à cet effet, intégrer dans la production, rapidement et sur une grande échelle, toutes les réalisations de la science et de la technique.
La mécanisation combinée reçoit en régime socialiste un développement de plus en plus considérable. Elle consiste à mécaniser, grâce à un système de machines se complétant mutuellement, toutes les phases de la production liées entre elles, qu'elles soient fondamentales ou auxiliaires. Elle fait disparaître les solutions de continuité dans la mécanisation du travail. On a ainsi un système de machines qui embrasse l'ensemble du processus de production. A son degré supérieur, la mécanisation devient l'automatisation, ou emploi de machines automatiques fonctionnant par auto-régulation. L'automatisation est étroitement liée à la télémécanique, c'est-à-dire à la commande et au contrôle à distance du fonctionnement des mécanismes (télécommande). Quand un ensemble de machines embrassant toutes les phases de la production fonctionne en se réglant lui-même, on a un système automatique de machines qui s'acquitte de toutes les opérations nécessaires pour transformer la matière première en produit fini sans l'intervention directe de l'homme et ne nécessite qu'un contrôle de la part de ce dernier.
La réorganisation de toutes les branches de l'économie sur la base de la grande production mécanique et la mécanisation toujours plus poussée des différents processus du travail sont étroitement liées à l'électrification, qui constitue au point de vue technique le fondement de la grande production moderne. Le socialisme assure l'application méthodique de l'électricité dans toutes les branches de l'économie nationale. L'électrification est caractérisée : premièrement, par la centralisation de la production de l'énergie électrique et sa concentration dans de grandes stations; par le développement rapide des lignes de transport d'énergie à haute tension groupant les centrales en de grands systèmes régionaux ou interrégionaux, pour former par la suite un réseau unique; deuxièmement, par la construction de nombreuses centrales hydroélectriques et l'augmentation constante de leur part dans la production totale de l'énergie électrique, ce qui constitue un des principaux moyens d'accroître les ressources énergétiques du pays; troisièmement, par le développement du chauffage urbain dans les grandes villes et les centres industriels.
Le progrès de la technique moderne se traduit également par le prodigieux développement qu'a pris la chimie et par l'emploi des méthodes de traitement chimique de la matière qui accélèrent la production, permettent une meilleure utilisation des matières premières et la création de nouveaux types de matières premières et de matériaux. Des applications de la chimie à l'agriculture dépendent dans une grande mesure l'augmentation des rendements agricoles et la création de l'abondance des biens de consommation. La découverte des méthodes d'obtention et d'utilisation de l'énergie atomique est le sommet de l'étape actuelle du développement de la technique.
CHAPITRE XXVIII - LA PROPRIÉTÉ SOCIALE DES MOYENS DE PRODUCTION, BASE DES RAPPORTS DE PRODUCTION EN RÉGIME SOCIALISTE
Le système socialiste d'économie nationale et la propriété socialiste.
Dans la société socialiste, il n'existe pas de classes monopolisant les moyens de production, ni de classes qui en sont privées ; les moyens de production sont propriété sociale. Les principaux éléments du processus de production : la force de travail et les moyens de production, sont ici associés sur une base nouvelle, qui est la grande production.
Au cours de la révolution socialiste, la grande propriété capitaliste est expropriée et passe aux mains de l'Etat socialiste. Les paysans conservent leurs propriétés. L'existence de deux formes de propriété sociale est donc une nécessité objective ; elle marque les deux voies différentes par lesquelles la classe ouvrière et la paysannerie viennent au socialisme, puis au communisme. Les entreprises d'Etat et les exploitations collectives ont ceci de commun que les unes et les autres : 1° sont fondées sur des moyens de production socialisés, socialistes, et sur le travail collectif ; 2° excluent la possibilité d'une exploitation de l'homme par l'homme; 3° fonctionnent suivant un plan en vue de satisfaire les besoins croissants des travailleurs; 4° appliquent le principe socialiste de la répartition selon le travail.
Mais, par ailleurs, entre la propriété d'Etat et la propriété coopérative-kolkhozienne, de même qu'entre les entreprises d'Etat et les exploitations coopératives (collectives), il existe certaines différences. 1° Dans les entreprises d'Etat règnent les rapports de production socialistes sous leur forme la plus évoluée et la plus conséquente. La propriété d'Etat est le bien du peuple entier. Dans les entreprises d'Etat, tous les moyens de production sans exception sont socialisés. La propriété coopérative-kolkhozienne est la propriété de groupes, de collectivités ou d'associations de travailleurs (artel agricole, société de consommation, coopérative artisanale) ; dans les kolkhoz (lorsqu'ils ont la forme d'artels) les principaux moyens de production des paysans membres des coopératives sont collectivisés sur la base du libre consentement; en vertu des Statuts de l'artel agricole, une partie des moyens de production n'est pas socialisée et reste la propriété personnelle du foyer kolkhozien (exploitation auxiliaire individuelle du kolkhozien). 2° La production des entreprises d'Etat est la propriété de l'Etat socialiste et est réalisée selon les modalités et aux prix établis par les organismes d'Etat. La production du kolkhoz est la propriété de ce dernier. Une partie lui permet de s'acquitter de ses obligations envers l'Etat au titre du stockage à des prix fermes établis par l'Etat, et de payer en nature les travaux exécutés au kolkhoz par la station de machines et de tracteurs. Tout le reste est à la disposition de l'artel, sert à constituer les fonds sociaux kolkhoziens statutaires et est réparti entre les membres de l'artel au prorata des journées-travail effectuées. Une partie de la production des kolkhoz est aussi vendue à l'Etat à des prix supérieurs aux prix de stockage ou sur le marché kolkhozien aux prix de ce dernier. 3° Dans les entreprises d'Etat, qui sont le bien du peuple entier, la part du produit social qui va à la consommation personnelle de l'ouvrier lui est versée sous forme de salaire. L'Etat établit d'avance le taux de la rémunération du travail par pièce produite ou par unité de temps. Le kolkhozien, membre d’une artel, reçoit la part de revenu à laquelle il a droit d'après le nombre des journées-travail qu'il a accomplies, part qui est prélevée sur les fonds de son kolkhoz. Le montant de cette part du revenu dépend aussi bien du degré de participation du kolkhozien au travail social (nombre des journées travail effectuées) que de la productivité du travail et du développement de l'économie collective du kolkhoz (montant de la rémunération de chaque journée-travail). Le revenu de chaque kolkhozien varie avec les résultats du travail du kolkhoz dans son ensemble, le rendement des cultures et la productivité de l'élevage. Le salaire est versé à l'ouvrier des entreprises étatiques en espèces. Les revenus de l'artel sont répartis entre les kolkhoziens en espèces et en nature (produits agricoles). Si l'ouvrier tire son revenu uniquement du travail qu'il accomplit dans l'entreprise socialiste, le kolkhozien a pour principal source de revenu son travail dans l'exploitation collective du kolkhoz, et pour source d'appoint celui qu'il effectue dans son exploitation auxiliaire individuelle. Le kolkhozien réalise sur le marché une partie de la production qu'il a reçue au titre des journées-travail et de celle qui provient de son exploitation auxiliaire individuelle. 4° L'Etat socialiste administre lui-même les entreprises qui lui appartiennent par l'intermédiaire de directeurs, ses fondés de pouvoirs que nomment et révoquent ses organismes compétents. Ce sont des organismes d'Etat qui planifient toute l'activité de ces entreprises en matière de production et établissent les principales dispositions concernant l'organisation socialiste du travail. Dans les kolkhoz, en raison de leur nature coopérative, toutes les affaires sont gérées par l'organe supérieur de l'artel agricole : l'assemblée générale des kolkhoziens, ainsi que par la direction et le président du kolkhoz qu'elle a élus. Les plans de production et le budget de l'artel, le règlement intérieur, les normes de rendement et leur tarification, les modalités de la répartition des revenus sont fixées par les kolkhoziens eux-mêmes sur la base des Statuts de l'artel agricole, en s'inspirant des lois existantes, des objectifs assignés par le plan et les directives de l'Etat socialiste.
Les différences qui existent entre les entreprises d'Etat et les exploitations coopératives (collectives) ne sont pas essentielles. Ces différences entre les deux formes d'économie ne sortent cas du cadre des rapports de production socialistes. La propriété d'Etat est la forme supérieure de la propriété socialiste, de même que la production d'Etat est la forme supérieure de la production socialiste. Les entreprises fondées entièrement sur la propriété d'Etat sont des entreprises de type socialiste conséquent. Ce sont, disait Lénine, des entreprises où les moyens de production appartiennent à l’Etat ; de même la terre où se trouve l'entreprise et toute l'entreprise dans son ensemble
Dans les entreprises d'Etat, les moyens de production, le travail des ouvriers et des employés et ce qu'ils produisent sont socialisés à l'échelle de toute la société. Les grandes fabriques de denrées agricoles que constituent les sovkhoz sont le bien du peuple entier.
La propriété personnelle en régime socialiste.
La propriété sociale s'étend, en régime socialiste, aux moyens de production et à la production elle-même. Une partie de celle-ci est utilisée par la suite comme moyens de production et reste propriété sociale. L'autre partie, qui se compose de biens de consommation, est répartie entre les producteurs selon la quantité et la qualité du travail fourni par chacun d'eux, et devient leur propriété personnelle. Loin d'abolir la propriété personnelle des objets de consommation, le socialisme crée la seule garantie durable d'une satisfaction toujours plus complète des besoins personnels de tous les membres de la société.
Le caractère des rapports de production socialistes.
La propriété privée des moyens de production ne peut manquer de désunir les hommes, d'engendrer des rapports de domination et de subordination, l'exploitation des uns par les autres, de provoquer une opposition d'intérêts, la lutte des classes et la concurrence, alors que la propriété sociale des moyens de production unit les hommes, garantit une véritable communauté d'intérêts et une coopération amicale. En régime socialiste, les moyens de production sont propriété sociale et la production vise à satisfaire les besoins de toute la société et de chacun de ses membres. Le travail s'y divise en deux parties : le travail pour soi et le travail pour la société. Le produit du travail (déduction faite de la partie destinée à remplacer les moyens de production usés) se divise également en deux parties : le produit pour soi et le produit pour la société. Le travail pour soi crée le produit à répartir entre les producteurs selon la quantité et la qualité de leur travail ; il est destiné à satisfaire les besoins personnels du travailleur et de sa famille. Le travail pour la société crée le produit qui doit couvrir les besoins sociaux : extension de la production, développement de l'instruction, protection de la santé publique, organisation de la défense nationale, etc. Le produit pour la société, destiné à développer la production socialiste, multiplie les conditions matérielles d'un relèvement continu du bien-être des travailleurs. Le produit pour la société consacré à l'instruction, à la protection de la santé publique, à la sécurité sociale et aux autres besoins généraux de la population contribue à satisfaire les besoins des travailleurs au même titre que le produit pour soi. Des bienfaits de la grande production sociale, qui accroît prodigieusement la puissance productive du travail, bénéficient la totalité de la société et les masses travailleuses, et non plus les exploiteurs comme c'est le cas en régime capitaliste.
CHAPITRE XXIX - LA LOI ÉCONOMIQUE FONDAMENTALE DU SOCIALISME
Le caractère des lois économiques en régime socialiste.
Les lois économiques du socialisme, de même que les lois économiques de tout autre mode de production, apparaissent et agissent en dehors de la volonté de l'homme, c'est-à-dire ont un caractère objectif. Elles ne peuvent être créées, formées, transformées ou abolies par la volonté de l'homme. C'est seulement en agissant sur la base de ces lois que peut s'effectuer le développement de la société socialiste. Nier le caractère objectif des lois économiques du socialisme, ce serait liquider l'économie politique du socialisme en tant que science, priver la société socialiste de la possibilité de prévoir le cours des événements dans la vie économique du pays et d'assurer la direction de l'économie nationale. C'est s'écarter du marxisme et rejoindre les positions de l'idéalisme subjectif, c'est aller inévitablement à une politique d'aventures, à l'arbitraire dans la gestion pratique de l'économie. Une fois le capitalisme aboli et les moyens de production socialisés, les hommes deviennent les maîtres de leurs rapports sociaux et économiques. Ayant appris à connaître les lois objectives, ils peuvent s'en rendre maîtres et les appliquer en connaissance de cause dans l'intérêt de toute la société.
Les traits essentiels de la loi économique fondamentale du socialisme.
La loi économique fondamentale du socialisme indique le but de la production socialiste et le moyen d'y parvenir. Le but de la production est déterminé par les rapports qui découlent du caractère de la propriété des moyens de production. Si les moyens de production appartiennent à la bourgeoisie, la production a nécessairement pour but d'enrichir les détenteurs du capital, et les travailleurs, c'est-à-dire l'immense majorité de la société, n'interviennent que comme objet d'exploitation. La consommation des travailleurs n'intéresse le capitalisme que dans la mesure où elle lui assure des profits ; aussi l'homme et ses besoins ne peuvent pas être le but de la production. Quand les moyens de production appartiennent au peuple laborieux, et que les classes exploiteuses ont été anéanties, la production sert les intérêts des travailleurs, c'est-à-dire de toute la société socialiste. Satisfaire au mieux les besoins matériels et culturels croissants des hommes devient le but immédiat de la production. Le degré de satisfaction des besoins de la population dépend du niveau du développement de la production dans la période considérée, des ressources dont dispose la société socialiste. Sans un essor permanent de la production, il est impossible d'augmenter sans cesse la consommation nationale. L'essor permanent de la production n'assure pas seulement la fabrication des produits nécessaires à la satisfaction des besoins croissants de la société, mais stimule aussi l'apparition de nouveaux besoins. A son tour, l'augmentation continuelle des besoins matériels et culturels des travailleurs, de leur pouvoir d'achat, est la condition nécessaire d'un progrès indéfini de la production. Grâce à l'augmentation systématique du pouvoir d'achat de la population se forme une demande solvable constamment accrue des produits de l'industrie et de l'agriculture socialistes. La société socialiste, où la consommation nationale augmente régulièrement, n'a pas à redouter les crises de surproduction et peut, par suite, développer sans arrêt la production. L'essor ininterrompu de la production socialiste requiert le perfectionnement continu des méthodes de production, l'élévation incessante de la productivité du travail social, qui permet d'abaisser systématiquement les prix et d'améliorer la qualité de la production, ce qui est d'une grande importance pour la satisfaction des besoins des travailleurs.
La loi économique fondamentale du socialisme et le développement de la production socialiste.
La loi économique fondamentale du socialisme est indissolublement liée à la loi du développement prioritaire, c'est-à-dire des branches produisant des moyens de production par rapport à celui des branches fournissant des objets de consommation individuelle. Le développement prioritaire de l'industrie lourde est la condition nécessaire du progrès technique dans toute l'économie nationale, d'un meilleur équipement technique du travail social, et par conséquent du perfectionnement de la production sur la base d'une technique supérieure. Plus le niveau de la technique et de l'organisation de la production est élevé, et plus vastes sont les ressources dont dispose la société socialiste pour satisfaire les besoins croissants des travailleurs. Le régime économique socialiste fait que les travailleurs ont un intérêt direct à augmenter la production, à appliquer en grand les techniques modernes. A son tour, cet intérêt du peuple à développer la production socialiste stimule sans cesse l'initiative créatrice des masses en vue de perfectionner au maximum la production. C'est là la principale raison de l'essor ininterrompu que connaît l'économie socialiste.
La loi économique fondamentale du socialisme et l'accroissement du bien-être des travailleurs.
Les progrès ininterrompus de la production socialiste sont la base solide de l'élévation constante du niveau d'existence matérielle et culturelle du peuple. En régime socialiste, la masse du produit créé par le travail pour soi et destiné à la consommation individuelle des travailleurs ne cesse de s'accroître, de même que la masse du produit créé par le travail pour la société, destiné d'une part à développer la production et d'autre part à satisfaire les besoins matériels et culturels des travailleurs. L'existence d'un vaste réseau de services sociaux et culturels gratuits, que l'Etat met à la disposition de toute la population, est un facteur constant d'accroissement des revenus réels des travailleurs. Il existe en Union soviétique un système d'assurances sociales et de sécurité sociale qui ne saurait être égalé en régime capitaliste. Le socialisme, c'est l'amélioration constante des conditions de travail et de vie des masses populaires. Les services d'utilité publique, autrefois source d'enrichissement pour les capitalistes, deviennent un moyen d'élever le niveau d'existence de la population.
Alors qu'en régime capitaliste les travailleurs n'ont accès à l'instruction que dans les limites étroites dictées par les intérêts de l'exploitation capitaliste, le socialisme crée les conditions qui permettent de donner de plus en plus satisfaction aux besoins rapidement accrus des masses dans le domaine de l'instruction, de la culture, de la science et de l'art. D'importantes mesures ont été prises en U.R.S.S. dans le domaine de la culture pour donner satisfaction aux besoins culturels croissants du peuple : gratuité de l'instruction et de l'enseignement professionnel, attribution de bourses aux étudiants, extension méthodique du réseau des écoles, des établissements culturels et éducatifs, des bibliothèques, des clubs, augmentation du volume des éditions, etc. Le nombre des personnes qui étudient en U.R.S.S. est passé de 8 millions en 1914 à plus de 50 millions en 1954.
Le rôle économique de l'Etat socialiste.
C'est dans la pratique de l'édification communiste que l'Etat socialiste apprend à connaître et à utiliser les lois économiques objectives du socialisme, et c'est avant tout dans la mesure où elle satisfait à leurs exigences que sa politique économique est couronnée de succès.
La loi économique fondamentale du socialisme entraîne pour l'Etat socialiste la nécessité de veiller constamment à la satisfaction maximum des besoins sans cesse croissants du peuple, sur la base d'un développement rapide des forces productives. L'Etat socialiste consacre son activité à l'amélioration générale de la vie des travailleurs. Il tient compte de la variété des besoins de la société, et c'est en conformité de ces besoins croissants qu'il développe et perfectionne la production, organise l'intégration des techniques modernes dans toutes les branches de l'économie nationale et l'augmentation continue de la productivité du travail social, procède aux grands travaux et à la répartition géographique de la production, assure l'accroissement de l'accumulation socialiste. En fonction des conditions réelles, d'ordre intérieur et international, l'Etat définit à chaque étape les tâches concrètes qui se posent en matière d'organisation économique, fixe l'orientation et les rythmes du développement de l'économie nationale, améliore les méthodes de gestion. Il s'appuie sur les résultats du passé, mais aussi sur les tendances qui se dessinent, et il exerce sa fonction d'organisation économique en se fondant sur les prévisions scientifiques. Le marxisme-léninisme, science sociale d'avant-garde, constitue la base théorique des activités multiples de l'Etat socialiste. Un principe essentiel de la direction de l'économie par l'Etat est l'unité de l'économie et de la politique. La politique et l'économie sont en pratique inséparables. Le Parti communiste, qui oriente l'activité de tous les organismes d'Etat et de toutes les organisations sociales des travailleurs, est la force dirigeante et organisatrice de l'Etat socialiste. Le Parti donne des directives sur la base desquelles sont dressés les plans de l'économie nationale ; il met au point les principales mesures d'ordre économique qui ont une importance vitale pour l'ensemble du pays. Etant étroitement lié aux masses laborieuses, il mobilise les ouvriers, les intellectuels pour l'accomplissement des tâches économiques et politiques.
