Les Journalistes de Afrique Media en conférence à Dschang sur le thème : « Jeunesse et panafricanisme, bilan et perspectives »
Ce Lundi 8 Février 2016, une grande conférence se déroulait à la salle Manu Dibango de l’Alliance Franco-Camerounaise de Dschang. Le panel était constitué des journalistes Bachir Mohamed et Banda Kani. En plus d’eux il y avait Pr. Zacharie Anazepouo, Sigap et François Feudjo. La conférence est organisée par l’A.F.C.D. (Alliance Franco-Camerounaise de Dschang), la L.A.A. (Ligue Associative Africaine), l’A.D.D.E.C. Dschang (Association pour la Défense des Droits des Etudiants du Cameroun), A.S.A. (Action Sociale Africaine), la M.I.S. (Maat International Services), l’A.U.D.A. (Association pour l’Unité et le Développement de l’Afrique) et l’ASSEHI (Association des Historiens de l’Université de Dschang). Plus de 700 personnes ont fait le déplacement pour la conférence.
A 17 heures, le représentant de l’A.F.C.D. Youssouf Njimonkouop prend la parole pour remercier les conférenciers, les organisateurs et l’assistance. Dr. Jean Claude Tchouankap, le modérateur de la conférence présente les conférenciers et donne la parole à Banda Kani qui commence par décrier la coopération Franco-Camerounaise qu’il considère comme laide et puante. Il propose une vraie alliance Franco-Africaine qui se fera dans le combat. On ne peut pas nier l’humanité à un peuple et négocier avec lui. C’est dans le combat que doit naître des relations homme-homme entre la France et le Cameroun, pour supplanter les relations maitre-esclave qui règnent présentement. Il revient sur la notion du panafricanisme et précise que l’histoire de toute l’humanité y est inscrite. Il faut questionner l’histoire de l’Afrique noire pour comprendre les défis qui nous attendent. Le conférencier cite les branches du panafricanisme. Il commence par la négritude qui est une manière de supplier le blanc de reconnaitre le noir comme un homme et affirmer les valeurs fondamentales du noir. Les chefs de ce mouvement sont Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor que le conférencier qualifie de traitre à l’Afrique. Il précise que dans cette branche se trouve Cheikh Anta Diop qui est sorti de l’abstraction et est allé sur le terrain scientifique. La deuxième branche est l’Afrocentricité qui prône un retour à nos cultures, nos rites, et chasser de nos terres tout ce qui est étranger en terme de rite. Les africains ont tout dans leur passé pour relever les défis qui se présentent à eux. Le chef de fil de cette branche est Moléfi Kete Assante. La troisième branche est le panafricanisme civique qui est né aux Etats Unis et a pour but de montrer à la société étasuniene que l’homme noir est aussi un homme et doit jouir des mêmes droits que les blancs du pays. Les principaux leaders de ce panafricanisme sont Martin Luther King et Malcom X. La quatrième branche est le panafricanisme politique prôné par Kwame Nkrumah. Elle vise à libérer les peuples africains du joug colonial et les gouverner dans un ensemble politique. Le conférencier continue en précisant que toutes ces branches montrent qu’il y a un seul panafricanisme ; ce sont des rivières qui convergent toutes vers un même fleuve.
