Combien coûte un poste au MINESEC ?

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     Le commun des mortels croit que les nominations au MINESEC tiennent du seul fait de mérite ou même de l’ancienneté. Il n’en n’est rien, les espèces sonnantes et trébuchantes y passent à 60%.

Nos fins limiers sont sur les pistes du réseau.

Tout en reconnaissant que beaucoup de responsables tiennent leur poste du fait de leur compétence, à qui nous adressons nos félicitations sincères, il faut reconnaitre qu’il existe des voies parallèles non moins légales qui conduisent aux postes de responsabilité. Ces voies sont celles de copinage, de parrainage ou de corruption. Cette dernière piste va faire l’objet de notre enquête. Toutes les régions ne sont pas concernées au même titre, certaines voies sont plus privilégiées dans certaines régions que d’autres. Le parrainage est plus accentué au grand nord par exemple alors qu’à l’ouest et au littoral, la corruption l’emporte. Le monnayage des postes à l’éducation est aussi vieux que la fonction publique camerounaise. Mais ce phénomène a pris de l’ampleur ces dernières années. Les réseaux sont si sinueux et huilés qu’il n’est pas possible de tracer un chemin orthodoxe des nominations honteuses. La chose a pris une envergure telle que le Ministre des Enseignements secondaires a dû prendre une circulaire pour la dénoncer. Il s’agit de la lettre circulaire n°1066/10/MINESEC/CAB du 02 juin 2010 ayant pour objet le ‘’Monnayage des nominations’’. S’adressant aux Délégués Régionaux, il disait ceci « Il m’est revenu de source digne de foi, que dans le cadre de la préparation des prochaines nominations des responsables au sein du Ministère des Enseignements Secondaires et particulièrement des chefs d’établissements, certains de vos collaborateurs auraient entrepris des tractations de tout ordre, exigeant même d’énormes sommes d’argent aux personnels en quête de postes, sous le prétexte fallacieux que celles-ci seraient reversées à la hiérarchie. » Le phénomène ne fait que prendre de l’ampleur, aussi pensons nous remettre la chose sur la table du Ministre si jamais elle avait quitté. Car il continuait dans sa lettre « Aussi ai-je l’honneur de vous demander de tout mettre en œuvre pour faire cesser de telles pratiques honteuses que je condamne vivement et de dénoncer tous ceux des responsables qui s’y emploieraient. »

Voici du reste ce qui se dit au sujet de certains postes : Vous voulez être Proviseur, tout dépend de l’effectif des élèves et de l’emplacement de votre futur établissement convoité, les lycées sont classés : moins de 500 élèves, entre 500 et 1000 élèves, entre 1000 et 1500 élèves, entre 1500 et 2000 élèves, plus de 2000 élèves. Les lycées de moins de 500 élèves sont généralement en campagne et il faut débourser entre 500 000 et 800 000 Fcfa et 1 500 000 Fcfa en ville, on exige par la suite systématiquement sans distinction d’emplacement 1 800 000 Fcfa pour un effectif compris entre 500 et 1000 élèves, 2 000 000 Fcfa pour un effectif compris entre 1000 et 1500 élèves et 3 000 000 Fcfa pour un effectif entre 1500 et 2000 élèves. Pour plus de 2000 élèves, il faut allier à la bourse un parrainage très pointu et un militantisme sans faille aux idéaux du parti au pouvoir. Les lycées techniques coûtent plus chers que ceux d’enseignement générale. Un lycée technique de 1000 élèves se livre à 3 000 000 Fcfa et un lycée technique canadien coûterait 7 000 000 Fcfa. Ces montants comme pour toutes les affaires brumeuses subissent des cures d’amaigrissement au fur et à mesure qu’ils passent les étapes. Il se pourrait que si la chaine est très courte c’est-à-dire qu’on est plus proche de la source, on paierait nettement moins. Ces taux varient aussi en fonction de l’affluence des candidatures, on prend alors le plus offrant. Les clients ici comptent se faire rembourser sur les frais exigibles, les écussons, les tenues de sport et les recrutements des élèves à la rentrée scolaire pour les chefs d’établissements. Les inspecteurs comptent sur le carburant à l’occasion des missions, les Délégués comptent sur les contributions des établissements à l’occasion des multiples réunions avec les chefs d’établissements ou séminaires (recyclage des Présidents des APEE et Conseil d’établissement, recyclage des Censeurs et Surveillants Généraux, etc).  Dans certains Départements, chaque APEE contribuent pour 10 000 Fcfa!

Une fois le corrupteur retenu, Il faut par la suite entretenir le poste chaque année en déposant un bon pactole qu’on appelle la chèvre ou le carburant selon les régions. Il semblerait que l’âge du postulant ait aussi des influences sur le montant à verser. Plus on est proche de la retraite, moins cela vous coûte cher. On a vu des postulants à un ou deux ans de la retraite recevoir gracieusement le poste qui aurait couté plusieurs millions à quelqu’un au début de sa cinquantaine. Le poste de Directeur de CES ou de CETIC se négocierait à 500 000 Fcfa, les établissements en création pouvant valoir moins. Les postes de Censeurs et de Surveillants Généraux s’obtiendraient à 300 000 Fcfa invariablement. Le poste d’Inspecteur Régional se négocierait à 200 000 Fcfa. Ceux-ci n’ayant pas de budget comptent sur leur prime de sujétion pour amortir. Les postes de Délégué se négocient en fonction du nombre d’établissements de la région ou du département. Il faut aller chercher au-dessus de 20 000 000 Fcfa pour un Délégué Régional, et plus de 10 000 000 Fcfa pour les Délégués Départementaux.

Il y a donc tout un marché foisonnant derrière les nominations loin des critères de compétence. Ils sont peu nombreux ceux qui courent après les postes pour servir réellement la nation. C’est pour cet aspect commercial des postes que la sédentarisation est de règle aux postes et que beaucoup disent       « mon établissement » comme s’ils détenaient des titres fonciers en bonne et due forme. Certains postes sont parfois programmés par les intermédiaires qui ont souvent les dates de départ à la retraite des responsables par cœur. C’est ainsi que certains se préparent des années à l’avance pour un poste précis et cela donne lieu à des batailles de coulisse très rudes. Ainsi, après les nominations, pendant que certains festoient ouvertement pour la réussite du deal, d’autres coulent des larmes intérieures. Il est urgent qu’un vent souffle pour assainir ce milieu infesté et impropre à un climat de pédagogie et de méritocratie.