Dans la société socialiste, les classes exploiteuses ont disparu, mais il existe toujours des éléments arriérés, porteurs de tendances et d'habitudes nées de la propriété privée, qui contrarient le développement des tendances nouvelles, progressistes, dans l'économie socialiste ; il existe aussi des dilapidateurs de la propriété sociale, des bureaucrates qui se moquent des besoins du peuple. Des survivances du capitalisme subsistent encore dans la conscience des hommes. L'Etat se penche avec sollicitude sur le nouveau qui commence à poindre, l'affermit, concourt à la diffusion des méthodes de travail les plus avancées ; il soutient une lutte opiniâtre contre toutes les forces d'inertie, contre toutes les manifestations de retard, de stagnation, de routine qui empêchent un développement rapide de la production socialiste. La critique et l'autocritique sont une des formes essentielles de la lutte du nouveau contre l'ancien. Puissants facteurs du développement de la société socialiste, elles stimulent l'activité des masses populaires, permettant ainsi de déceler les défauts et les difficultés dans le travail et d'y remédier, d'éliminer toute manifestation d'esprit bureaucratique, de faire apparaître de nouvelles possibilités d'accélérer les rythmes du développement économique et de lever ainsi les contradictions de la société socialiste. Outre les contradictions internes non antagonistes de la société socialiste, il existe une contradiction externe, antagoniste, entre les pays du camp socialiste et les forces de l'impérialisme.
CHAPITRE XXX - LA LOI DU DÉVELOPPEMENT HARMONIEUX, PROPORTIONNÉ, DE L'ÉCONOMIE NATIONALE
La nécessité d'un développement harmonieux de l'économie nationale en régime socialiste.
L'anarchie et le laissez-faire sont incompatibles avec le développement de la société socialiste. Les proportions nécessaires dans la répartition des moyens de production et de la main-d'œuvre entre les différentes branches de l'économie nationale ne peuvent s'établir que d'une façon harmonieuse. Contrairement à la propriété privée des moyens de production, qui divise les producteurs de marchandises et engendre la concurrence et l'anarchie de la production, la propriété sociale unit les nombreuses entreprises en un tout économique subordonné à un but commun, découlant des exigences de la loi économique fondamentale du socialisme. La grande production collectivisée socialiste ne peut se développer sans un plan commun, qui donne à toute la société une unité d'action et assure les proportions nécessaires dans le développement des différentes branches et entreprises et de l'économie nationale dans son ensemble. De même que le capitalisme suppose la concurrence et l'anarchie de la production qui entraînent un gaspillage du travail social, le socialisme ne saurait se concevoir sans un développement harmonieux de l'économie nationale, assurant un usage rationnel, dans un esprit d'épargne du travail et de ses résultats.
Les traits et les exigences essentiels de la loi du développement harmonieux de l'économie nationale.
La loi du développement harmonieux, proportionné, de l'économie nationale est le régulateur de la production socialiste ; c'est en fonction de cette loi que s'effectue la répartition des moyens de production et de la main-d'œuvre entre les différentes branches de l'économie socialiste. Cette loi exige une gestion planifiée de l'économie nationale, un développement proportionné de toutes les branches de l'économie socialiste, l'utilisation la plus complète et la plus efficace des ressources matérielles, de la main-d'œuvre et des ressources financières du pays. La loi du développement harmonieux de l'économie nationale signifie avant tout qu'il est nécessaire de maintenir des proportions déterminées entre les parties et les éléments de l'économie nationale.
Pour qu'il y ait augmentation constante de la production sur la base d'une technique supérieure, les branches produisant des moyens de production doivent, nous l'avons dit, se développer plus rapidement que les branches fournissant des objets de consommation. L'établissement de justes proportions entre l'industrie et l'agriculture a une importance primordiale pour le développement harmonieux de l'économie nationale. Pour que la production puisse se développer sans rupture, des proportions correctes sont donc nécessaires non seulement entre l'industrie et l'agriculture, mais aussi entre les différentes branches industrielles et les diverses branches de l'agriculture. C'est ainsi qu'un retard prolongé de l'élevage freine le développement continu des industries légère et alimentaire. De leur côté, les progrès de l'élevage sont contrecarrés par l'insuffisance de la base fourragère, par le retard de la production des céréales.
Le développement proportionné de l'économie nationale exige que la production socialiste soit rationnellement répartie entre les différentes régions du pays : que l'industrie se rapproche des sources de matières premières et des régions consommatrices; que soit assuré le développement économique complexe des différentes régions, compte tenu de leurs particularités, en associant de façon judicieuse l'activité des diverses branches de production et en utilisant le plus complètement possible les ressources locales; que soit réduit le nombre des transports lointains et irrationnels par chemin de fer et par eau.
Etant donné qu'un certain nombre de puissances capitalistes pratiquent la course aux armements et que les milieux agressifs de l'impérialisme échafaudent les plans d'une guerre dirigée contre les pays du camp socialiste, il est nécessaire de maintenir dans l'économie nationale des proportions qui garantissent au pays du socialisme une solide base économique en cas d'agression du dehors. L'existence d'un camp socialiste puissant et uni rend indispensable la coordination planifiée de l'économie de tous les pays qui le composent.
La loi du développement harmonieux de l'économie nationale et la planification socialiste.
Diriger l'économie nationale selon un plan, c'est prévoir. La prévision scientifique est fondée sur la connaissance des lois économiques objectives ; elle a son point de départ dans les besoins du développement de la vie matérielle de la société. Pour planifier correctement, il faut avant tout connaître et savoir appliquer la loi du développement harmonieux de l'économie nationale. Il faut dresser des plans qui répondent entièrement aux exigences de cette loi. Dans la pratique, les plans ne répondent pas toujours exactement aux exigences de la loi du développement harmonieux de l'économie nationale. Quand celles-ci sont enfreintes, des disproportions se révèlent dans certains secteurs de l'économie nationale, le cours normal de la production et de la circulation est troublé. Si, par exemple, le plan prévoit la fabrication d'un certain nombre d'automobiles, mais qu’il n’y ait pas la quantité nécessaire de tôle d'acier, le programme ne peux pas être exécuté. Les organismes de planification ont à tenir compte, lorsqu'ils établissent les plans, des exigences de la loi du développement harmonieux, à prévenir toute disproportion et, s'il s'en produit, à prendre en temps utile les mesures propres à y remédier. Les réserves, qu'il s'agisse de ressources matérielles ou financières ou de main-d'œuvre, jouent un rôle important dans le développement ininterrompu de l'économie nationale. Elles donnent la possibilité d'éliminer rapidement les disproportions qui se manifestent dans certains secteurs, ou de les prévenir ; elles permettent plus de souplesse dans le maniement des ressources.
La planification socialiste s'appuie également sur l'utilisation des autres lois économiques du socialisme. C'est ainsi que la loi de la répartition selon le travail est une condition nécessaire de la gestion planifiée de l'économie. Cette loi fait que les producteurs ont un intérêt matériel à augmenter la productivité du travail ; elle est l'un des moteurs de la production socialiste. La planification socialiste implique la nécessité d'utiliser des instruments économiques se rattachant à l'action de la loi de la valeur : prix, monnaie, commerce, crédit. Le principe de la gestion équilibrée, qui incite à gérer la production dans un esprit d'épargne, à mobiliser les ressources intérieures, à réduire les prix de revient et à augmenter la rentabilité de l'entreprise, est aussi un instrument de planification.
La planification socialiste combine les plans perspectifs, qui traduisent la ligne fondamentale du développement économique pour un certain nombre d'années, avec les plans courants, programmes concrets des travaux à exécuter dans des délais plus réduits.
Il faut mentionner, parmi les plans perspectifs, les plans quinquennaux de développement de l'économie nationale, ainsi que ceux qui sont dressés pour de plus longues périodes. Parmi les plans courants, il convient de ranger les plans annuels. Les plans courants sont élaborés à partir des plans perspectifs. Les conditions et particularités locales doivent jouer un très grand rôle dans la planification qui, si elle est stéréotypée et ignore ces particularités, contredit aux exigences de la loi du développement harmonieux de l'économie nationale. Une centralisation excessive, la tendance à planifier d'en haut jusqu'aux moindres détails sans connaître suffisamment, ni prendre en considération les conditions et les possibilités locales entraînent des erreurs dans la planification, paralysant les initiatives de la base, empêchant d'utiliser au maximum les ressources locales et les immenses réserves des différentes branches de l'économie socialiste et dans les entreprises. Un système de planification bien compris implique que les organismes centraux compétents fixent pour chaque région les indices et les objectifs fondamentaux et déterminants relatifs à la production agricole et à la livraison des produits agricoles à l'Etat.
Une des principales méthodes utilisées pour établir dans l'économie nationale des proportions correctes, répondant aux exigences de la loi du développement harmonieux, est la mise au point d'un système de balances. L'Etat socialiste fixe ainsi les proportions, exprimées en nature et en argent, dans le développement de l'économie nationale, détermine les ressources et leur répartition par branches d'activité et catégories de produits. La confrontation des ressources existantes et des besoins que l'on en éprouve fait apparaître les points faibles de l'économie nationale, les disproportions entre les différentes branches quant au niveau et aux rythmes de leur développement, et suggère les mesures à prendre pour y remédier. Par ailleurs, le système des balances permet de déceler des ressources supplémentaires résultant d'une économie de matières premières et de matériaux, ainsi que d'une meilleure utilisation de l'équipement, ressources qui contribueront à accroître la production et la consommation. On distingue les balances des ressources matérielles (exprimées en nature), les balances exprimées sous forme monétaire, et les balances de la main-d'œuvre.
Les balances des ressources matérielles font apparaître la corrélation qui existe entre la production et la consommation d'un produit ou d'un groupe de produits sous leur forme naturelle. Elles portent sur les principaux produits. Elles sont indispensables pour dresser les plans de fourniture de moyens de production à toutes les branches de l'économie nationale par ministères et par départements. Parmi les balances exprimées sous forme monétaire, il faut ranger notamment celles des revenus et des dépenses en argent de la population, du revenu national et de sa répartition. Les balances de la main-d'œuvre déterminent les besoins de l'économie nationale en main-d'œuvre et en cadres qualifiés, ainsi que les moyens de couvrir ces besoins.
La planification socialiste, qui reflète les exigences de la loi du développement harmonieux de l'économie nationale, établit des directives. Les dirigeants de l'économie sont tenus d'en assurer l'exécution régulière, suivant le rythme prévu, par chaque entreprise, tout au long de l'année, du trimestre et du mois, en ce qui concerne non seulement le volume de la production, mais aussi son amortissement ; ils sont tenus d'améliorer sans cesse la qualité de la production et de réduire les prix de revient conformément aux prévisions du plan. Les plans orientent le travail de millions d'hommes à l'échelle de tout le pays, donnent aux masses laborieuses une perspective nette, les incitent à accomplir de véritables exploits dans le travail. Le plan, c'est l'activité créatrice et vivante des masses. La planification socialiste exige qu'une lutte intransigeante soit menée contre les tendances, contraires aux intérêts de l'Etat, qui se traduisent par les tentatives faites pour opposer les intérêts d'une entreprise, d'une région ou d'un service à ceux du pays tout entier. L'un des aspects les plus importants de la direction planifiée de l'économie nationale est la vérification de l'exécution du plan, qui permet d'établir jusqu'à quel point celui-ci traduit les exigences de la loi du développement harmonieux de l'économie nationale, et comment il se réalise.
Une organisation socialiste planifiée ne saurait se concevoir sans un recensement correct. Or, qui dit recensement dit statistique. Dans l'économie socialiste, le recensement et la statistique sont organiquement associés au plan de l'économie nationale. Les statistiques relatives à l'accomplissement du plan sont indispensables à l'établissement du plan pour la période suivante.
Les avantages de l'économie planifiée.
Contrairement à L’économie capitaliste où des rapports proportionnés sont un effet du hasard et où l'économie se développe de façon cyclique, en passant par des crises périodiques, l'économie socialiste se développe sans discontinuer, suivant une ligne ascendante et à des rythmes élevés, sur la base des proportions établies par l'Etat socialiste conformément aux exigences de la loi du développement harmonieux de l'économie nationale et de la loi économique fondamentale du socialisme. Au cours des plans quinquennaux d'avant-guerre, c'est-à-dire en environ 13 ans, l'Union soviétique a effectué un bond formidable qui, de pays autrefois agricole et arriéré, a fait d'elle une puissance industrielle avancée, alors que le monde capitaliste traversait deux crises économiques qui se sont accompagnées de la destruction d'importantes forces productives, d'une augmentation prodigieuse du chômage et d'une brutale aggravation de la paupérisation des masses.
L'économie socialiste planifiée exclut le chômage et garantit le plein emploi de toute la force de travail de la société. L'économie capitaliste engendre fatalement le chômage, qui est pour les capitalistes un moyen de s'assurer une main-d'œuvre à bon marché. L'économie planifiée développe la production afin de satisfaire les besoins de toute la société. L'économie socialiste planifiée permet un développement méthodique de la science et de la technique conforme aux besoins de l'économie nationale. Toute tentative de planifier l'économie nationale dans les pays capitalistes et d'y éliminer les crises de surproduction aboutit immanquablement à un échec.
CHAPITRE XXXI - LE TRAVAIL SOCIAL EN RÉGIME SOCIALISTE
Le caractère du travail en régime socialiste.
Les travailleurs mettent en œuvre des moyens de production qui sont leur propriété ; ils travaillent pour eux-mêmes, pour leur société. Le travail est affranchi de toute exploitation. Le travail de chaque producteur se présente donc directement comme une partie de l'ensemble du travail social. L'organisation méthodique du travail social crée la possibilité, inconnue en régime capitaliste, d'utiliser intégralement les ressources en main-d'œuvre à l'échelle de toute la société. En régime socialiste, la situation sociale du travailleur est complètement transformée. La situation de chacun en société socialiste dépend uniquement de son travail et de ses aptitudes. Alors que le régime d'exploitation a, pendant des siècles, inspiré à de nombreuses générations de travailleurs le dégoût du travail considéré comme un lourd fardeau et un déshonneur, le socialisme fait du travail une question d'honneur, de vaillance et d'héroïsme, lui confère un caractère de plus en plus créateur. Dans la société socialiste, l'homme qui travaille, s'il travaille bien et fait preuve d'initiative pour améliorer la production, est entouré de considération et de gloire. Tout cela crée des stimulants sociaux du travail, inconnus en régime capitaliste. A côté de la grande masse des producteurs qui s'acquittent scrupuleusement de leurs obligations envers la société et font preuve d'initiative créatrice dans le travail, il en est qui n'accomplissent pas leur devoir, enfreignent la discipline du travail, cherchent à donner le minimum à la société socialiste et à en obtenir le maximum. En régime socialiste, il subsiste d'importants vestiges de l'ancienne division du travail : les différences essentielles entre le travail manuel et le travail intellectuel, entre le travail de l'ouvrier et le travail du paysan, les différences entre le travail simple et le travail qualifié, le travail pénible et le travail facile. Ces vestiges ne disparaissent que graduellement à mesure que se développent les forces productives du socialisme et qu'est créée la base matérielle de production du communisme.
Le travail, devoir des membres de la société socialiste. La réalisation du droit au travail.
Pour la première fois dans l'histoire en U.R.S.S., en régime socialiste, tous les citoyens aptes au travail ont non seulement le même devoir de travailler, mais encore le même droit au travail. Ainsi s’est trouvé réalisé le rêve séculaire des masses laborieuses. Le droit au travail est conditionné par la propriété sociale des moyens de production qui donne à tous les citoyens une possibilité égale de travailler sur la terre, dans les fabriques et les usines socialisées. Le droit au travail est le droit pour chaque membre de la société apte au travail de recevoir un emploi garanti, avec rémunération de son travail selon sa quantité et sa qualité. Le chômage, ce fléau des travailleurs en régime capitaliste, a été liquidé en U.R.S.S. une fois pour toutes. Les ouvriers ne sont plus menacés d'être à tout moment jetés à la rue et privés de moyens d'existence. La réalisation du droit au travail permet d'utiliser plus à fond la force de travail de la société pour produire toujours davantage. L'augmentation constante de la production en régime socialiste entraîne tout naturellement celle du nombre des ouvriers et des employés.
La répartition selon le travail, loi économique du socialisme.
La répartition des objets de consommation doit tenir compte des différences entre la quantité et la qualité du travail que fournit chacun dans la production sociale. La société socialiste doit contrôler la participation de ses membres au travail, tenir compte de leur plus ou moins grande qualification, déterminer les normes du travail et le taux de sa rétribution afin que celui qui travaille plus et mieux reçoive une part plus grande du produit du travail social. Le seul mode possible et nécessaire de répartition des biens matériels en régime socialiste est donc la répartition selon le travail. Une rémunération supérieure récompense le travail qualifié ; l'ouvrier non qualifié est ainsi poussé à améliorer sa valeur professionnelle pour devenir un ouvrier qualifié. Cela stimule l'essor du niveau culturel et technique des travailleurs et entraîne la disparition graduelle de la différence essentielle entre le travail intellectuel et le travail manuel.
La répartition selon le travail permet d'en finir avec les fluctuations de la main-d'œuvre, de créer des cadres permanents et d'améliorer ainsi l'organisation du travail dans les entreprises. Sans un personnel permanent qui connaît à fond la technique et possède l'expérience de son métier, il est impossible de développer la production socialiste. La répartition selon le travail est donc une nécessité objective, une loi économique du socialisme. La loi économique de la répartition selon le travail exige que les produits soient répartis en fonction directe de la quantité et de la qualité du travail de chacun indépendamment du sexe, de l'âge, de la race et de la nationalité des citoyens de la société socialiste.
La coopération socialiste du travail.