Banda Kani reprécise que la lutte pour le panafricanisme est la lutte pour l’humanité. L’Afrique doit se libérer et libérer tout le monde qu’elle a engendré. Les autres peuples ont perdu leur humanité et le panafricanisme leur restituera cette humanité, ceci dans la lutte. Le/la panafricaniste doit donc être le/la plus excellent(e) du monde dans tous les domaines. Si des nuls se mettent ensemble, ils formeront un Etat de nulards qui s’écroulera. La maison du (de la) panafricaniste doit être le premier espace du panafricanisme. S’il/elle gère mal sa maison, il/elle détruit le panafricanisme. Le/la panafricaniste doit raconter l’histoire de l’Afrique à ses enfants. La construction des Etats Unis d’Afrique est un moyen pour libérer le monde entier et non une fin. Le panafricanisme commence quand on a compris que l’occident était une erreur dans l’histoire. Dans tous les domaines, rien n’a encore existé. L’histoire n’a été que l’histoire dominatrice de l’occident qui est sur le point de détruire l’humanité. N’entre pas au panafricanisme qui veut. Le panafricanisme c’est cesser de demander le droit d’accès à Dieu aux autres peuples. Toutes les religions qui existent actuellement ne sont que des déformations des religions de nos ancêtres. S’il y a un conflit entre Rome et l’Afrique quel camp choisiront les chrétiens ? Se demande le conférencier. Le panafricanisme n’est pas un discours, c’est un vécu, un mode de vie.
Il revient sur la situation mondiale actuelle : Les remèdes sont devenus des poisons, la nourriture tue grâce aux OGM (Organismes Génétiquement Modifiés), on fabrique des maladies pour tuer l’humanité et en profiter pour vendre les médicaments, bref tellement de menaces pèsent sur nous. Nous sommes devant une seconde colonisation qui avance à grand pas sous le couvert de la Démocratie, comme si dans l’histoire on a déjà vu un maitre tenir la main de son esclave pour le conduire vers la liberté. Si on ne devient pas très vite panafricaniste, on va voir ce qu’on va voir et on va vivre ce qu’on va vivre, ajoute t-il.
Il critique le système capitaliste du Cameroun qui apprend aux Etudiants à devenir des employés et non des entrepreneurs. Ces étudiants continuent de défendre le système qui les met au chômage après leur formation. Le projet qu’on nous réserve au Cameroun et en Afrique c’est « Coller la petite » . Banda kani se demande comment une telle musique a eu autant de succès. Il ajoute que la consolation participe de notre propre mort. Tout ce qui arrive n’est pas un fait de hasard : (Néocolonialisme, satrapie, chômage, hommes en vestes, présidents africains francs maçons et rosicruciens…) Le système capitalise se reproduit chez nous. Nous devons le stopper en arrêtant de « coller la petite » alors qu’en même temps Brenda dépense beaucoup d’argent en Europe. Quand on finit de « coller la petite » et qu’on tombe malade, il n’y a personne pour nous évacuer, nous sommes les derniers d’un système qui fait tout pour se reproduire.
Banda Kani continue en affirmant que quand il voit la salle de conférence pleine, il dit que l’Afrique est debout. Des applaudissements le coupent un instant, puis il reprend en disant qu’il faut faire basculer l’histoire dans un saut qualitatif : « Ils nous ont proposé la mort et nous proposons la vie qui est dans le panafricanisme. » Nous sommes une génération extraordinaire avec un monde ouvert, des connaissances qu’on peut utiliser pour s’affranchir à jamais, existence des chaines de télévision comme Afrique Media, multiplication des associations panafricaines comme la Ligue Associative Africaine, ce qui n’était pas disponible hier. Il précise que tous les leaders panafricanistes ont commencé très jeunes. Il cite Félix Roland Moumié, vice-président de l’UPC à 25 ans et Kwame Nkrumah.
Après cette intervention, le modérateur Jean Claude Tchouankap fait la synthèse de l’exposé dans un ton comique qui anime d’avantage la salle. Il passe la parole au Pr. Anazepouo. Ce dernier commence par rappeler que le panafricanisme sommeille en chacun de nous. Nous n’avons pas de leçons à recevoir des autres. Si hier nous étions de simples récepteurs, qu’est ce que nous avons perdu dans cette attitude ? Il reprécise le rôle de la famille comme base de la société et suggère que des efforts soient mis au niveau de la famille pour assurer à nos enfants un confort matériel et une éducation de qualité. Nous devons rompre avec ce système occidental qui tend à rejeter l’enfant sur lui-même et consacrer beaucoup d’argent sur les animaux. On ne peut pas construire une société panafricaine avec des enfants rejetés à eux-mêmes, avec une éducation sans moralité, la transposition des modèles étrangers en Afrique. Il ajoute qu’il y a conflit entre les valeurs occidentales et africaines. Nous devons faire émerger une langue nationale, vision qui a manqué à nos hommes politiques, poser des bases économiques solides, transformer nous-mêmes nos matières premières, concevoir un modèle africain compétitif. Si nous achetons la Toyota au Japon, nous devons exiger qu’il achète les contre-plaqués chez nous.
