Lettre de Théophile Obenga à la jeunesse africaine

Blog Single

Les êtres humains en effet vivent dans un monde éthique, c'est-à-dire un monde de réflexion et de responsabilité. Il est salutaire que la jeunesse africaine se fasse à l’idée de Renaissance africaine, d’Etat fédéral panafricain continental, ce qui est une idée de grandeur historique pour l’Afrique et pour la civilisation humaine qui s’en vient. La grandeur est l’autre face du Bien, son immense signe dans l’histoire. Certaines notions empiriques et positivistes doivent être abandonnées, afin que la jeunesse africaine se dresse et s’engage résolument dans le monde éthique de l’histoire humaine.

Jeunesse Africaine, fière, brave, debout ! Le soleil ardent du continent est à son horizon oriental, juste levé, t’apportant vie et santé, énergie et intelligence, amour et contentement plénier. Tu espères par ton travail, donner le meilleur de toi-même au continent.  Il se raconte beaucoup de choses à ton sujet. La politique des programmes d’ajustement structurel, neufs et vieux, t’est suicidaire. L’immigration, même agrée, est choisie. Il n’est pas certain que ton bonheur puisse définitivement en dériver. Coriace, le virus du SIDA t’a été inoculé par la méchanceté occidentale. C’est la logique constante des pays du Nord depuis les codes noirs du siècle des lumières : atteindre, paralyser, au mieux éliminer les forces vives et juvéniles du continent pour le pomper en toute tranquillité. Les « pères fondateurs » et « les présidents-à-vie » ferment les yeux et croient servir l’Afrique.

Jeunesse Africaine, fière, courageuse, debout ! Les circonstances te sont plus que jamais favorables. Sache, tu le sais : la paix dans le monde n’est pas encore au rendez-vous avec elle-même, en dépit des efforts de Albert Luthuli, Martin Luther King, Nelson Mandela, Desmond Tutu et Wangari Maathai, tous prix Nobel de la paix. Il est à remarquer que l’ANC est le seul parti politique à avoir reçu trois fois le prix Nobel de la paix au 20e siècle. En effet, la quête du destin africain et son accomplissement, à l’échelle humaine, n’est que ce chemin d’unité, de solidarité, de partage, de concertation panafricaine, de grande vision continentale, transcendant lignages, clans, villages, tribus, ethnies, Etats-nations, plaies des guerres civiles, précarités sociales, vulnérabilités psychologiques, fragmentations et fragilités politiques au plan mondial, international, planétaire. Dure et longue est par conséquent la tâche.

Jeunesse africaine, sois éveillée, plus que jamais ! Il s’agit de toi, de ton avenir. De l’Afrique, de son futur. De l’humanité, de son ouverture à elle-même, de ses grands idéaux de civilisation. L’Afrique n’a que trop subi le descriptif des autres : « l’Afrique noire est mal partie », « l’année de l’Afrique » (qu’une pauvre année !), « l’Afrique des colonels », « l’Afrique fantôme », « l’Afrique ambiguë », « l’Afrique des tribus », « l’Afrique bloquée », « l’Afrique marginalisée », « l’Afrique pauvre, très pauvre, très endettée dans le sous-développement durable »...

C’est le découragement, source de pessimisme, que l’on veut théoriser pour mieux paralyser l’Afrique et, de la sorte, la piller systématiquement, sans le moindre scrupule, parfois souvent avec des complicités politiques africaines. Doit-on minimiser la capacité de la Jeunesse Africaine à produire des idées, des cas de figure, des programmes, des activités à la suite de la lecture de Marcus Garvey, W.E.B Du Bois, Aimé Césaire, Frantz Fanon, Cheikh Anta Diop, Kwamé Nkrumah, Julius Nyeréré, Steve Biko?

Les idées comptent, plus qu’avant, dans le monde contemporain : idées de démocratie, d’économie mondiale, de recherches scientifiques, d’identité et de diversité culturelle, de philosophie, de violence ou de non-violence, de fondamentalisme théologique ou non, de sexualité humaine ou animale, de spiritualité, de gnose, de la vie dans l’univers. Quelles sont les idées des Africains, de façon originale et profonde, sur toutes ces immenses problématiques contemporaines qui engagent déjà le futur de l’humanité ?