La coopération socialiste se distingue par une discipline du travail nouvelle, foncièrement différente de celle qui a existé dans toutes les formations antérieures. La discipline socialiste du travail est la discipline consciente, fraternelle de travailleurs maîtres de leur pays. L'éducation des travailleurs dans l'esprit de la discipline socialiste du travail, la lutte systématique contre ceux qui enfreignent la discipline du travail sont une des principales tâches de l'Etat socialiste. Le travail en commun de nombreux producteurs rend nécessaire l'existence d'une administration qui coordonne leurs activités, organise leurs rapports dans la production. La coopération socialiste dans le travail suppose une direction unique, ferme et permanente, à tous les échelons de l'appareil de production et d'administration. La direction unique est la méthode d'administration des entreprises et établissements socialistes d'Etat, fondée sur la subordination des masses à la volonté unique de celui qui dirige le travail ; elle se combine avec l'initiative créatrice la plus développée des masses dans le processus de la production. Dans la société socialiste, les dirigeants des entreprises, des trusts, des directions générales, les ministres sont les fondés de pouvoir et les serviteurs du peuple, de l'Etat socialiste. Les dirigeants de l'économie ont la confiance du peuple, car ils gèrent l'économie non pour augmenter les profits des capitalistes, mais dans l'intérêt du peuple tout entier.
L'émulation socialiste.
L'émulation socialiste permet d'accroître la productivité du travail et de perfectionner les méthodes de production en stimulant au maximum l'activité des masses laborieuses. Elle vise à assurer l'exécution et le dépassement des plans de l'économie nationale, l'augmentation continue de la production socialiste. La répartition selon le travail joue un rôle important dans l'extension de l'émulation socialiste. L'émulation socialiste est la collaboration amicale des travailleurs, leur lutte en commun pour le progrès général de la production. Elle donne le champ libre aux aptitudes créatrices des travailleurs et permet l'utilisation la plus complète de tous les avantages du travail social en régime socialiste. L'initiative créatrice des novateurs de la production et des travailleurs qui connaissent à fond les machines modernes, rejettent les normes et les méthodes de travail vieillies, périmées, et en proposent de nouvelles, est une particularité caractéristique de l'émulation. En combattant tout ce qui est vieilli et a déjà fait son temps, les travailleurs d'élite ouvrent des voies nouvelles au développement de la production, découvrent de nouveaux moyens d'élever la productivité du travail. L'initiative créatrice des travailleurs empêche la production de stagner, de piétiner sur place ; elle est à l'origine de son progrès et de son perfectionnement continuel.
L'émulation socialiste suppose une large et rapide diffusion de l'expérience des travailleurs d'avant-garde. S'appuyant sur l'expérience des novateurs, les organismes économiques de l'Etat fixent des normes progressives de travail, d'utilisation des moyens de production, qui sont mises à la base des plans de production. La popularisation de l'expérience d'avant-garde, la réalisation des nouvelles normes et l'application des méthodes nouvelles par la plupart des travailleurs contribuent à une haute productivité. Il s’agit de prendre appui sur quelques personnes qui maitrisent parfaitement le travail et d’amener les autres à atteindre leur niveau de productivité en les formant et en diffusant les savoirs et les aptitudes de ces avant-gardes.
L'augmentation constante de la productivité du travail, loi économique du socialisme.
L'élévation continue de la productivité du travail est une condition essentielle du triomphe du socialisme sur le capitalisme, de l'édification du communisme. La productivité augmente en fonction de l'économie de travail réalisée tant en ce qui concerne le travail vivant que le travail cristallisé à l'échelle de toute la société. En supprimant la propriété privée capitaliste, le socialisme détruit du même coup les obstacles au développement de la productivité du travail. Il engendre la nécessité objective et crée la possibilité d'une élévation continue de la productivité du travail conformément aux exigences de la loi économique fondamentale du socialisme.
L'essor ininterrompu de la production socialiste est dû, en premier lieu, à l'élévation de la productivité du travail, en second lieu, à l'augmentation du nombre absolu des travailleurs occupés dans la production matérielle. L’augmentation de la productivité du travail est le facteur principal, essentiel, de l'essor ininterrompu de la production socialiste. Elle permet à la fois d'élargir la production et d'augmenter la consommation. De grandes possibilités d'essor de la productivité du travail sont ouvertes par l'organisation socialiste du travail, fondée sur la discipline consciente et la coopération fraternelle des travailleurs, ainsi que par la rémunération du travail selon sa quantité et sa qualité. L'amélioration continue de l'organisation du travail (lutte contre les temps morts, renforcement de la discipline et de l'ordre à l'entreprise, perfectionnement de l'établissement des normes du travail et de sa rémunération) est une importante réserve d'augmentation de la productivité du travail.
CHAPITRE XXXII - LA PRODUCTION MARCHANDE, LA LOI DE LA VALEUR ET LA MONNAIE EN RÉGIME SOCIALISTE
La nécessité de la production marchande en régime socialiste ; ses particularités.
La nécessité de la production marchande en régime socialiste résulte de l'existence de deux formes essentielles de production socialiste : la forme étatique et la forme kolkhozienne. Dans les entreprises d'Etat, les moyens de production et les objets produits sont propriété du peuple tout entier. Dans les kolkhoz, les moyens de production et les produits obtenus sont propriété d'un groupe, propriété coopérative-kolkhozienne. C'est avant tout dans les kolkhoz et chez les kolkhoziens, par la circulation marchande, par voie de stockage et d'achats, que l'Etat se procure des denrées alimentaires pour la population des villes et des matières premières pour l'industrie. A leur tour, les kolkhoz et les kolkhoziens ne peuvent se procurer l'argent dont ils ont besoin pour acquérir des produits industriels qu'en vendant leur production marchande à l'Etat, aux coopératives et sur les marchés kolkhoziens.
Etant des marchandises, les produits industriels et agricoles de consommation courante parviennent à la population urbaine également par l'achat et la vente. La production marchande est, en régime socialiste, une production marchande d'un type à part, une production marchande sans propriété privée des moyens de production, sans capitalistes. Elle est, dans l'essentiel, le fait de producteurs socialistes collectifs (Etat, kolkhoz, coopératives). Elle ne peut se transformer en production capitaliste ; elle est au service de la société socialiste. La sphère de la production et de la circulation marchande est limitée principalement aux objets de consommation individuelle ; la force de travail n'est pas une marchandise ; la terre et le sous-sol sont la propriété de l'Etat et ne peuvent être ni vendus, ni achetés. Les entreprises ne sauraient être vendues ou achetées ; elles ne peuvent être remises par une organisation d'Etat à une autre qu'en vertu d'une autorisation spéciale, et ne sont donc pas des marchandises susceptibles d'être vendues et achetées. Les moyens de production fabriqués dans le secteur d'Etat : machines, métaux, charbon, pétrole, etc., sont répartis pour la plupart entre les entreprises d'Etat. Les plans de l'économie nationale prévoient l'attribution à chaque entreprise de fonds matériels dont le montant est déterminé par son programme de production. Lorsque des directeurs d'entreprise ont reçu de l'Etat socialiste des moyens de production, ils n'en deviennent pas pour autant les propriétaires ; ils sont les représentants de l'Etat, chargés par lui de les utiliser conformément aux plans qu'il a établis. Les moyens de production achetés par les coopératives de production, les kolkhoz et les kolkhoziens : véhicules automobiles, équipements destinés à l'exploitation collective du kolkhoz, ciment, fer, briques, charbon, bois de charpente, machines agricoles simples et matériel divers, sont des marchandises. Les moyens de production vendus aux Etats étrangers le sont également. Dans ces cas, il y a vente et achat ; les marchandises changent de propriétaires.
La valeur d'usage et la valeur de la marchandise dans l'économie socialiste.
Tout ce qui, dans la société socialiste, est produit et réalisé comme marchandise a une valeur d'usage, créée par le travail concret, et une valeur, créée par le travail abstrait. En d'autres termes, en régime socialiste, la marchandise a un double caractère déterminé par le double caractère du travail incarné dans la marchandise.
La société planifie le processus de production, la répartition du travail entre les différentes branches de l'économie nationale et les différentes entreprises. L'existence, conditionnée par les deux formes de propriété sociale, de différents degrés de socialisation du travail dans les entreprises d'Etat et les kolkhoz, ainsi que de relations marchandes entre l'industrie d'Etat et les kolkhoz, exclut la possibilité d'exprimer et de confronter directement, en temps de travail, le travail social dépensé pour obtenir les produits dans le secteur d'Etat et dans le secteur kolkhozien. D'où la nécessité de recourir à un biais et de trouver une commune mesure du travail social dépensé pour obtenir les produits industriels et kolkhoziens en recourant à la valeur et à ses formes. On y parvient en ramenant les différentes formes du travail concret des ouvriers et des kolkhoziens au travail abstrait qui crée la valeur de la marchandise.
L'Etat socialiste, qui dirige l'économie nationale selon an plan, tient compte des deux aspects de la marchandise considérée comme valeur d'usage et comme valeur. Il exige de ses entreprises des produits déterminés, des valeurs d'usage bien définies.
Au cours de l'édification économique, la contradiction entre la valeur d'usage et la valeur se manifeste, par exemple lorsqu'il y a un excédent de marchandises, celles-ci ne pouvant être vendues du fait de leur mauvaise qualité, parce qu'elles ne correspondent pas à la demande, etc., ou bien quand certaines entreprises, cherchant à produire des articles plus avantageux pour elles, n'exécutent pas le plan sous le rapport de l'assortiment et de la qualité de la production. Les contradictions de ce genre sont mises en lumière et résolues grâce à la gestion planifiée de l'économie.
Le montant de la valeur des marchandises produites et réalisées dans l'économie socialiste est déterminé par le temps de travail socialement nécessaire pour les produire. On appelle temps de travail socialement nécessaire le temps de travail moyen dépensé par les entreprises qui livrent le gros des produits dans la branche d'activité considérée. Le temps de travail socialement nécessaire pour produire une unité de marchandise détermine la grandeur de la valeur sociale de la marchandise. Le temps réellement exigé dans les différentes entreprises pour produire une unité de marchandise constitue le temps de travail individuel, qui définit la grandeur de la valeur individuelle de la marchandise pour chacune de ces entreprises.
En régime capitaliste, le temps socialement nécessaire s'établit spontanément, à l'insu des producteurs de marchandises. Dans l'économie socialiste, l'Etat, se fondant sur les conditions économiques objectives et les lois économiques du socialisme, établit un plan prévoyant l'élévation de la productivité du travail et la diminution du prix de revient de la production, fixe les normes de dépense de travail et de matériaux pour chaque entreprise ;
Le caractère de l'action de la loi de la valeur en régime socialiste.
Le rôle de cette loi est restreint par la socialisation des moyens de production, par le rétrécissement de la sphère de la production et de la circulation marchandes, par l'action des lois économiques du socialisme, et avant tout de la loi du développement harmonieux de l'économie nationale, par la planification de l'économie nationale, et plus généralement par toute l'activité économique de l'Etat socialiste. Elle ne peut jouer le rôle de régulateur de la production. Sinon les branches et les entreprises de l'industrie légère les plus rentables, s'y développeraient en premier lieu, et l'on fermerait les entreprises de l'industrie lourde, très importantes pour l'économie nationale mais qui, pendant un certain temps, peuvent ne pas être rentables.
En établissant les prix des articles d'usage personnel, l'Etat tient compte non seulement de la valeur, mais aussi du rapport de l'offre et de la demande. L'Etat socialiste établit des prix qui diffèrent plus ou moins de la valeur des marchandises. Ce faisant, il s'inspire avant tout de la nécessité, déterminée par la loi économique fondamentale du socialisme, d'assurer une augmentation constante de la production sur la base d'une technique supérieure, en vue de satisfaire les besoins croissants de toute la société. L'action de la loi de la valeur sur les industries légère et alimentaire tient au fait que les articles d'usage personnel qu'elles produisent sont des marchandises. Une partie de la valeur nouvellement créée des marchandises sert à compenser les dépenses monétaires effectuées pour le paiement des salaires, et une autre partie forme le revenu de l'entreprise, lui aussi exprimé en monnaie. En tant que marchandises, les produits de consommation ne peuvent être achetés par les ouvriers que contre l'argent qu'ils reçoivent à titre de salaire.
La monnaie et ses fonctions dans l'économie socialiste.
A la différence de ce qui se passe en régime capitaliste, où elle se transforme en capital et est un moyen de s'approprier le travail non rémunéré d'autrui, la monnaie, dans la société socialiste, est un moyen d'organiser l'édification économique dans l'intérêt des masses populaires conformément aux exigences de la loi économique fondamentale du socialisme. Elle exprime les rapports de production socialistes. Elle joue le rôle d'équivalent général dans l'ensemble de l'économie nationale. La forme monétaire est utilisée non seulement pour la circulation des articles de consommation et des moyens de production qui sont des marchandises, mais aussi pour la circulation économique des moyens de production qui, n'étant pas au fond des marchandises, conservent néanmoins la forme marchandise. Elle est l'instrument économique de la gestion planifiée de l’économie ; elle sert la production et la répartition du produit social. C’est le moyen permettant d'assurer un recensement et un contrôle d'ensemble de la production et de la répartition du produit social, ainsi que de la mesure du travail et de la rémunération.
La monnaie remplit avant tout la fonction de mesure de la valeur des marchandises, c'est-à-dire qu'elle sert à mesurer la quantité de travail social qu'elles renferment. L'existence de deux formes principales de production socialiste fait que le bilan de l'activité économique d'une entreprise, la comparaison des résultats du travail des entreprises et des branches fournissant des produits différents, le volume de la production de diverses branches de l'économie nationale et de l'économie nationale dans son ensemble ne peuvent être exprimés qu'en monnaie. Comme les moyens de production, sans être des marchandises, gardent la forme marchandises et la forme valeur, la monnaie dans sa fonction de mesure de la valeur permet aussi de calculer le travail social dépensé pour produire les moyens de production.
On sait que seule une marchandise-monnaie, ayant une valeur propre, peut remplir le rôle de mesure de la valeur. Cette marchandise-monnaie, c'est l'or. C’est l'or qui joue le rôle d'équivalent général. La monnaie ne peut remplir sa fonction de mesure de la valeur des marchandises qu'en vertu de cette liaison avec l'or. La monnaie est pour l'Etat socialiste un élément de la planification des prix. La monnaie est un moyen de paiement, quand il s'agit, par exemple, de payer leur salaire aux ouvriers et aux employés, et aussi de verser leur revenu en argent aux kolkhoziens, quand les entreprises socialistes obtiennent des avances ou les remboursent, quand on acquitte les impôts. L'Etat socialiste utilise la monnaie pour contrôler l'activité des entreprises socialistes. Ainsi, les banques ne délivrent de l'argent à ces dernières que dans la mesure où elles ont exécuté leur plan de production. En exigeant le remboursement des prêts à la date prévue, la banque stimule l'accomplissement du plan par l'entreprise, faute de quoi celle-ci ne peut réunir les fonds nécessaires pour se libérer de sa dette. En régime socialiste, la monnaie est un moyen d'accumulation socialiste et d'épargne. Les entreprises d'Etat et les kolkhoz déposent leur argent en banque. Les revenus, sous leur forme monétaire, et l'argent liquide des entreprises et des organisations sont utilisés pour concourir à l'accumulation socialiste, développer la production, constituer des réserves, satisfaire les besoins matériels et culturels de la population.
CHAPITRE XXXIII - LE SALAIRE EN RÉGIME SOCIALISTE
La force de travail ayant cessé d'être une marchandise, le salaire n'est plus le prix de la force de travail. Il traduit non un rapport entre exploiteur et exploité, mais un rapport entre la société dans son ensemble, représentée par l'Etat socialiste, et le travailleur travaillant pour soi, pour sa société. En régime socialiste, le salariat est aboli et la loi de la valeur de la force de travail cesse entièrement de jouer comme régulateur du salaire.
Le salaire réel augmente à mesure que la production socialiste progresse et se perfectionne. Les exigences de la loi économique fondamentale du socialisme visant à stimuler la production et à assurer le mieux-être des travailleurs se réalisent par l'intermédiaire de la loi de la répartition selon le travail, en vertu de laquelle la part du produit social qui revient à chacun est déterminée par la quantité et la qualité de son travail. Le salaire est un des principaux facteurs économiques qui font que, dans la société socialiste, chaque travailleur est personnellement et matériellement intéressé aux résultats de son travail : qui travaille plus et mieux reçoit davantage. Par suite, le salaire est un moyen efficace d'augmenter la productivité du travail ; il permet de concilier judicieusement l'intérêt personnel, matériel, du travailleur avec les intérêts de l'Etat (du peuple tout entier).
Etant donné l'existence de la production marchande et de la loi de la valeur, le salaire s'exprime nécessairement en argent. Le salaire en régime socialiste est la part, exprimée en argent, de la portion du produit social que l'Etat attribue aux ouvriers et aux employés selon la quantité et la qualité du travail fourni par chacun d'eux. En régime socialiste, le niveau de vie des ouvriers et des employés n'est pas déterminé uniquement par le salaire individuel en argent. A ce dernier viennent s'ajouter les fonds considérables alloués par l'Etat et les organisations sociales pour les besoins culturels et sociaux des travailleurs, fonds qui proviennent du produit créé par le travail pour la société. Le travail qualifié, qualitativement supérieur, nécessite un apprentissage du travailleur et est plus productif que le travail non qualifié. C'est pourquoi il est mieux payé. Le travail qui demande aussi une grande force physique est mieux rémunéré. Ainsi, les mineurs, dont le salaire est bas dans les pays capitalistes, touchent dans la société socialiste des salaires élevés, ce qui n'empêche pas de rendre le travail de plus en plus facile par l'emploi de machines. A conditions égales, les ouvriers, ingénieurs et techniciens des entreprises et des chantiers situés dans des régions économiques importantes, éloignées ou nouvellement mises en valeur touchent des salaires majorés.
Les syndicats prennent une part active à l'organisation et à la rémunération du travail, gèrent directement les assurances sociales, encouragent l'expérience et l'initiative des novateurs de la production, coopèrent au déploiement de l'émulation socialiste et à l'élévation de la productivité du travail, à l'amélioration des services sociaux et culturels, ainsi que des conditions de travail des ouvriers et des employés.
Les formes du salaire. Le système des tarifs.
Le salaire aux pièces est la principale forme de rémunération du travail dans les entreprises socialistes d'Etat. En 1954, plus des trois quarts des ouvriers de l'industrie soviétique étaient payés aux pièces. En régime socialiste, le système du salaire aux pièces est celui qui permet le mieux d'intéresser le travailleur aux résultats de son travail. Il diffère radicalement du salaire aux pièces en régime capitaliste, qui repose sur une intensification effrénée du travail et entraîne une élévation du taux de la plus-value, le salaire de l'ouvrier diminuant à mesure que le travail s'intensifie. En régime socialiste, le montant du salaire de chaque ouvrier est en raison directe de la quantité et de la qualité de son travail. Le salaire aux pièces direct est complété par des primes pour des indices déterminés : économie de combustible, d'électricité, diminution du prix de revient, réduction des malfaçons, amélioration de la qualité des articles produits, etc.