Après Pr. Anazepouo, Sigap prends la parole pour parler de l’immigration. Il est suivi par François Feudjo. Ce dernier insiste sur le fait qu’il faut dépoussiérer nos livres et les lire si nous voulons compter dans le monde de demain. C’est le tour de Bachir Mohamed. Des applaudissements et des cris de joie l’accueillent. Il a du mal à parler sans être coupé par les applaudissements. Il remercie l’assistance et les conférenciers, parle un peu de sa vie privée et remet la parole au modérateur.
Phase des questions-réponses
La première intervenante demande à Banda Kani le conseil qu’il donne à la jeunesse en tant que leader politique.
Banda kani reprécise la décolonisation particulière de l’Afrique. Nous sommes le seul continent où on a mis à la tête de nos pays des hommes contrôlés par l’ancien colon. Ce qui a eu un effet drastique sur nous. La jeunesse doit d’abord savoir cela et comprendre que nos dirigeants sont encore contrôlés de l’extérieur. Elle doit lutter pour préserver la paix car la guerre profite à l’impérialisme. Nous devons éviter que la fin du régime Biya ne cède à l’anarchie, créer une dynamique nationale qui surpasse les clans et les clivages politiques, travailler dur. Il ajoute que l’histoire sait rappeler à certaines personnes leurs places.
Le second intervenant demande si le panafricanisme est un mythe ou une réalité
Le Professeur Anazepouo répond en précisant que le panafricanisme est une réalité et doit être intégré dans les programmes scolaires. Banda Kani ajoute qu’il faut panafricaniser l’enseignement en Afrique. Ceux qui disent que le panafricanisme est un mythe sont des ignorants, ils ne connaissent pas leur histoire. Ils disent ce qu’on veut qu’ils disent. Ils ne connaissent pas les victoires des esclaves en Amérique. Depuis 400 ans que dure notre domination par l’Europe, nous n’avons jamais cessé de résister et la plus grande de ces résistances est incarnée dans le panafricanisme, qui est sur le point de mettre un terme définitif à notre domination. Malgré les coups reçus pendant plus de 400 ans, nous sommes débout. Ce n’est pas parce qu’à un moment nous sommes dominés que nous croyons que nous avons tord. Nous devons continuer à nous battre, et c’est ce que nous avons fait jusqu’ici. Nous sommes le continent où il y a encore assez de terres pour nourrir notre population avec une économie bio, où on s’oppose vigoureusement à l’homosexualité, où la structure culturelle pose les bases d’une économie alternative au capitalisme. Nous avons le climat le plus sain, même les tsunamis s’arrêtent aux portes de l’Afrique. Le vrai Dieu est toujours du coté des opprimés, donc il est en Afrique présentement. Banda Kani poursuit en précisant qu’on ne négocie pas avec un faible, nous devons nous armer militairement pour pouvoir négocier avec les autres et être capables de leur montrer notre armement s’ils tentent de nous opprimer une fois de plus.
A 21 heures, la conférence prend fin. La secrétaire de l’Alliance Franco-Camerounaise de Dschang remercie l’assistance, les conférenciers et les organisateurs (Ligue Associative Africaine, Association pour la Défense des Droits des Etudiants du Cameroun branche de Dschang, Action Sociale Africaine, Maat International Services, Association pour l’Unité et le Développement de l’Afrique, Association des Historiens de l’université de Dschang).