Si les conditions du travail rendent impossible le salaire aux pièces individuel (par exemple, quand plusieurs ouvriers travaillent en même temps sur une grande machine ou sur un groupe de machines), le système appliqué est celui du salaire aux pièces par équipe, ou par groupe. Chaque membre de l'équipe reçoit sa part du salaire collectif, compte tenu de son temps de travail et de son habileté professionnelle.
On a recours au salaire au temps là où le système du salaire aux pièces est inapplicable, ou économiquement irrationnel en raison du caractère même du travail (pointage, gardiennage, fabrication d'appareillages spéciaux, contrôle et réception, etc.). On distingue le salaire au temps simple et le salaire au temps avec primes. Le salaire au temps simple est différencié d'après la durée du travail et l'habileté professionnelle de l'ouvrier. Le salaire au temps avec primes intéresse davantage l'ouvrier aux résultats de son travail : il reçoit, en plus du taux fixé par unité de temps de travail, une prime pour tels ou tels indices quantitatifs ou qualitatifs : réduction de la durée des réparations, économie de matières premières, de combustible ou d'électricité, fonctionnement impeccable des appareils, réduction des malfaçons, etc. Le salaire au temps avec primes est largement appliqué pour rémunérer le personnel dirigeant de l'économie, les ingénieurs, les techniciens.
Le traitement des enseignants, du personnel médical, des fonctionnaires est également différencié d'après le caractère du travail, l'instruction, l'ancienneté et un certain nombre d'autres indices. Fixer des normes de travail, c'est déterminer le temps nécessité pour l'accomplissement d'un certain travail (norme de temps), ou le nombre de pièces à produire par unité de temps (norme de rendement).
La différenciation des salaires selon la valeur professionnelle des travailleurs est établie en vertu d'un barème. Les ouvriers sont divisés en catégories d'après leur niveau professionnel. L'ouvrier non qualifié est rangé dans la première catégorie et son salaire est pris comme unité. Plus l'ouvrier est qualifié, et plus élevée est la catégorie à laquelle il appartient, plus son salaire est élevé.
L'augmentation constante du salaire réel en régime socialiste.
Les progrès ininterrompus de la production socialiste sur la base d'une technique supérieure et l'élévation de la productivité du travail sont le principal fondement économique de l'augmentation du salaire réel. Pour que la société socialiste puisse vivre et se développer, l'élévation de la productivité du travail doit toujours dépasser l'augmentation des salaires. C'est à cette seule condition que la société peut disposer des ressources nécessaires pour développer la production, augmenter ses réserves et satisfaire de mieux en mieux les besoins croissants des travailleurs. Si l'augmentation constante de la productivité du travail et de la production sociale est la ferme assise de l'élévation continue du salaire réel, celle-ci entraîne l'accroissement du pouvoir d'achat des travailleurs, qui à son tour stimule sans cesse la production sociale.
En régime capitaliste, la nécessité d'entretenir l'armée de réserve des chômeurs est une lourde charge pour les familles ouvrières et diminue le salaire réel de la classe ouvrière dans son ensemble. L'absence de chômage dans la société socialiste libère la classe ouvrière et toute la société de ce fardeau. La production croissante donne la possibilité de trouver un emploi à tous les membres de la famille aptes au travail, ce qui augmente d'une manière appréciable les revenus de celle-ci.
Dans la société socialiste est réalisé pour la première fois le principe : à travail égal salaire égal, sans distinction de sexe, d'âge, de nationalité et de race. Le travail des enfants est interdit. L'égalité réelle de la femme et de l'homme est assurée par un salaire égal, par l'octroi aux femmes de congés de grossesse avec maintien du salaire, par un vaste réseau de maternités, de crèches et de jardins d'enfants, par des allocations de l'Etat aux mères de familles nombreuses et aux mères seules. Toute restriction, directe ou indirecte, aux droits du travailleur en matière de rémunération du travail, pour raison de race ou de nationalité, est punie comme un crime des plus graves.
Les ouvriers épuisés par l'intensification capitaliste du travail vont grossir les rangs des chômeurs et sont remplacés par des ouvriers mieux portants et plus vigoureux. Dans la société socialiste, l'essor de la production est inséparable d'un progrès technique accéléré. Les anciennes professions manuelles, pénibles, sont remplacées par de nouvelles, fondées sur le travail qualifié, mieux rémunéré et mettant en œuvre les moyens techniques les plus modernes. L'Etat socialiste verse chaque année, pour récompenser un service prolongé et irréprochable dans la même branche de travail, des sommes importantes à titre de primes d'ancienneté à diverses catégories de travailleurs employés dans l'économie nationale, dans les organismes culturels et dans l'appareil d'Etat. Dans les pays capitalistes, les impôts élevés réduisent très sensiblement le salaire réel des ouvriers. En régime socialiste, l'impôt ne prélève qu'une partie infime du salaire ; de plus, son produit est consacré à satisfaire les besoins de l'économie nationale et à financer des mesures d'ordre social et culturel.
CHAPITRE XXXIV - LA GESTION ÉQUILIBRÉE ET LA RENTABILITÉ. LE PRIX DE REVIENT ET LE PRIX
La gestion équilibrée et la rentabilité des entreprises.
L'économie du temps de travail est, pour la société socialiste, une nécessité objective. C'est l'un des principaux facteurs du progrès ininterrompu de la production. C'est pourquoi l'application méthodique d'un régime d'économie est de la plus haute importance pour l'économie socialiste. Le régime d'économie est le principe de la gestion socialiste qui consiste à économiser, dans l'intérêt de toute la société, le temps de travail, ainsi que les ressources matérielles et monétaires, dans l'ensemble des entreprises et établissements. L'application du régime le plus strict d'économie des ressources est une des tâches fondamentales de l'Etat socialiste sur le plan de l'organisation économique. Le Parti communiste et l'Etat mobilisent les masses pour la réalisation d'économies, pour que chaque heure de travail social, chaque unité d'outillage, de combustible, d'énergie, de matières premières produise toujours davantage.
La gestion équilibrée est une méthode de gestion économique planifiée des entreprises socialistes, conditionnée par l'action de la loi de la valeur, qui exige que les dépenses et les résultats de l'activité économique aient l'argent comme commune mesure, que les frais des entreprises soient compensés par leurs revenus propres, que les ressources soient économisées et que la production soit rentable. La gestion équilibrée repose sur l'utilisation de la loi de la valeur. La gestion équilibrée est précisément la méthode de direction socialiste de l'économie qui permet, en utilisant la forme monétaire de la valeur, de procéder aux calculs comptables, de comparer les dépenses et les revenus de l'entreprise, de voir si elle est rentable ou déficitaire. La gestion équilibrée suppose la nécessité, pour les entreprises, de compenser leurs dépenses par les revenus provenant de la réalisation de leur production aux prix fixés par l'Etat, et de tenir compte ainsi des exigences de la loi de la valeur.
La gestion équilibrée vise à obtenir les meilleurs résultats économiques avec le minimum de dépenses, à assurer la rentabilité de l'entreprise par l'économie des fonds et l'utilisation rationnelle de toutes les ressources. Est rentable une entreprise dont les ressources provenant de la réalisation de sa production compensent le prix de revient et procurent en outre un revenu. La rentabilité est l'un des principaux indices de l'efficience économique du travail de l'entreprise pendant une période déterminée.
La gestion équilibrée stimule matériellement l'amélioration de l'activité économique des entreprises, forme les dirigeants d'entreprise et leurs collaborateurs à la conduite rationnelle de la production, les discipline, leur apprend à évaluer correctement les divers éléments de la production, à introduire les techniques modernes, à élever la productivité du travail, à réduire le prix de revient et à augmenter la rentabilité de la production.
En incitant à économiser le temps de travail et à mobiliser les réserves internes des entreprises, la gestion équilibrée favorise l'essor ininterrompu de la production socialiste par l'utilisation de la technique moderne et l'élévation continue de la productivité du travail dans l'intérêt de la satisfaction maxima des besoins croissants de toute la société, des masses laborieuses. Pour satisfaire aux exigences de la loi du développement harmonieux, proportionné, de l'économie nationale, la gestion équilibrée est nécessaire. Elle est un instrument de la direction planifiée des entreprises par l'Etat. C'est elle qui sert à assurer l'exécution et le dépassement des plans d'Etat avec le minimum de dépense de travail et de moyens de production et l'utilisation rationnelle de toutes les ressources. Elle sert aussi à contrôler l'exécution des plans selon leurs indices quantitatifs et qualitatifs.
L'économie planifiée socialiste assure non seulement la rentabilité des différentes entreprises et branches de production, mais encore une rentabilité supérieure, impossible à réaliser en régime capitaliste, à l'échelle de toute l'économie nationale. On a vu qu'il peut exister dans l'économie socialiste, à côté des entreprises rentables, certaines entreprises temporairement non rentables et même déficitaires, mais ayant une grande importance pour l'économie nationale. A ces entreprises l'Etat socialiste vient en aide en leur accordant des subventions, tout en prenant des mesures pour qu'elles deviennent rentables.
L'Etat socialiste répartit les moyens de production entre ses entreprises et attribue à chacune les ressources matérielles et l'argent dont elle a besoin pour exécuter ses plans. L'entreprise, entité économique indépendante au point de vue juridique, entre en rapports d'affaires avec d'autres entreprises et organisations, recrute le personnel qui lui est nécessaire, organise sa production, ses services d'approvisionnement et de vente. Elle a un compte à la Banque d'Etat où elle dépose ses fonds disponibles ; elle peut recourir au crédit bancaire et possède son propre bilan comptable. L'autonomie des entreprises d'Etat dans leur activité économique pratique s'exerce dans le cadre de la propriété nationale des moyens de production : l'Etat socialiste reste le propriétaire des moyens de production qu'il a confiés à telle ou telle entreprise pour qu'elle en fasse usage. Il coordonne l'activité des différentes entreprises compte tenu du rôle de chacune dans le système général de l'économie nationale. Entre les entreprises socialistes, il existe non pas des rapports de concurrence, comme en régime capitaliste, mais des rapports de coopération en vue d'exécuter tels ou tels objectifs dans l'intérêt du peuple tout entier.
La gestion équilibrée suppose que l'entreprise, ses dirigeants sont responsables devant l'Etat de l'accomplissement du plan et de l'utilisation rationnelle des ressources. L'entreprise est responsable du paiement aux dates et dans les formes prévues des salaires à ses ouvriers et employés, de l'exécution intégrale et en temps prescrit des versements à effectuer au budget de l'Etat, de l'emploi régulier des fonds budgétaires et des crédits bancaires qu'elle a reçus. La gestion équilibrée implique également que l'entreprise est matériellement responsable vis-à-vis des autres entreprises et organisations économiques de l'exécution de ses engagements.
La gestion équilibrée est liée à l'utilisation de la loi économique de la répartition selon le travail. Plus le revenu de l'entreprise est élevé et plus elle a la possibilité d'encourager les membres de son personnel en améliorant leurs conditions d'existence matérielle et culturelle, en attribuant des primes aux travailleurs d'élite. La gestion équilibrée suppose un contrôle financier constant de l'activité de l'entreprise et de ses différentes parties.
Les fonds des entreprises. Les fonds fixes et les fonds circulants.
Les ressources matérielles et monétaires attribuées aux entreprises d'Etat, propriété du peuple entier, forment ce qu'on appelle les fonds de ces entreprises. Les moyens de production constituent les fonds de production de l'entreprise. Les fonds accomplissent, conformément à un plan, une rotation incessante, passant successivement par le stade de la production et celui de la circulation et changeant de forme en conséquence : forme argent, puis forme production, puis forme marchandise, puis forme argent, etc. Selon le caractère de leur rotation, les fonds de production de l'entreprise se divisent en fonds fixes et fonds circulants.
Les fonds fixes desservent la production pendant un temps assez long en conservant leur forme naturelle. Parmi les fonds de production fixes il faut ranger les moyens de travail : bâtiments d'exploitation, installations, machines, outils et autre matériel d'usage durable, moyens de transport. Les fonds circulants sont entièrement absorbés dans le processus de la production au cours d'un cycle de production, et leur valeur s'incorpore entièrement aux frais de production de la marchandise. Les fonds circulants comprennent les matières premières, les matériaux, le combustible, les produits semi-ouvrés et autres objets du travail.
L'invention et l'emploi dans la production de machines nouvelles, plus productives et plus économiques, signifie que les machines périmées se déprécient, subissent une usure morale avant d'être usées au sens propre du terme. Dans la société socialiste, l'usure morale des machines est un aspect très important, car le rythme rapide du progrès technique oblige à remplacer sans tarder les moyens techniques périmés par de nouveaux, et ceux-ci par des moyens techniques encore plus modernes. L'usure des fonds fixes dans les entreprises est couverte par un fonds d'amortissement. Les provisions pour amortissement doivent assurer la rénovation technique continue de l'appareil de production. Le fonds d'amortissement est constitué en incorporant aux dépenses nécessitées par chaque unité de production la fraction de la valeur des fonds fixes qui correspond à leur usure.
Outre les fonds se trouvant dans la sphère de la production, les entreprises disposent de ressources dans la sphère de la circulation : les fonds de roulement. Ceux-ci se composent des produits prêts à être réalisés et des ressources monétaires dont l'entreprise a besoin pour acheter les matières premières, le combustible, payer les salaires, etc. Les fonds de production circulants et les fonds de roulement forment ensemble les moyens circulants de l'entreprise. Ceux-ci se divisent en moyens propres et moyens d'emprunt, constitués les uns et les autres en vertu d'un plan. Les moyens circulants propres sont attribués par l'Etat à l'entreprise pour couvrir ses besoins minimums. Le besoin supplémentaire ou temporaire de moyens circulants, en raison, par exemple, de la nécessité de constituer des stocks saisonniers de matières premières et de combustible, ou du fait que la marchandise est en cours de route, est couvert au moyen d'emprunt, de crédits de la Banque d'Etat, pour l'utilisation desquels celle-ci perçoit un intérêt.
L'un des principaux indices de la qualité de l'activité économique d'une entreprise est la vitesse de rotation des moyens circulants. La vitesse de rotation des moyens de l'entreprise dépend, premièrement, du temps de production pendant lequel ils se trouvent dans la sphère de la production, c'est-à-dire sous forme de stocks alimentant la production, de produits en cours de fabrication, de produits semi-ouvrés, et, deuxièmement, du temps pendant lequel ces moyens se trouvent engagés dans la sphère de la circulation (sous la forme de stocks de produits finis à réaliser, etc.) L'accélération de la rotation des moyens circulants exige la réduction du temps de production et du temps de circulation, ainsi qu'une lutte constante contre la constitution de réserves superflues (excédant la norme) de matières premières, de matériaux, de produits semi-ouvrés, de produits finis.
Outre les fonds de production et les fonds de roulement, l'entreprise possède des fonds fixes de consommation : habitations, clubs et autres établissements publics ou d'intérêt social et culturel avec leurs installations.
Le prix de revient de la production.
Dans la pratique, le prix de revient de la production des entreprises d'Etat se compose des dépenses effectuées pour l'achat des matières premières, des matériaux, du combustible, de l'électricité, ainsi que des frais d'amortissement, des salaires et des sommes additionnelles aux salaires, des dépenses administratives et de l'intérêt des crédits. Il existe deux types principaux de prix de revient industriel : le prix de fabrique et le prix de revient complet (ou commercial). Le prix de fabrique comprend les dépenses de l'entreprise afférentes à la production proprement dite. Le prix de revient complet se compose du prix de fabrique, des dépenses nécessitées par la réalisation du produit (entretien de comptoirs de vente et d'entrepôts, frais de transport) et des dépenses administratives et autres, des trusts et des combinats. Plus le prix de revient est bas et plus est élevé le niveau de l'activité économique de l'entreprise. La réduction du prix de revient est l'une des tâches centrales de la gestion socialiste de l'économie.
Le revenu net de l'entreprise d'Etat. Le revenu net centralisé de l'Etat.
La différence entre la valeur et le prix de revient de la production constitue le revenu net de la société ; Dans le secteur d'Etat, tout le revenu net est la propriété du peuple entier. Il s'exprime en monnaie et revêt deux formes principales : celle de revenu net de l'entreprise d'Etat et celle de revenu net centralisé de l'Etat. Le revenu net de l'entreprise d'Etat est la partie du revenu net créé par le travail pour la société qui est accumulée par l'entreprise et utilisée en grande partie pour ses besoins. Le revenu net centralisé de l'Etat est la partie du revenu net de la société qui est concentrée entre les mains de l'Etat, afin d'être utilisée pour les besoins généraux de tout le pays. La gestion équilibrée, d'une part, et la nécessité, pour l'économie socialiste, de centraliser une partie notable du revenu net, d'autre part, rendent indispensable l'existence de ces deux formes de revenu net. Il existe une étroite corrélation entre le prix de revient et le revenu net de l'entreprise : la réduction du premier entraîne l'augmentation du second.
Le revenu net centralisé de l'Etat est versé au budget d'Etat sous la forme de divers prélèvements sur les revenus des entreprises socialistes. Il provient pour l'essentiel de prélèvements d'après des normes fixes sur les revenus des entreprises ; ces prélèvements entrent dans le prix de la production industrielle pour un montant fixé d'avance. Les prélèvements d'après des normes fixes sont appelés couramment l’« impôt sur le chiffre d'affaires ». N'étant pas mis à la disposition des entreprises, ils sont versés au budget d'Etat sitôt la production réalisée. Le montant de cette partie du revenu net qui est fixé par unité de production ne dépend pas directement de l'exécution par l'entreprise du plan relatif au prix de revient, alors que le montant du revenu net (profit ou bénéfice) de l'entreprise est en fonction directe de l'abaissement du prix de revient de l'unité de production. Plus le prix de revient de la production est bas, plus le revenu net de l'entreprise est élevé. Bien que la partie du revenu net centralisé de l'Etat, qui est versée au budget d'Etat d'après des normes fixes, porte le nom d’« impôt sur le chiffre d'affaires », elle ne constitue nullement un impôt ou un prélèvement effectué sur les revenus des travailleurs.
CHAPITRE XXXV - LE SYSTÈME SOCIALISTE D'AGRICULTURE
La place et le rôle de l'agriculture socialiste dans l'économie nationale.
Le système socialiste d'agriculture est fondé sur la propriété d'Etat (du peuple entier) et la propriété coopérative-kolkhozienne des moyens de production. Il comprend les kolkhoz, les stations de machines et de tracteurs et les sovkhoz.
L'agriculture socialiste est la base de ravitaillement qui fournit des denrées alimentaires à la population, et la base de matières premières des industries légère et alimentaire, qui produisent des articles d'usage courant. La société socialiste est une coopérative de production et de consommation des travailleurs de l'industrie et de l'agriculture. L'industrie joue le rôle dirigeant par rapport à l'agriculture. L'agriculture dépend dans une très grande mesure de l'industrie produisant des tracteurs, des moissonneuses-batteuses et d'autres machines agricoles, des pièces de rechange, du carburant, des engrais chimiques, des insecticides, etc. L'essor ininterrompu de l'agriculture socialiste ne peut être assuré que grâce à l'accroissement rapide de la production des moyens de production que lui fournit l'industrie socialiste. De son côté, le développement de l'industrie et des autres branches de l'économie nationale dépend d'un progrès rapide et constant de l'agriculture. Le mieux-être général, l'accroissement de la population des villes rendent nécessaire une production plus abondante de céréales, de viande, de lait, de pommes de terre, de légumes et d'autres denrées agricoles. Pour produire davantage d'articles industriels, il faut plus de matières premières agricoles pour les industries légère et alimentaire : coton, lin, laine, betterave à sucre, oléagineux, etc.
Pour satisfaire tous les besoins de la population en produits alimentaires et développer largement les différentes branches des industries légère et alimentaire, il est indispensable d'accroître rapidement la production agricole dans son ensemble, mais aussi d'en améliorer la structure (accorder plus d'importance à l'élevage, aux cultures de haute valeur, etc.) L'accroissement de la production des céréales a, sous ce rapport, une importance primordiale. Les céréales sont à la base de toute la production agricole. Pour résoudre à bref délai le problème de l'élevage, il faut assurer à l'ensemble du bétail les fourrages céréaliers : maïs, orge, avoine, dont il a besoin. Pour produire davantage de coton, de lin, de betterave à sucre, de tournesol et d'autres plantes industrielles, il faut que ceux qui les cultivent aient leur pain garanti. Le développement de toutes les branches de l'agriculture dépend donc de l'accroissement de la production des céréales. Pour augmenter la récolte globale des céréales, il faut accroître les rendements sur toutes les terres cultivées, réduire les pertes au moment de la récolte, défricher les terres vierges et incultes. Obtenir rapidement une quantité accrue de céréales est une tâche de première importance pour la réalisation des grands plans de l'édification communiste.
L'utilisation la plus complète et la plus diversifiée de la terre, principal moyen de production dans l'agriculture, est une condition essentielle du progrès de toutes les branches de la production agricole. La nationalisation de la terre contribue grandement à diminuer le coût de la production des denrées agricoles, à élever de plus en plus le niveau matériel d'existence de la paysannerie.
Un système rationnel d'agriculture suppose l'intensification de cette dernière. L'intensification de l'agriculture implique l'investissement de moyens de production supplémentaires pour une surface déterminée et l'amélioration des méthodes de gestion afin d'obtenir le maximum de produits par hectare de terre mise en valeur en réduisant la dépense de travail et de moyens par unité de produit. Elle exige l'emploi d'engrais organiques et chimiques, l'élevage de races d'animaux d'une haute productivité, la mise en pratique des dernières réalisations de l'agronomie et de la zootechnie, etc. C'est la ligne principale du développement de l'agriculture socialiste. Faisant partie du système de l'économie socialiste, les kolkhoz doivent, en développant le plus possible leur exploitation collective, accroître toujours plus leur production marchande dans la proportion nécessaire à l'approvisionnement des villes et des centres industriels, aux besoins du commerce extérieur et à la création de réserves.
L'un des grands avantages des entreprises agricoles socialistes est qu'elles peuvent développer une économie à branches multiples qui permet d'associer rationnellement les différentes branches de la production rurale, avant tout l'agriculture et l'élevage et d'obtenir le maximum de production à l'hectare. Dans les kolkhoz qui combinent judicieusement, en conformité avec les conditions naturelles et économiques de la région, la production des céréales, des plantes industrielles, des fourrages et des légumes, ainsi que l'élevage, la main-d'œuvre est utilisée de façon plus complète et plus régulière au cours de l'année. Les indices de productivité du travail et les revenus sont plus élevés. Les rentrées de fonds se font plus régulièrement tout au long de l'année, ce qui permet de financer en temps voulu les mesures économiques appliquées. L'économie à branches multiples suppose la spécialisation des régions, des districts et des exploitations elles-mêmes par branche, par culture et par espèce de bétail. Une gestion rationnelle de l'exploitation rurale socialiste exclut aussi bien l'universalisme de la petite agriculture où l'on cultive de tout, principalement en vue de la consommation propre, que le développement unilatéral des exploitations capitalistes, qui se spécialisent généralement dans une culture déterminée (monoculture). La spécialisation de l'économie rurale socialiste signifie, premièrement, l'utilisation la plus complète des conditions naturelles et économiques concrètes propres à chaque région et district pour obtenir méthodiquement un produit nécessaire à la société ; deuxièmement, une combinaison judicieuse des branches économiques d'activité fondamentales et complémentaires et avant tout de l'agriculture et de l'élevage, des cultures céréalières, industrielles et potagères; troisièmement, selon les particularités régionales, un choix de cultures et de bétail tel qu'il assure le maximum de produits de haute qualité avec le minimum de dépenses en travail et en moyens par unité de produit. La répartition planifiée de la production rurale dans le pays doit répondre, elle aussi, à ces exigences.
Les formes socialistes d'organisation du travail dans les kolkhoz. La journée-travail.
La principale forme d'organisation du travail dans les kolkhoz est la brigade de production permanente, constituée par la direction du kolkhoz pour exécuter les travaux dans les diverses branches de l'exploitation collective. Il existe des brigades de production pour les travaux des champs, l'élevage, la récolte et la préparation des fourrages, la culture des légumes, l'horticulture, les travaux de construction, etc. Chaque brigade des champs dispose de bêtes de trait, du matériel agricole indispensable, de locaux d'exploitation. Elle est subdivisée en équipes qui permettent un meilleur emploi du travail manuel pour les cultures demandant une grande somme de travail. Les équipes sont directement subordonnées au chef de la brigade.
Il est établi pour chaque travail effectué au kolkhoz une norme de rendement par journée de travail, norme qui peut être exécutée par tout kolkhozien travaillant consciencieusement, compte tenu de l'état des bêtes de trait, des machines et de la qualité du sol. D'après cette norme de rendement est déterminée pour chaque travail une évaluation en journées-travail selon la qualification du travailleur, la complexité, la difficulté et l'importance de tel ou tel travail pour l'artel. Une norme de rendement journalière dans l'accomplissement de travaux champêtres relativement simples constitue une journée-travail. La journée-travail diffère de la journée de travail. Les kolkhoz déterminent le nombre de journées-travail pour chaque branche d'activité et pour chaque culture et contrôlent rigoureusement l'attribution des journées-travail conformément au travail accompli par la brigade, l'équipe, le kolkhozien. La journée-travail prend donc en considération la quantité aussi bien que la qualité du travail lors des différentes opérations, ce qui permet d'avoir une commune mesure entre les diverses formes de travail au kolkhoz. Le travail qualifié procure plus de journées-travail que le travail non qualifié, et un travail plus intensif, plus que celui qui l'est moins. Le kolkhozien qui a dépassé la norme de rendement se voit attribuer de ce fait plus de journées-travail. Dans la journée-travail, le travail de chaque kolkhozien apparaît comme une partie de la somme du travail directement social accompli au kolkhoz. L'effort personnel de chacun dans la production kolkhozienne est de la sorte évaluée d'après un critère social. La journée-travail exprime les principes d'égalité socialistes : le fait que tous les travailleurs sont affranchis de l'exploitation, l'obligation pour chacun de travailler et son droit d'être rémunéré selon la quantité et la qualité du travail accompli. Elle assure à la femme une rémunération égale à celle de l'homme pour un même travail.
La production kolkhozienne. Les revenus des kolkhoz.
La production globale du kolkhoz comprend l'ensemble des produits agricoles et des matières premières produits par l'exploitation collective au cours d'une année. Du fait du rôle croissant joué par les S.M.T. dans les kolkhoz, la valeur de la production kolkhozienne inclut un pourcentage toujours plus grand de travail dépensé par les ouvriers de l'industrie pour produire les tracteurs, les moissonneuses-batteuses et autres machines agricoles et les pièces détachées correspondantes, le carburant, les lubrifiants, etc. Les dépenses de travail qualifié des ingénieurs et des techniciens des S.M.T. y entrent aussi pour une part qui va croissant. La valeur de la production kolkhozienne comprend : premièrement, la valeur des moyens de production consommés par le kolkhoz et la S.M.T. ; deuxièmement, la valeur du produit pour soi créée par les kolkhoziens et les travailleurs de la S.M.T.; troisièmement, la valeur du produit pour la société créée par les kolkhoziens et les travailleurs de la S.M.T.
Le travail fourni par les kolkhoziens pour assurer la production collective crée le revenu global du kolkhoz. Celui-ci résulte du travail des kolkhoziens pour soi et pour la société. La partie du revenu global qui résulte du travail pour soi des kolkhoziens dans l'exploitation collective constitue le revenu personnel des kolkhoziens, à répartir d'après le nombre des journées-travail. La partie du revenu global qui est créée par le travail des kolkhoziens pour la société (pour l'exploitation collective du kolkhoz et pour la société dans son ensemble) forme le revenu net du kolkhoz.
Les revenus kolkhoziens se divisent en revenus en nature et revenus en argent. Une partie de la rémunération du travail des kolkhoziens leur est versée en nature (céréales, légumes, viande, lait, fruits, etc.), et l'autre partie en argent. Les stockages d'Etat de produits agricoles mettent à la disposition de l'Etat une partie importante de la production marchande des kolkhoz, soit au titre des livraisons obligatoires, soit en vertu de contrats. Les stockages au titre des fournitures obligatoires portent sur les céréales, les produits de l'élevage, les pommes de terre et un certain nombre d'autres légumes ; les stockages effectués en vertu de contrats intéressent surtout les plantes industrielles. Les fournitures obligatoires de produits agricoles par les kolkhoz au titre des stockages d'Etat sont calculées par hectare, c'est-à-dire qu'elles correspondent à la quantité de terre attribuée au kolkhoz. Chaque kolkhoz est tenu en conséquence de vendre à l'Etat à ce titre une quantité déterminée de produits cultivés par hectare de sol arable et de produits de l'élevage par hectare de terre. Les normes de livraisons obligatoires par hectare sont constantes. L'établissement de normes fixes, constantes, de livraisons obligatoires donne aux kolkhoz l'assurance qu'une fois acquittées leurs obligations envers l'Etat, ils peuvent disposer à leur guise de toute leur production. Les fournitures obligatoires de produits agricoles par les kolkhoz ne constituent pas un impôt au sens économique du terme puisque l'Etat paie ces produits.
La rente différentielle en régime socialiste.
Un certain nombre de conditions économiques et naturelles concourent à la formation d'une rente différentielle dans les kolkhoz. Celle-ci est due au fait que, premièrement, la terre nationalisée, bien du peuple entier, remise aux kolkhoz en jouissance perpétuelle et gratuite est mise en valeur par des kolkhoz différents, fondés sur la propriété coopérative-kolkhozienne, propriété de groupe ; deuxièmement, en économie marchande, des marchandises produites dans des conditions différentes de productivité du travail sont vendues au même prix. Les terres des kolkhoz diffèrent par la fertilité, la situation et l'efficacité de leur mise en valeur, qui dépend surtout de la mécanisation de l'agriculture. Etant donné que les meilleures terres sont en quantité limitée, la société socialiste se voit contrainte de cultiver aussi des terrains moins fertiles pour satisfaire ses besoins en produits agricoles. Les kolkhoz dont le travail s'exerce sur les meilleures terres, dans des conditions de production et d'écoulement plus favorables, créent un revenu supplémentaire par rapport aux kolkhoz travaillant sur des terres moins fertiles, dans de moins bonnes conditions. Il convient, quand on établit les prix, d'assurer une culture rémunératrice de telle ou telle plante, non seulement dans les meilleures conditions de production, mais aussi dans les plus mauvaises. La rente différentielle des kolkhoz est le revenu net supplémentaire, en nature ou en argent, obtenu par les kolkhoz disposant de terrains plus fertiles ou mieux situés, ou encore utilisant la terre de façon plus productive. En régime socialiste, la rente différentielle revient aux kolkhoz, aux kolkhoziens, et aussi à l'Etat socialiste.
La répartition de la production et des revenus des kolkhoz. Le bien-être croissant de la paysannerie kolkhozienne.
Conformément aux Statuts de l'artel agricole, les kolkhoz vendent à l'Etat une partie de la récolte et des produits de l'élevage à des prix fermes, fixés par le plan, au titre des livraisons obligatoires ou en vertu de contrats. Ils versent à l'Etat un paiement en nature pour les travaux exécutés par la S.M.T. Ils remboursent à l'Etat les prêts d'argent qu'il leur a consentis ainsi que les intérêts afférents. Ils acquittent également un impôt minime sur le revenu et une prime d'assurance. Quand les moyens de production consommés ont été reconstitués, les kolkhoz consacrent une partie de ce qui reste du revenu global à la formation de fonds sociaux d'accumulation et de consommation, et en répartissent l'autre partie entre les kolkhoziens au prorata des journées-travail. Le mieux-être des kolkhoziens est aussi lié à la création dans les kolkhoz de fonds sociaux de consommation alimentés par le revenu net : fonds d'approvisionnement, pour l'éventualité d'une mauvaise récolte; fonds d'aide aux invalides, à tous ceux qui sont temporairement incapables de travailler, aux familles dans l'embarras dont un membre fait son service militaire, ainsi que pour l'entretien des crèches et des orphelins; fonds culturel, pour satisfaire les besoins de la campagne kolkhozienne dans le domaine culturel (formation de cadres kolkhoziens, organisation de crèches, etc.). Le travail dans les kolkhoz est rémunéré de telle sorte que les kolkhoziens sont matériellement et personnellement intéressés à obtenir plus de céréales, de produits de l'élevage et d'autres denrées agricoles.
Après s'être acquitté de toutes ses obligations envers l'Etat et avoir constitué les fonds sociaux réglementaires, le kolkhoz répartit le reste de la production et des revenus en argent entre les membres de l'artel au prorata des journées-travail. Ces revenus des kolkhoziens ne sont frappés d'aucun impôt. Le montant du revenu que chaque kolkhozien reçoit de l'économie collective de l'artel dépend : 1° du nombre des journées-travail qu'il a effectuées ; 2° de la rémunération de la journée-travail. La rémunération de la journée-travail dépend du travail de tous les membres du kolkhoz. Mieux le kolkhoz a travaillé, plus son exploitation collective est développée, et plus élevé est le montant global du revenu du kolkhoz, ainsi que de sa partie destinée à être répartie au titre des journées-travail. La rémunération des kolkhoziens travaillant dans les fermes d'élevage des kolkhoz dépend de la quantité de lait et de laine obtenue, du nombre des jeunes animaux mis au monde et élevés, de l'augmentation du poids vif du bétail de rapport, etc.
Le développement des sovkhoz et les moyens d'élever leur rentabilité.
Les sovkhoz constituent, en raison de leur nature sociale et économique, la forme supérieure d'organisation de l'agriculture socialiste. Ce sont des entreprises socialistes d'Etat produisant des céréales, de la viande, du lait, de la laine, des plantes industrielles. Tous leurs moyens de production et tout ce qu'ils produisent sont la propriété du peuple entier. Les sovkhoz, grandes entreprises agricoles, sont en mesure d'utiliser à fond la technique agricole moderne, de réaliser une division du travail rationnelle, d'économiser sur les locaux d'exploitation, l'équipement, etc. Ils sont dotés du matériel agricole le plus moderne, qui permet de mécaniser la presque totalité des opérations, rendant ainsi possible une haute productivité du travail. C'est dans la culture des céréales que le niveau de mécanisation est le plus élevé. Dans les sovkhoz se réalise le passage à la mécanisation complexe de toutes les branches de la production. Les sovkhoz fournissent à l'Etat de grosses quantités de denrées agricoles. Les sovkhoz, vastes exploitations puissamment mécanisées, sont en mesure de produire les denrées agricoles avec une dépense de travail minima et de les fournir au pays aux prix les plus bas. Le revenu net créé par le sovkhoz est la différence entre le prix de revient et la valeur du produit agricole. Le montant du revenu net réalisé par le sovkhoz est la différence entre le prix de revient et le prix du produit agricole livré à l'Etat par le sovkhoz ou vendu en partie sur le marché. Les sovkhoz livrent à prix ferme la production de leurs principales branches d'activité aux centres de stockage de l'Etat. Les produits fournis par les branches auxiliaires, y compris ceux qui ont été traités dans l'exploitation même, sont vendus directement au consommateur aux prix de détail d'Etat. Le revenu net laissé à la disposition du sovkhoz et accumulé en argent est consacré à renforcer et à développer l'exploitation, à améliorer les services culturels et sociaux organisés à l'intention des travailleurs du sovkhoz (établissements pour enfants, clubs, maisons de repos et de cure, etc.) Des fonds spéciaux sont formés en conséquence : fonds pour le renforcement et le développement économiques du sovkhoz, fonds d'assurance, fonds de l'entreprise.
La forme essentielle d'organisation du travail dans les sections et les fermes des sovkhoz est la brigade permanente de production. Les brigades comprennent des équipes s'occupant plus spécialement de telles ou telles cultures dont la production est peu mécanisée. Un système de salaire aux pièces, payable en argent, incite les travailleurs des sovkhoz à améliorer le rendement des cultures et la productivité de l'élevage, à accroître la rentabilité de l'exploitation. Des primes en argent sont accordées pour un rendement des cultures supérieur aux prévisions du plan et pour de hauts indices de productivité de l'élevage. Les spécialistes de la motoculture (conducteurs de moissonneuses-batteuses et leurs adjoints, mécaniciens de tracteurs, etc.) reçoivent, outre leur salaire en argent, un salaire en nature et des primes en nature (céréales). Le personnel dirigeant et les spécialistes touchent des primes en argent si le sovkhoz a exécuté ou dépassé ses plans de production et de livraisons à l'Etat.
CHAPITRE XXXVI - LE COMMERCE EN RÉGIME SOCIALISTE
La nature et le rôle du commerce en régime socialiste.
Les articles de consommation courante produits dans la société socialiste étant des marchandises, leur répartition, leur acheminement jusqu'au consommateur, se fait nécessairement par la voie commerciale. Le commerce obéit aux exigences de la loi économique fondamentale du socialisme : satisfaire au maximum les besoins matériels et culturels croissants des travailleurs, contrairement au commerce capitaliste qui, étant une fonction du capital commercial, sert à enrichir les capitalistes. C'est dans le commerce que les kolkhoz achètent les objets d'usage productif : machines agricoles, matériel divers, équipement électrique, combustible, matériaux de construction, automobiles, etc. Font aussi partie du commerce les opérations de stockage et d'achat des denrées agricoles que l'Etat et les coopératives acquièrent auprès des kolkhoz et des kolkhoziens.
Pour que la vie économique du pays puisse battre son plein ; pour que l'industrie et l'agriculture aient un stimulant au développement de leur production, il faut qu'une autre condition soit encore remplie, à savoir que les échanges soient très actifs entre la ville et la campagne, entre les différents districts et régions du pays, entre les différentes branches de l'économie nationale. Il faut que le pays soit couvert d'un réseau serré de dépôts, de magasins, de boutiques. Il faut que les marchandises circulent sans arrêt, affluant des lieux de production vers le consommateur, par le canal de ces dépôts, magasins et boutiques.
Le commerce influe activement sur la formation de la demande des consommateurs ; il contribue à faire entrer dans les mœurs des produits nouveaux. Il utilise dans ce but la publicité pour informer loyalement le consommateur des qualités et de la destination de telles ou telles marchandises, contrairement à la publicité capitaliste dont le but est d'enrichir le capitaliste aux dépens du consommateur.
L'accroissement du rôle des organismes locaux dans la planification du commerce fait mieux connaître les demandes de la population, donne plus de souplesse et d'efficience au travail des organisations commerciales appelées à favoriser par tous les moyens l'entrée dans le commerce d'un nombre toujours plus grand de nouvelles ressources locales supplémentaires. La circulation des marchandises dans le pays est conditionnée par l'emplacement des régions de production, par le niveau et la structure de la demande consommatrice par régions. La régularité des transports, dont dépend dans une grande mesure la rapidité avec laquelle s'effectue la circulation des marchandises, est à cet égard d'une grande importance. Outre la circulation des marchandises, les organismes de commerce et de stockage assurent le transport, la conservation, le triage et l'emballage des marchandises, autrement dit poursuivent le processus de production dans la sphère de la circulation.
Le commerce assure la rentrée régulière, dans le secteur d'Etat et dans celui des kolkhoz, des fonds nécessaires pour renouveler et étendre la production. C'est de la rapidité avec laquelle les marchandises sont réalisées que dépend en grande partie la rapidité de la rotation des fonds dans l'ensemble de l'économie nationale. Et c'est par l'entremise du commerce que l'industrie socialiste produisant des biens de consommation reçoit l'argent qui sert à couvrir ses dépenses et constitue le revenu net des entreprises ainsi que le revenu net centralisé de l'Etat.
En régime socialiste, étant donné l'existence dans la production d'un secteur d'Etat et d'un secteur coopératif-kolkhozien, le commerce prend trois formes : 1° le commerce d'Etat, 2° le commerce coopératif et 3° le commerce kolkhozien. Le stockage et les achats de produits agricoles aux kolkhoz par l'Etat constituent la principale source de matières premières pour l'industrie produisant des articles de consommation individuelle et des denrées alimentaires pour la population. La production des sovkhoz et le paiement en nature aux S.M.T. sont une autre source importante de denrées alimentaires et de matières premières agricoles. Le commerce coopératif est effectué par les entreprises commerciales des coopératives de consommation et des coopératives artisanales. Les coopératives de consommation jouent un rôle important dans le stockage et l'achat de produits agricoles. Elles sont appelées à approvisionner la population rurale en articles d'usage courant, à aider au maximum les kolkhoz et les kolkhoziens à écouler leurs produits, contribuant ainsi au développement de toutes les branches de l'agriculture, à l'élévation du bien-être matériel de la paysannerie kolkhozienne et de tous les travailleurs des campagnes. Au commerce de l'Etat et des coopératives sont rattachées les entreprises de l'alimentation publique : cuisines-fabriques, cantines, restaurants, buvettes, etc., qui vendent leurs produits à la population. Le développement de l'alimentation publique permet de réaliser d'importantes économies de temps de travail dans l'économie nationale, de remplacer le travail peu productif dans le ménage par un travail socialisé plus productif et d'améliorer notablement les conditions d'existence de la population. L'alimentation publique libère des travaux du ménage des millions de femmes qui peuvent de la sorte participer à la production socialiste et à la vie sociale. Elle permet d'utiliser d'une manière plus rationnelle et plus économique les ressources alimentaires et d'organiser l'alimentation sur des bases scientifiques et hygiéniques.
A mesure que s'accroît la production kolkhozienne marchande dont l'Etat dispose grâce aux stockages et aux achats, que la production se développe dans les sovkhoz, que la quantité des denrées alimentaires augmente dans les magasins de l'Etat et des coopératives, l'action de l'Etat sur le marché inorganisé s'accentue. Les kolkhoz et les kolkhoziens réalisent une partie de leurs produits agricoles à la commission, par l'intermédiaire des coopératives de consommation. Ils livrent leurs produits aux coopératives, reçoivent de celles-ci l'argent retiré de la vente et leur versent une certaine rémunération à titre de commission. Cette méthode est avantageuse pour les kolkhoz et les kolkhoziens, qui économisent les frais afférents à la vente des marchandises.
Le prix et les frais de circulation dans le commerce d'Etat et le commerce coopératif.
La loi de la valeur exerce, par l'intermédiaire des prix, une influence régulatrice sur la sphère de la circulation marchande. L'Etat socialiste est obligé de tenir compte des effets de cette loi dans sa planification des prix. Il prend en considération la valeur de la marchandise, le niveau de l'offre et de la demande, l'importance de la marchandise dans la consommation nationale, la nécessité d'utiliser les prix pour la redistribution des fonds dans l'économie nationale. Pour la plupart des marchandises, on établit des prix de détail valables dans tout le pays. Afin de mieux tenir compte des conditions de production et d'écoulement, l'Etat établit pour un certain nombre de marchandises (surtout alimentaires) des prix de zone (différenciés suivant les régions), et pour diverses marchandises des prix de détail saisonniers. Les prix de stockage et d'achat par l'Etat sont différenciés suivant les régions, et aussi suivant les saisons, pour certains types de marchandises. La baisse systématique des prix de détail est un des principaux moyens d'élever le bien-être des masses populaires. C’est un facteur important qui permet d'influer méthodiquement sur la demande et d'élargir la consommation de certaines marchandises. La baisse des prix de détail se fonde sur la réduction des frais de production et de commerce, ainsi que sur l'accroissement de la masse des marchandises vendues par l'Etat à la population. En U.R.S.S., grâce à la baisse méthodique des prix de détail d'Etat, on pouvait en 1954 acquérir pour 433 roubles une quantité de marchandises qui en coûtaient 1000 en 1947.
Les organisations commerciales reçoivent les marchandises aux prix de gros et les revendent à la population aux prix de détail. La différence entre le prix de détail et le prix de gros constitue la majoration commerciale. Celle-ci couvre les frais de circulation des organisations commerciales et constitue leur revenu net. Les majorations commerciales sont fixées par le plan d’Etat ; leur réduction incite les organisations commerciales à mieux travailler, à diminuer les frais de circulation. Grâce aux avantages du système socialiste planifié de l'économie, le taux des frais de circulation, c'est-à-dire le rapport des frais de circulation au chiffre d'affaires du commerce, est de plusieurs fois inférieur à celui des pays capitalistes.
Le commerce extérieur.
L'économie socialiste exige un large développement du commerce extérieur, de l'échange de marchandises avec les pays étrangers, ce qui permet d'utiliser les avantages de la division internationale du travail. Le développement du commerce extérieur est subordonné à la loi économique fondamentale et aux autres lois économiques du socialisme ; il s'effectue méthodiquement, compte tenu de l'action de la loi de la valeur. Il concourt à mieux satisfaire les besoins croissants de la société. Il fournit un appoint de ressources pour développer la production, utiliser les réalisations de la technique mondiale et améliorer l'approvisionnement de la population en biens de consommation. En U.R.S.S., toutes ces opérations relèvent d'un organisme d'Etat spécial : le ministère du Commerce extérieur, et sont subordonnées aux besoins de l'édification socialiste ; elles reposent sur des plans d'exportation et d'importation qui sont partie intégrante du plan d'ensemble de l'économie nationale. Le monopole du commerce extérieur est une condition nécessaire de l'existence et du développement de l'économie socialiste. Le monopole du commerce extérieur sert au développement méthodique des échanges avec les pays étrangers et remplit deux fonctions essentielles. Premièrement, il garantit l'indépendance économique du pays du socialisme face à l'entourage capitaliste, protège son économie nationale, son marché intérieur contre toute pénétration du capital étranger, contre l'influence pernicieuse des crises économiques, de l'anarchie qui règne sur le marché mondial capitaliste. Deuxièmement, c'est un instrument servant à renforcer la coopération économique avec les pays de démocratie populaire.
CHAPITRE XXXVII - LE REVENU NATIONAL DE LA SOCIÉTÉ SOCIALISTE
Le produit social total et le revenu national en régime socialiste.
Le produit social total est, en régime socialiste, constitué par la masse des biens matériels : moyens de production et objets de consommation, produits dans la société au cours d'une période déterminée, un an par exemple. Il est créé par les travailleurs de la production matérielle : industrie, agriculture, bâtiment, transports desservant la production, ainsi que par les travailleurs du commerce exécutant des opérations qui sont une continuation du processus de production dans la sphère de la circulation (conservation, finition, transport, emballage de la marchandise, etc.). A côté des travailleurs manuels, les travailleurs intellectuels (savants, ingénieurs, etc.) occupés dans les différentes branches de la production matérielle, concourent directement à la création des biens matériels. Les branches improductives (administration de l'Etat, services culturels, sociaux et médicaux) ne participent pas à la création du produit social total. Les travailleurs qu'elles emploient ne produisent pas de biens matériels. Mais leur travail est indispensable à la société socialiste, à la production matérielle ; c'est un travail socialement utile.
La production, c'est-à-dire la sphère où sont produits les biens matériels, constitue la base du régime socialiste, comme de tout autre régime. D'où l'importance économique capitale gui s'attache à l'augmentation de la part du travail accompli dans la sphère de la production matérielle. L'hypertrophie de l'appareil administratif d'Etat, un personnel de direction et de gestion trop nombreux dans les entreprises d'Etat et les kolkhoz, des frais de circulation élevés… contribuent à détourner une partie de la main-d'œuvre, et avant tout des cadres qualifiés, de la sphère de la production matérielle, ce qui entrave l'accroissement du revenu national et est préjudiciable à l'économie nationale. L'augmentation systématique de la part du travail exécuté dans la sphère de la production matérielle, une simplification et une réduction du coût de l'appareil administratif poussées aussi loin que possible, la diminution des frais de circulation concourent à l'accroissement de la richesse sociale, à l'abondance des produits, indispensable pour bâtir la société communiste.
Dans le processus de la production, une partie du produit social total sert à remplacer les moyens de production usés. A cette partie sont incorporées les dépenses de travail passé, transférées des moyens de production consommés au produit. Le revenu national de la société est le produit social total dont on a déduit la partie qui compense les moyens de production usés. En régime capitaliste, ce sont les capitalistes et les grands propriétaires fonciers qui disposent du revenu national, produit par des travailleurs subissant l’exploitation ; ils s'en approprient la majeure partie qui leur fournit ainsi des revenus provenant du travail d'autrui, les travailleurs ne recevant que la plus petite partie du revenu national. En régime socialiste, le revenu national est créé par des travailleurs affranchis de toute exploitation et leur appartient intégralement. Il ne peut exister en régime socialiste d'autres revenus que ceux qui ont pour source le travail. Le revenu national de la société socialiste se compose du produit pour soi et du produit pour la société. Le produit pour soi, créé par les travailleurs de la production matérielle, est réparti entre eux selon le travail fourni ; il sert à satisfaire leurs besoins personnels et ceux de leurs familles. Le produit pour la société, créé par les travailleurs de la production matérielle, constitue le revenu net de la société socialiste, qui est utilisé pour accroître la production, développer les services culturels et l'hygiène publique, couvrir les dépenses de l'administration d'Etat, etc.
L'augmentation constante du revenu national en régime socialiste.
L'accroissement du revenu national, en régime socialiste, est nettement plus rapide qu'en société capitaliste. De 1929 à 1954, le revenu national des Etats-Unis, à parité de prix, a un peu moins que doublé, alors que celui de l'U.R.S.S., également à parité de prix, a été multiplié par plus de 11, malgré le préjudice énorme causé à l'économie nationale par les envahisseurs fascistes pendant la guerre. Dans la société socialiste, le revenu national s'accroît rapidement par suite : 1° de l'élévation de la productivité du travail social et 2° de l'augmentation du nombre des producteurs. Le premier de ces deux facteurs est, en régime socialiste, le plus important. Pour que la productivité du travail social augmente, l'emploi méthodique et rationnel des ressources matérielles et de la main-d'œuvre, notamment l'économie des moyens de production, est nécessaire. En régime socialiste, l'augmentation du revenu national est l'indice essentiel de l'élévation du bien-être des travailleurs, car elle entraîne un accroissement des revenus des ouvriers, des paysans et des intellectuels.
La répartition du revenu national.
Le revenu national créé dans le secteur d'Etat de l'économie nationale se décompose en deux parties principales. Celle qui représente le produit pour soi, créé par les travailleurs de la production matérielle, forme le salaire des ouvriers et des employés des entreprises productrices d'Etat. L'autre partie constitue le produit pour la société, ou revenu net. Le revenu net du secteur productif d'Etat se présente essentiellement sous deux formes : 1° revenu net des entreprises d'Etat (ce qu'on est convenu d'appeler le bénéfice des entreprises) et 2° revenu net centralisé de l'Etat (« impôt sur le chiffre d'affaires », prélèvement sur les bénéfices, somme additionnelle aux salaires destinée au fonds des assurances sociales, etc.).
Le revenu national créé dans l'économie collective des kolkhoz est la propriété de ces derniers et se compose lui aussi essentiellement de deux parties : le produit pour soi et le produit pour la société. Le produit pour soi, créé par le travail des kolkhoziens dans l'économie collective, forme les revenus en nature et en argent répartis entre les kolkhoziens au prorata des journées-travail. Le produit pour la société créé par les kolkhoziens dans l'économie collective constitue le revenu net du kolkhoz. Une partie est consacrée à développer la production kolkhozienne, à satisfaire les besoins généraux du kolkhoz, les besoins matériels et culturels des kolkhoziens ; l'autre partie du revenu net créé dans l'exploitation collective des kolkhoz est transformée en revenu net centralisé de l'Etat par le mécanisme des prix et de l'impôt sur le revenu. Les kolkhoz participent ainsi aux dépenses générales de l'Etat pour augmenter la production à la ville et à la campagne, développer la culture, renforcer la défense du pays, etc.
A la somme totale du revenu net centralisé de l'Etat est donc incorporée non seulement une partie du travail pour la société fourni par la classe ouvrière, mais aussi une partie du travail pour la société fourni par la paysannerie kolkhozienne.
Au cours de la répartition ultérieure du revenu national, principalement par le canal du budget d'Etat, une partie de ce revenu devient celui des branches improductives et des travailleurs qu'elles emploient. L'Etat socialiste dépense des sommes considérables pour un certain nombre de besoins sociaux : instruction publique, protection de la santé publique, entretien de l'appareil d'Etat, renforcement de la capacité de défense du pays, etc. La société socialiste ne saurait se développer sans accumuler d'une année à l'autre, sans augmenter la production sociale, faute de quoi elle ne pourrait développer les forces productives et donner satisfaction aux besoins toujours croissants de la population. D'où la nécessité économique pour l'Etat de concentrer une importante partie du revenu national, sous la forme d'un fonds en argent. Ce fonds est constitué presque entièrement par le revenu net centralisé de l’Etat ; seule une infime partie est fournie par la population (impôts et emprunts). La fraction du revenu net de la société dépensée par l'Etat pour les besoins sociaux, culturels et administratifs forme le salaire des travailleurs de la science, de l'instruction et de la santé publique, ainsi que de l'appareil d'Etat, et la solde des militaires. L'Etat verse des pensions, des allocations, des bourses, accorde différents avantages, assure des congés payés, etc. En définitive, l'ensemble du revenu national de la société socialiste se divise en fonds de consommation et fonds d'accumulation.
Le fonds de consommation est la partie du revenu national qui sert à satisfaire les besoins matériels et culturels croissants des ouvriers, des paysans et des intellectuels. L'accroissement du fonds de consommation est la condition nécessaire de l'augmentation des revenus réels des travailleurs. Le fonds d'accumulation est la partie du revenu national de la société socialiste qui sert à développer et à perfectionner la production socialiste à la ville et à la campagne, à accroître les fonds improductifs culturels et sociaux, y compris le fonds d'habitations, ainsi qu'à créer des réserves. Il assure de la sorte les conditions matérielles d'un essor et d'un perfectionnement de la production socialiste sur la base d'une technique supérieure, ainsi que d'un bien-être toujours accru de la population.
CHAPITRE XXXVIII - LE BUDGET D'ÉTAT, LE CRÉDIT ET LA CIRCULATION MONÉTAIRE EN RÉGIME SOCIALISTE
Les finances de la société socialiste.
Les finances de la société socialiste comprennent le budget d'Etat, les finances des entreprises d'Etat, des kolkhoz, des coopératives artisanales et de consommation, les assurances sociales d'Etat, les assurances d'Etat sur les biens et sur les personnes, les différentes formes de crédit. C'est par l'intermédiaire des finances que s'effectue la répartition du produit social total sous sa forme monétaire entre les secteurs de la production socialiste (le secteur d'Etat et le secteur coopératif kolkhozien), entre les différentes branches et entreprises, entre les régions du pays, entre la société dans son ensemble et ses membres. Ce faisant, les finances sont appelées à assurer l'emploi le plus rationnel de toutes les ressources de l'économie socialiste, à concourir à l'affermissement du régime d'économie, du principe de la gestion équilibrée, de la discipline financière dans l'économie nationale et à l'accroissement de la rentabilité de la production.
Le budget de l'Etat socialiste.
En régime socialiste, le budget d'Etat est la forme principale sous laquelle s'opèrent la constitution et l'utilisation méthodique du fonds centralisé. Une partie importante du revenu national du pays est répartie par l'intermédiaire du budget d'Etat. Celui-ci comprend un chapitre des recettes (rentrées des fonds monétaires centralisés et mis à la disposition de l'Etat) et un chapitre des dépenses (affectation de ces fonds aux besoins de la société). C'est par le budget que l'Etat socialiste mobilise les ressources monétaires de l'économie nationale et les répartit entre les entreprises et les branches d'activité en fonction des tâches assignées par le plan et de la marche de leur exécution, et qu'il contrôle l'état des finances des branches d'activité et des entreprises, ainsi que l'application du régime d'économies. Le budget d'Etat s'appuie sur le développement de toute l'économie socialiste. Il est indissolublement lié à la gestion financière, aux revenus et aux dépenses des entreprises d'Etat. Par l'intermédiaire du budget, l'Etat accorde une aide financière au secteur kolkhozien pour développer la production, entretient les écoles, les hôpitaux et les autres établissements sociaux et culturels desservant les kolkhoziens. Une autre source de recettes, pour le budget d'Etat, ce sont les versements effectués par la population sous forme d'impôts et d'emprunts. Le chapitre des dépenses du budget est constitué par les mesures de financement par l'Etat, c'est-à-dire l'affectation sans remboursement de ressources monétaires principalement aux fins suivantes : 1° développement de l'économie nationale ; 2° mesures d'ordre social et culturel; 3° entretien des organismes administratifs de l'Etat et 4° défense nationale. L'Etat socialiste procède chaque année à des investissements considérables au titre des fonds fixes dans toutes les branches de l'économie. Il finance un vaste programme de construction d'usines, de mines, de centrales électriques, de sovkhoz, de S.M.T., de chemins de fer, d'entreprises municipales, d'habitations, d'écoles, d'hôpitaux, de maisons de cure, etc.
Le crédit en régime socialiste.
Dans l'économie nationale, il se constitue, d'une part, des fonds provisoirement disponibles, tandis que, d'autre part, certaines entreprises ont provisoirement besoin de ressources supplémentaires. A mesure que la production est réalisée, de l'argent est accumulé pour l'acquisition des matières premières et du combustible, dont les stocks se renouvellent périodiquement, ainsi que pour le fonds des salaires dont le versement s'effectue habituellement deux fois par mois. Le fonds d'amortissement s'accumule lui aussi sous forme monétaire, mais n'est dépensé pour l'acquisition de nouvelles machines, d'équipement, la construction de locaux ou leur réparation, qu'au bout d'un certain temps. Le revenu net des entreprises n'est réinvesti pour accroître les fonds fixes que lorsqu'il atteint un montant suffisamment élevé. C'est ainsi que les entreprises d'Etat ont de l'argent momentanément disponible. De même les kolkhoz, sous forme de prélèvements sur les revenus en argent versés aux fonds indivis, sommes destinées à être dépensées dans un avenir plus ou moins éloignés et de revenus monétaires non encore répartis entre les kolkhoziens, etc. Au cours de l'exécution du budget, de l'argent se trouve momentanément disponible : excédents des recettes sur les dépenses, soldes des comptes courants des administrations financières et crédits spéciaux du budget. L'augmentation des revenus des travailleurs entraîne chez ceux-ci également l'apparition d'argent disponible en quantités toujours croissantes. Par ailleurs, les entreprises socialistes et les organisations économiques ont, d'une manière périodique, temporairement besoin d'argent pour les dépenses saisonnières, les stockages de matières premières, etc. D'où la nécessité économique du crédit.
En régime socialiste, le crédit permet à l'Etat de mobiliser l'argent momentanément disponible, qui sera ensuite remboursé, et d'en faire méthodiquement usage pour les besoins de l'économie socialiste. Contrairement au régime capitaliste, l'économie socialiste ignore le capital de prêt ; dans sa majeure partie, l'argent mis à la disposition du système de crédit est propriété sociale, et le reste est la propriété personnelle des travailleurs. Ces ressources sont utilisées dans l'intérêt des entreprises socialistes et des masses laborieuses. Le crédit est régi par un plan. L’Etat dresse des plans des crédits où il en détermine le volume, les sources et la destination. Le plan des crédits reflète le plan de l'économie nationale et en favorise l'exécution. Les établissements de crédit de l'Etat : banques et caisses d'épargne, mobilisent l'argent momentanément disponible. Ainsi, les entreprises où est appliquée la gestion équilibrée sont tenues d'ouvrir un compte à la Banque d'Etat et d'y déposer leur argent. Les kolkhoz ont un compte courant à la Banque d'Etat ou dans les caisses d'épargne et ils y déposent leurs fonds. L'argent accumulé par les entreprises socialistes est, lui aussi, concentré dans des banques spéciales. A la Banque d'Etat sont déposés les ressources budgétaires disponibles, l'argent des administrations publiques, des syndicats, des assurances, etc. Le crédit est également un moyen de mobiliser l'argent disponible de la population par l'entremise des caisses d'épargne d'Etat. Les crédits avancés par les banques sont à court terme ou à long terme : les crédits à court terme sont appelés à faciliter le mouvement des moyens circulants des entreprises d'Etat, des kolkhoz et des autres entreprises coopératives ; les crédits à long terme intéressent principalement la sphère des grands travaux. L'Etat accorde aussi des crédits à long terme aux kolkhoz et aux associations coopératives (pour couvrir les frais d'aménagement), aux travailleurs (pour la construction d'habitations individuelles) et aux kolkhoziens (pour l'achat de vaches, etc.). Une autre source de crédit à long terme pour les kolkhoz et les coopératives réside dans leurs propres accumulations. Les entreprises d'Etat reçoivent des sommes à investir dans les fonds fixes sous forme de crédits budgétaires non remboursables ; elles font aussi appel dans ce but à leurs ressources propres : fonds d'amortissement et revenu net. Une entreprise ne peut recevoir d'avances que de la banque.
L'octroi par la banque de crédits directs à court terme aux entreprises et aux organisations économiques est subordonné aux conditions fondamentales suivantes : 1° remboursement de l'avance dans un délai déterminé ; 2° destination précise de l'avance accordée ; 3° garantie de l'avance que la banque accorde par des valeurs matérielles. L'obligation de rembourser l'avance dans un délai déterminé incite les organisations économiques et les entreprises à accélérer la rotation des fonds, et concourt à la réalisation du contrôle financier par la banque. L'obligation de garantir l'avance par des valeurs matérielles permet à la banque de vérifier si le crédit a été utilisé correctement et conformément au but spécifié ; elle rattache le crédit à la circulation des ressources matérielles.
Les banques paient un intérêt pour les dépôts qui leur sont confiés et perçoivent un intérêt un peu plus élevé pour les avances qu'elles accordent. Dans l'économie socialiste, l'intérêt est la partie du revenu net de l'entreprise que celle-ci verse à la banque pour l'utilisation temporaire de l'argent emprunté. Le taux de l'intérêt qui, en régime capitaliste, s'établit spontanément, par le simple jeu de la concurrence, est, en régime socialiste, fixé par l'Etat et d'après un plan. L'État fait en sorte que les entreprises et les organisations aient un intérêt matériel à déposer leur argent disponible à la banque, et à utiliser de la manière la plus rationnelle et la plus économique leurs ressources et celles qu'elles ont empruntées.
Les banques dans la société socialiste.
Les banques sont des organismes d'Etat qui assurent méthodiquement, dans l'intérêt du développement de l'économie socialiste, l'octroi de crédits aux entreprises, le financement des investissements au titre des fonds fixes, les règlements et les paiements dans l'économie nationale. Les banques assurent le contrôle financier de la production et de la circulation, contribuant de la sorte à renforcer le régime d'économie et le principe de la gestion équilibrée. Ce contrôle est réalisé, premièrement, par le financement des mesures prévues dans le plan, et en fonction de l'accomplissement du plan, ainsi que par l'octroi de crédits à cette fin; deuxièmement, en exigeant le remboursement des avances consenties dans les délais fixés pour l'exécution des tâches prévues par le plan; troisièmement, en appliquant les sanctions appropriées, en cas d'infraction aux clauses concernant l'utilisation des fonds et le délai de remboursement de l'avance (par exemple, perception d'un intérêt majoré et privation du droit de recourir ultérieurement au crédit bancaire). Pour que l'activité économique des entreprises s'améliore et que le régime d'économie soit appliqué dans toute sa rigueur, le contrôle financier des banques sur la production et leur intervention active auprès des entreprises mal gérées doivent être renforcés. Pour renforcer le principe de la gestion équilibrée, ainsi que le contrôle financier, la Banque d'Etat joue un rôle important en adoptant une attitude différenciée lorsqu'elle accorde des crédits aux entreprises, suivant qu'elles travaillent bien ou mal.
La circulation monétaire en régime socialiste.
La circulation monétaire est réglée par la loi économique selon laquelle la quantité d'argent nécessaire à la circulation marchande est déterminée par la somme des prix des marchandises en circulation et la vitesse de circulation de l'argent. La somme globale d'argent en circulation nécessaire à la société pour une période déterminée est, en outre, fonction du montant total des paiements au comptant exécutés au cours de cette période. S'appuyant sur la loi du développement harmonieux de l'économie nationale et utilisant la loi de la circulation monétaire, l'Etat socialiste planifie la circulation de la monnaie dans le pays en liaison étroite avec la planification de l'économie nationale dans son ensemble. Le gros de l'argent liquide délivré par la Banque d'Etat sert, conformément aux prévisions du plan, à payer les salaires, à effectuer les versements en espèces au prorata des journées-travail, à payer les produits agricoles stockés et achetés aux kolkhoziens. D'autre part, l'argent liquide qui fait retour à la banque provient surtout des recettes des organisations commerciales, qui fournissent plus des quatre cinquièmes des encaissements de la Banque d'Etat, ainsi que des recettes versées chaque jour à la banque par les entreprises municipales, les transports et les P.T.T…
Le rapport qui existe entre les revenus monétaires de la population, d'une part, et le volume des marchandises en circulation ainsi que des services payants offerts à la population, d'autre part, est l'un des principaux facteurs qui influent sur la circulation monétaire. Un élément important dans la planification de la circulation monétaire est le plan du mouvement des fonds de la Banque d'Etat, plan arrêté par le gouvernement et qui embrasse de haut en bas l'ensemble du système de la Banque d'Etat. Il établit les prévisions concernant l'argent liquide qui entrera à la Banque d'Etat et qui en sortira au cours de la période envisagée.
CHAPITRE XXXIX - LA REPRODUCTION SOCIALISTE
Le caractère de la reproduction socialiste.
La production sans cesse renouvelée des biens matériels, autrement dit la reproduction, est la condition de l'existence et du développement de la société socialiste comme de toute autre société. Conformément aux exigences de la loi économique fondamentale du socialisme, la reproduction socialiste est subordonnée à un but : assurer au maximum la satisfaction des besoins matériels et culturels sans cesse croissants de toute la société, alors que la reproduction capitaliste vise à assurer le profit maximum aux capitalistes. Partant de la loi du développement harmonieux de l'économie nationale et se conformant en tout point aux exigences de la loi économique fondamentale du socialisme, l'Etat socialiste détermine dans ses plans les rythmes de développement de l'économie nationale, les proportions et les rapports entre les différentes branches, le volume de l'accumulation et de la consommation.
Pris dans son ensemble, le processus de la reproduction est avant tout un processus de reproduction du produit social. Dans la reproduction du produit social, le rôle déterminant appartient à la reproduction des moyens de production, et avant tout des instruments de travail. La multiplication et le perfectionnement constants des instruments de travail sont la condition nécessaire du progrès technique. La reproduction socialiste s'effectue sur la base d'une technique supérieure. On agrandit les installations existantes et on en construit de nouvelles, on crée de nouveaux moyens de transport, la production des matières premières augmente, etc. La reproduction élargie des moyens de production est la condition nécessaire du développement de la production des objets de consommation : vêtements, chaussures, denrées alimentaires, etc. La reproduction socialiste comporte aussi la reproduction de la force de travail. Assurer méthodiquement aux entreprises la force de travail dont elles ont besoin est une condition fondamentale de la reproduction socialiste élargie. Les progrès de l'économie nationale entraînent un accroissement constant de la classe ouvrière. L'industrie, le bâtiment, les transports, l'agriculture reçoivent des cadres qualifiés sortant du système d'Etat de formation de la main-d'œuvre, d'un réseau spécial d'écoles, de cours, d'écoles techniques et d'établissements d'enseignement supérieur, en fonction des besoins de l'économie nationale. La reproduction des rapports de production socialistes implique le renforcement de l'alliance des deux classes amies : la classe ouvrière et la paysannerie, et des intellectuels, qui leur sont étroitement rattachés.
La richesse nationale de la société socialiste. La composition du produit social total.
L'ensemble des biens matériels dont dispose la société socialiste constitue sa richesse nationale. Le premier élément de la richesse nationale, ce sont les fonds de production de l'économie nationale, c'est-à-dire les moyens de production, qui se divisent en : a) fonds fixes et b) fonds circulants. Font aussi partie de la richesse nationale de la société socialiste les ressources naturelles (terres cultivées et cultivables, gisements de minéraux utiles, eaux, forêts, etc.), entraînées dans le processus de la reproduction. Les fonds fixes sont constitués par les moyens de travail appartenant soit à l'Etat, soit aux coopératives ou aux kolkhoz (bâtiments d'exploitation, machines, outillage, ouvrages d'art, etc.) en service dans toutes les branches de la production matérielle. Les fonds circulants sont constitués par les objets du travail (matières premières, matériaux, combustible, etc.), soit en cours de production, soit en réserve dans les entreprises d'Etat, les kolkhoz ou les autres organisations coopératives. Un autre élément de la richesse nationale, ce sont les fonds de roulement de l'économie nationale : stocks de produits finis se trouvant dans les dépôts des entreprises d'Etat productrices, dans ceux des kolkhoz, des artels artisanaux, des entreprises et des organisations commerciales d'Etat ou coopératives. Un troisième élément de la richesse nationale, ce sont les réserves matérielles d'Etat et coopératives kolkhoziennes, ainsi que les fonds dits d'assurance. Un quatrième élément, ce sont les fonds non-productifs de l'économie nationale, constitués par des biens appartenant soit à l'Etat, soit aux coopératives ou aux kolkhoz, et qui sont d'un usage improductifs prolongé : fonds des habitations, immeubles et installations des services sociaux et culturels : écoles, théâtres, clubs, hôpitaux, etc. Tels sont les principaux éléments de la richesse nationale, qui sont propriété collective, socialiste. La richesse nationale comprend aussi les biens personnels de la population.
Quant au produit social total, il se compose des biens matériels créés dans la société au cours d'une période déterminée, un an par exemple. En régime socialiste, le produit social se présente sous deux formes : a) une forme naturelle, matérielle, et b) une forme valeur, c'est-à-dire monétaire. L'ensemble de la production de la société socialiste se divise en deux grandes sections : la production des moyens de production, destinés à participer de nouveau au processus de production, et la production des biens de consommation, destinés à satisfaire les besoins de la population.
Le rapport entre les deux sections de la production sociale.
La reproduction socialiste élargie est caractérisée par une augmentation de la production où le développement des branches fournissant des moyens de production (section I) est plus rapide que celui des branches produisant des biens de consommation (section II). D'autre part, en régime socialiste, la production des biens de consommation augmente sans cesse, en chiffres absolus, ce qui se traduit par un accroissement de la production dans l'agriculture, ainsi que dans les industries légère et alimentaire, par l'extension donnée à la construction d'habitations dans les villes et à la campagne, par le développement de la circulation des marchandises.
Les industries de la houille et du pétrole fournissent du combustible aux constructions mécaniques dont elles reçoivent à leur tour l'équipement nécessaire ; la métallurgie qui fournit le métal indispensable à l'industrie du bâtiment, a besoin des matières brutes de l'industrie minière pour augmenter la production des métaux, etc. Ainsi s'opère, entre les différentes branches de la section I, l'échange méthodique des moyens de production qui permettent de poursuivre et d'étendre la production dans ces branches. Il y a, ensuite, échange entre les différentes branches de la section II qui produit des biens de consommation. Une partie de ceux-ci sont consommés individuellement par les travailleurs de cette section, échangés par le canal de la circulation marchande contre le salaire des ouvriers et des employés, contre les revenus en argent des kolkhoziens. Une certaine quantité de biens de consommation produits dans les kolkhoz est répartie et consommée dans les kolkhoz mêmes sans avoir pris la forme de marchandises et sans être passée par le marché. En troisième lieu, il y a échange entre les sections I et II. Une partie des moyens de production fabriqués dans la section I doit servir à reconstituer les moyens de travail partiellement ou entièrement usés, les stocks de matières premières, de combustible et d'autres matériaux consommés dans la section II, ainsi qu'à augmenter les moyens de travail, les stocks de matières premières, de combustible et de matériaux de cette section en vue de la reproduction élargie. Une partie des biens de consommation produits dans la section II est échangée, par l'entremise du réseau commercial, contre le salaire des travailleurs de la section I.
La formation et la destination des fonds sociaux en régime socialiste.
Le produit social total, déduction faite de la partie qui sert à reconstituer les moyens de production usés, forme le revenu national de la société socialiste. Celui-ci se compose de deux fonds principaux : le fonds d'accumulation, qui permet le développement et le perfectionnement constants de la production socialiste, et le fonds de consommation, qui assure la satisfaction des besoins matériels et culturels sans cesse croissants de toute la société. La majeure partie du fonds d'accumulation est consacrée à l'extension de la production. Une autre partie du fonds d'accumulation est consacrée à l'exécution de travaux de construction à des fins culturelles et sociales, comprenant notamment un programme de plus en plus vaste de construction d'écoles, d'hôpitaux, d'installations pour les services municipaux. Enfin, une troisième partie du fonds d'accumulation constitue le fonds de réserve ou d'assurance de la société.
Le fonds de consommation se compose à son tour de deux parties : la majeure partie du fonds de consommation constitue le fonds de rémunération selon le travail. Une autre partie du fonds de consommation sociale est dépensée à des fins sociales et culturelles : pour satisfaire les besoins croissants de la société socialiste dans le domaine des sciences, de l'enseignement, de la santé publique, de l'art, etc. C'est aussi de ce fonds que provient le salaire versé aux travailleurs de la culture et des services sociaux conformément à la loi économique de la répartition selon le travail. Une autre fraction du fonds de consommation sociale alimente le fonds de la sécurité sociale, qui permet à l'Etat d'accorder une aide aux mères de familles nombreuses, aux mères seules, aux enfants, aux vieillards, aux invalides, conformément au droit, garanti par l'Etat socialiste, d'être assuré matériellement dans la vieillesse et en cas d'incapacité de travail. Une partie du fonds de consommation sociale sert à couvrir les frais administratifs : rémunération des travailleurs de l'appareil d'Etat, etc. Une portion du revenu national va à la défense. Face au danger d'agressions militaires des impérialistes, le renforcement de la capacité de défense revêt une très grande importance.
L'accumulation et la consommation dans la société socialiste.
L'accumulation socialiste s'accomplit par les investissements au titre des fonds fixes de l'économie nationale. Ces investissements sont l'ensemble des dépenses destinées, au cours d'une période déterminée, à la création de nouveaux fonds fixes, productifs et non productifs, ou à la modernisation de ceux qui existent déjà. Une partie de ces investissements servent à reconstituer les fonds fixes usés.
L'accumulation socialiste repose sur l'élévation constante de la productivité du travail social, sur l'abaissement méthodique du prix de revient de la production. La planification de l'économie socialiste, l'absence de crises, le niveau élevé des investissements au titre des fonds fixes dans l'économie nationale, l'utilisation méthodique et rationnelle des moyens de production et de la main-d'œuvre dans la production sociale, l'absence de consommation parasite déterminent des rythmes rapides d'accumulation, comme le capitalisme n'en a jamais connu, même aux périodes les plus favorables de son développement. Aux Etats-Unis, la part du revenu national accumulée a été en moyenne d'environ 10 % de 1919 à 1928, et de 2% seulement de 1929 à 1938. En U.R.S.S., le fonds d'accumulation (réserves comprises) constitue un quart environ du revenu national.
CHAPITRE XL - LE PASSAGE GRADUEL DU SOCIALISME AU COMMUNISME
Les deux phases de la société communiste.
La société, en se développant, passe à des formes d'organisation de plus en plus élevées : toute l'histoire de l'humanité est là pour le confirmer. Le degré le plus élevé, le plus progressiste du développement social est la société communiste, but final de la lutte des travailleurs de tous les pays pour leur émancipation. La société communiste passe par deux phases de développement : une phase inférieure, appelée socialisme, et une phase supérieure, appelée communisme.
Au premier stade de son évolution, la société communiste ne peut pas encore être affranchie des pratiques et des survivances du capitalisme, dont elle est issue. Seul le développement ultérieur du socialisme sur sa base propre, qu'il a lui-même créée, conduit à la seconde phase, la phase supérieure de la société communiste. Le socialisme et le communisme représentent donc deux degrés différents de maturité d'une formation nouvelle, la formation sociale communiste. Les deux phases du communisme possèdent la même base économique : la propriété sociale des moyens de production, qui détermine le développement harmonieux de l'économie nationale. Elles sont caractérisées l'une et l'autre par l'absence de classes exploiteuses et l'absence d'exploitation de l'homme par l'homme, d'oppression raciale et nationale. Pour le socialisme comme pour le communisme, le but de la production est de satisfaire au maximum les besoins matériels et culturels sans cesse croissants de l'ensemble de la société, et le moyen d'y parvenir est d'accroître et de perfectionner sans cesse la production sur la base d'une technique supérieure.
Avec le socialisme, les forces productives ont déjà atteint un niveau élevé : la production socialiste se développe régulièrement à des rythmes rapides ; la productivité du travail social croît également. Mais les forces productives de la société et la productivité du travail des producteurs sont encore insuffisantes pour créer l'abondance des biens matériels. Le communisme suppose un niveau de développement des forces productives de la société et de la productivité du travail social capable d'assurer cette abondance. En régime socialiste coexistent deux formes de propriété collective, socialiste : la propriété d'Etat et la propriété coopérative-kolkhozienne ; en régime communiste, la propriété communiste unique des moyens de production règne sans partage.
En régime socialiste, en raison de l'existence de deux formes principales de production socialiste, la production et la circulation marchandes continuent d’exister ; en régime communiste, où régnera la propriété communiste unique, une forme unique de production communiste, il n'y aura plus ni production marchande, ni circulation marchande ; la monnaie ne sera donc plus nécessaire.
En régime socialiste, l'opposition a disparu entre la ville et la campagne, entre le travail intellectuel et le travail manuel ; mais il subsiste entre eux des différences essentielles. Avec le communisme, il n'y aura plus de différences essentielles entre la ville et la campagne, entre le travail intellectuel et le travail manuel; il ne subsistera entre eux que des différences non essentielles.
La société socialiste comprend deux classes : la classe ouvrière et la paysannerie kolkhozienne, classes amies, mais qui se différencient par leur situation dans la production sociale ; il existe à côté d'elles une autre couche sociale, celle des intellectuels socialistes. Lorsque la différence entre les deux formes de propriété socialiste, ainsi que les différences essentielles entre la ville et la campagne, entre le travail manuel et le travail intellectuel auront disparu, les démarcations s'effaceront définitivement entre ouvriers, paysans et intellectuels ; tous deviendront des travailleurs de la société communiste. Le communisme est une société sans classes.
En régime socialiste, le travail, affranchi de toute exploitation, est équipé d'une technique moderne et est une question d'honneur. Mais la production n'est pas encore entièrement mécanisée, le travail n'est pas encore devenu le premier besoin vital de tous les hommes, certains membres de la société se montrent encore négligents dans le travail, et la nécessité subsiste d'un contrôle très strict, par la société, de la façon dont s'opère la mesure du travail et de la rémunération. En régime communiste, la production sera entièrement mécanisée et automatisée, et le travail cessera d'être seulement un moyen de subvenir à l'existence pour devenir aux yeux de toute la société le premier besoin vital. Le communisme assure à tous les membres de la société l'épanouissement de leurs facultés physiques et intellectuelles. Tous seront des hommes cultivés, d'une instruction générale étendue dans tous les domaines, et pourront se choisir librement une profession. Le communisme suppose un développement encore sans précédent de la science, des arts et de la technique.
Le rapport des forces, dans l'arène mondiale, est à présent tout autre, et il s'est créé une situation entièrement nouvelle pour l'édification du socialisme et du communisme. Les pays de démocratie populaire, en Europe et en Asie, jettent les fondements du socialisme, première phase de la société communiste. Le renforcement ininterrompu de la puissance du camp socialiste, une coopération économique, politique et culturelle toujours plus étroite des peuples qui en font partie, sont la condition déterminante de la victoire du socialisme et du communisme dans tous ces pays. Mais, à côté du camp socialiste, il existe un camp impérialiste, qui lui est hostile. Et tant que ce camp continue d'exister, le danger subsiste d'une agression militaire contre le camp socialiste.
A la phase supérieure du communisme, quand les classes et les différences de classes auront disparu, l'Etat deviendra inutile et dépérira. Si le camp capitaliste subsiste, ce qui accroit les craintes d’une agression militaire, on assistera à l’encerclement socialiste. Les différences raciales, nationales et ethniques auront disparu dans le communisme, ce qui permettra l’émergence d’un Etat communiste si la menace capitaliste perdure. L'Etat socialiste est nécessaire tant que subsistera le danger d'une agression des Etats impérialistes. En conséquence, les pays socialistes qui mènent une politique de paix doivent en même temps se tenir prêts à repousser toute agression du dehors. Il faut pour cela renforcer au maximum l'Etat socialiste, accroître la puissance économique du pays, assurer sa capacité de défense. Il ne faut pas s'imaginer que le passage au communisme peut se faire du jour au lendemain. Il s'accomplit graduellement, par le développement harmonieux des assises et des principes du socialisme. Achever l'édification de la société socialiste, c'est réaliser en même temps le passage graduel du socialisme au communisme. Le passage graduel du socialisme au communisme n'exclut pas des bonds révolutionnaires dans le développement de la technique, de l'économie, de la science et de la culture.
La loi selon laquelle le passage d'un ancien état qualitatif de la société à un nouveau se fait par explosion, loi qui est obligatoire pour une société divisée en classes hostiles, ne l'est nullement pour une société qui, telle la société socialiste, ne comporte pas de classes hostiles. Les conditions matérielles et culturelles du communisme apparaissent à mesure que se développent les forces productives de la société socialiste, que sa richesse et sa culture augmentent, que la propriété sociale des moyens de production s'affermit et s'étend, que progresse l'éducation des masses dans l'esprit du communisme. Cela ne signifie pas que le développement de la société vers le communisme se produise sans qu'il y ait à surmonter des contradictions internes.
CHAPITRE XLI - LE RÉGIME ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE
Les conditions préalables à la révolution populaire en Chine.
Jusqu'à la victoire de la révolution populaire, la Chine était un pays agricole retardataire, dépendant des puissances impérialistes. L'économie chinoise revêtait un caractère semi-féodal et semi-colonial. Jusqu'à la révolution, la Chine est restée un pays où le capitalisme était extrêmement peu développé. L'industrie moderne, l'industrie lourde surtout, était très faible. Les monopoles étrangers freinaient le développement de l'industrie, surtout des branches produisant les moyens de production ; ils maintenaient le pays dans un état de retard technique et économique. Les entreprises industrielles modernes n'existaient que dans très peu de régions côtières et au nord-est tandis que sur presque tout l'immense territoire du pays on ne connaissait absolument pas l'industrie mécanique. Les grands propriétaires fonciers, qui représentaient de 4 à 5 % de la population rurale, détenaient plus de la moitié du sol ; les paysans pauvres et moyens, soit 90 % de la population rurale, ne possédaient que 30 % des terres. Les paysans prenaient la terre en métayage et remettaient au propriétaire foncier de 50 à 70 % de la récolte en échange du droit de cultiver sa terre et d'employer son cheptel. Les usuriers et les propriétaires fonciers percevaient des intérêts énormes pour les prêts qu'ils consentaient aux paysans. La Chine tombait de plus en plus dans la dépendance des puissances impérialistes : de l'Angleterre, du Japon et des Etats-Unis principalement. 75 % des capitaux investis dans l'industrie appartenaient à des étrangers. L'impérialisme américain avait acquis, depuis 1930-1940, une place prépondérante en Chine.
Dès le milieu du siècle dernier, quand les puissances capitalistes ont commencé à pénétrer profondément en Chine, la classe des grands propriétaires féodaux qui gouvernait le pays s'est montrée absolument incapable de défendre l'Etat contre les atteintes des ennemis de l'extérieur, si bien que la Chine, cet immense pays, cessa en fait d'être un Etat indépendant. Dès ses premiers pas, la bourgeoisie chinoise s'est trouvée sous la dépendance économique étroite des impérialistes étrangers. La grande bourgeoisie compradore était étroitement liée à la propriété foncière féodale et aux capitalistes étrangers, pour la plupart américains, anglais et japonais. Elle servait d’intermédiaire entre les impérialistes étrangers et le marché chinois et elle s'était assurée des richesses considérables par une exploitation impitoyable des masses ouvrières et paysannes. Sous la domination de la clique du Kouo-Min-Tang, une petite poignée de monopolistes qui utilisaient largement le pouvoir de l'Etat pour piller le pays (et qu'on a appelée « le capital bureaucratique »), s'est emparée de positions importantes dans l'économie du pays.
A la veille de la victoire de la révolution populaire, le prolétariat industriel comptait environ 4 millions de personnes. En dehors des prolétaires des fabriques et des usines, il existait des millions de prolétaires et de semi-prolétaires : dockers, portefaix (coolies, tireurs de pousse-pousse), terrassiers, ainsi qu'un prolétariat rural (ouvriers agricoles) qui s'élevait à plusieurs dizaines de millions de personnes. Le prolétariat industriel, fraction la mieux organisée et la plus consciente des masses laborieuses, dont il était l'avant-garde, a exercé, à partir de 1920-1930, une influence décisive sur la vie politique du pays. Après la première guerre mondiale, sous l'influence de la grande Révolution socialiste d'Octobre en Russie, un large mouvement révolutionnaire, anti-impérialiste et antiféodal, lié au rapide essor du mouvement ouvrier, est né en Chine. La révolution chinoise, dont le but était de rejeter le joug de l'impérialisme et du féodalisme, est devenue une partie de la révolution mondiale.
Le caractère de la révolution chinoise.
La révolution populaire, qui a triomphé en Chine en 1949, avait de profondes racines historiques. Le joug impérialiste et les méthodes féodales d'exploitation ont exacerbé à l'extrême les contradictions de classes et ont conduit le pays au bord de la catastrophe économique et politique. La révolution populaire est devenue la seule issue à la situation ainsi créée. Etant donné la situation semi-coloniale du pays et la domination des rapports semi-féodaux, la révolution populaire a eu, en Chine, à sa première étape, le caractère d'une révolution démocratique bourgeoise de libération nationale. Les principales contradictions sur la base desquelles cette révolution est née et s'est développée étaient, d'une part, la contradiction entre le peuple chinois et l'impérialisme étranger et, d'autre part, la contradiction entre les masses populaires et le féodalisme. La révolution chinoise avait pour principaux ennemis les forces de l'impérialisme et du féodalisme qui agissaient en liaison étroite. Ainsi, la révolution démocratique bourgeoise a été dès le début, en Chine, une révolution anti-impérialiste et antiféodale.
Les principales forces motrices de la révolution populaire chinoise ont été la classe ouvrière et la paysannerie. La classe ouvrière a formé, avec la paysannerie, marchant sous sa direction, le gros de l'armée de la révolution, qui a donné au peuple chinois la victoire sur ses ennemis du dedans et de dehors. Au cours de la lutte révolutionnaire, il s'est formé un front démocratique populaire uni comprenant la classe ouvrière, la paysannerie, la petite bourgeoisie des villes, la bourgeoisie nationale, tous les éléments démocratiques du pays. La lutte révolutionnaire du peuple chinois a été dirigée par le Parti communiste qui, s'inspirant de la théorie marxiste-léniniste, applique cette théorie dans les conditions particulières de son pays et met à profit l'expérience de la révolution victorieuse en Union soviétique.
Le Parti communiste chinois est parti du fait que, dans la situation internationale de l'époque contemporaine, la Chine évitera la voie de développement capitaliste à la suite de la révolution démocratique bourgeoise et suivra une voie non capitaliste, c'est-à-dire socialiste. Pendant près de trente années, les masses populaires du pays ont mené, sous la direction de la classe ouvrière et Parti communiste en tête, une lutte armée opiniâtre contre l'impérialisme étranger, contre la domination des féodaux et de la bourgeoisie compradore. Dans cette lutte anti-impérialiste et antiféodale de longue haleine, le peuple chinois a créé de vastes bases révolutionnaires sur le territoire desquelles il a instauré le pouvoir démocratique populaire du front uni, réalisé des transformations sociales radicales et accumulé une riche expérience révolutionnaire ; il y a graduellement créé une puissante armée populaire et révolutionnaire qui a remporté la victoire en 1949.
L'importance exceptionnelle de la Révolution chinoise consiste en ce qu'elle a ouvert la voie du développement socialiste à un immense pays à l'économie extrêmement retardataire dans laquelle prédominaient les formes semi-féodales et semi-coloniales d'économie. C'est là la principale particularité du développement économique de la République populaire de Chine par rapport aux pays européens de démocratie populaire. Dans les nouvelles conditions historiques, la possibilité s'est offerte à la Chine d'édifier avec succès le socialisme. Fort de l'aide du camp socialiste et de l'appui des masses, le pouvoir populaire a réalisé en des délais record de profondes transformations révolutionnaires dans l'économie chinoise et engagé le pays dans la voie de la construction du socialisme sans passer par le stade du capitalisme.
CHAPITRE XLII - LA COOPÉRATION ÉCONOMIQUE DES PAYS DU CAMP SOCIALISTE
La naissance et l'affermissement du marché mondial des pays du camp socialiste.
Après la deuxième guerre mondiale, les pays qui se sont détachés du système mondial du capitalisme et ont formé avec l'Union soviétique le camp socialiste, se sont groupés sur le plan économique et coopèrent étroitement. Parallèlement au marché mondial capitaliste s'est constitué un marché mondial des pays du camp socialiste. Dans ces pays, dont le territoire occupe le quart des terres émergées, vit plus du tiers de l'humanité. Ces relations, qui reposent sur les principes d'une entraide fraternelle, ont puissamment contribué au relèvement économique rapide des Etats de démocratie populaire et à la solution d'autres problèmes économiques urgents de l'après-guerre. Après la formation, en 1949, de la République populaire chinoise, une grande puissance de 600 millions d'hommes est venue grossir le camp du socialisme. Quand les pays de démocratie populaire sont passés à la réalisation de plans économiques à long terme ayant pour but de jeter les bases du socialisme, la coopération économique est entrée dans une phase nouvelle. Celle-ci est marquée par la conclusion de traités et d'accords économiques à long terme portant sur des livraisons réciproques de marchandises. Ces traités et accords assurent à chaque pays, pour une longue période, la fourniture de sortes déterminées de machines, d'équipement, de matières premières et d'autres marchandises nécessaires à l'exécution de ses plans économiques. D'autre part, ces accords à long terme assurent à chaque pays l'écoulement de ses produits sur le marché extérieur. Des relations économiques stables et prolongées ouvrent la perspective d'un développement continu de l'économie et sont une condition essentielle de la construction méthodique du socialisme dans les pays de démocratie populaire.
L'expérience de la coopération économique des Etats du camp socialiste montre que le marché mondial des pays du camp socialiste dispose de ressources telles qu'elles permettent à chaque pays de trouver dans le cadre de ce marché tout ce dont il a besoin pour son développement économique. Un Conseil d'entraide économique a été créé en 1949, sur la base de l'égalité complète de tous les Etats participants, pour coordonner la coopération économique des pays du camp socialiste. Le Conseil organise l'échange d'expérience technique et économique, l'assistance mutuelle en ce qui concerne les matières premières, les denrées alimentaires, les machines, l'équipement. Cependant, le développement qu'a pris la coopération économique des pays du camp socialiste, loin d'exclure l'extension de leurs relations commerciales avec les pays du monde capitaliste, crée des conditions favorables à cette extension. Les pays du camp socialiste s'attachent à développer les relations d'affaires avec les pays du camp capitaliste sur la base de l'égalité, de l'avantage réciproque et du respect le plus strict des engagements contractés. Ils considèrent ces relations comme un facteur essentiel de l'essor ultérieur de leur économie, de l'accélération du progrès technique, de l'élévation du niveau de vie de la population.
Les rapports économiques, dans le camp socialiste, sont caractérisés par l'entraide sous toutes ses formes, par l'élévation des pays sous-développés au niveau des pays avancés. La division internationale socialiste du travail facilite la liquidation du retard des pays de démocratie populaire, crée des conditions favorables à leur industrialisation, renforce leur indépendance économique et politique à l'égard du monde capitaliste, accélère leur progrès économique, élève le bien-être de la population. Les rapports qui se sont établis entre les pays du camp socialiste sont l'incarnation des principes de l'internationalisme prolétarien, de la solidarité internationale des travailleurs. Ils sont fondés sur un appui mutuel désintéressé, sur le respect de la souveraineté politique et des intérêts nationaux de chaque pays. L'amitié fraternelle et la coopération étroite des pays du camp socialiste sont un élément très important de la puissance invincible de ce camp, la condition décisive du succès de l'édification socialiste dans ces pays.
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Fraternellement.